– Tu va venir avec moi sans faire d’histoire d’accord ? dit-elle en me faisant signe de la suivre.
Elle me regardait d’un air sévère. Comme les armes semblaient chargées, et que je n’allais pas prendre le risque de le vérifier, il valait mieux obéir. Je m’ exécutais sans dire un mot. Nous fîmes une centaine de mètres avant qu’elle ne me fasse signe de monter à l’intérieur d’une Clio rouge. Je regardais aux alentours les gens qui passaient mais j’étais trop effrayé pour émettre le moindre son. Ces derniers jours n’avaient rien eu d’agréable et aujourd’hui je touchais le gros lot. Je me contentais d’ouvrir la portière et de m’asseoir tout en douceur. Même si mon agresseuse s’installait côté conducteur, un de ses revolvers restait pointé dans ma direction. Une bonne manière de me signifier qu’elle ne comptait pas me laisser m’échapper. Une fois installés, elle démarra le véhicule et pris progressivement la sortie de la ville. Je réfléchissais calmement. La situation était extrêmement tendue. J’étais en train de me faire enlever pour aller je ne savais où et personne ne pouvait venir à mon secours. Personne sauf Nathan. Du moins, il serait bien le seul à garder son calme dans sa tentative de me retrouver. La police ne serait pas assez discrète et il m’était dans l’impossibilité de les appeler. Pierre et Noémie n’auraient jamais le courage de faire quoi que ce soit et je ne leur en voulais guère. Quand à mes parents la question ne se posait même pas, ils s’effondreraient. Et puis pour être honnête, les voir mêler de près ou de loin à cette histoire n’était pas mon objectif.
– Écoute si tu veux de l’argent je peux t’en donner ce n’est pas un problème dis-je du ton le plus assuré que je pouvais faire. Je savais pertinemment que ça n’était pas ce qui l’intéressait. Il lui aurait suffit de me dépouiller dans la rue et de simplement s’enfuir. Et puis, lui parler pouvait être une méthode de diversion le temps d’envoyer un message à Nathan.
– Je m’en fiche de ton argent répliqua-t’elle durement. Tout ce que tu as à faire c’est de coopérer et de nous écouter ! Après tout ira bien pour toi.
Cette phrase me faisait comprendre que ma transformation en surhomme était la cause de cet incident. J’aurais d’ailleurs dû m’en douter. Pour quelle raison cette fille se serait donné tout ce mal pour m’enlever ?
– Ce n’est pas moi qui vais t’aider lui dis-je. Je ne suis qu’un étudiant de Sciences Po, ma famille n’est pas riche tu n’obtiendras rien.
– Sincèrement tout ça n’a pas d’intérêt. Tu t’es fait remarquer et mon équipe veut te voir.
– Sans vouloir te vexer je ne sers à rien tu va perdre ton temps avec moi.
– Ne te fatigues pas ! Tu auras tout le temps de parler une fois arrivé.
– Puis-je savoir ou on va ?
– Au sud ! Cette réponse semblait la contenter. J’avais eu le temps d’envoyer un message d’alerte à mon associé ainsi que ma localisation. Et le véhicule roulait tout droit en direction de Vienne. Il fallait que je tente quelque chose pour qu’on s’y arrête le temps d’une dizaine de minutes.
– Il faut que l’on s’arrête à Vienne ! dis-je soudain.
– Hors de question répondit-elle comme je m’y attendais.
– Je n’en ai pas pour très longtemps dis-je. «Je ne chercherai pas à m’enfuir si c’est ce que tu crains. Avec deux flingues je ne pourrais pas aller bien loin ». Je me sentais un peu plus à l’aise dans cette situation. Peut-être parce que je sentais que cette fille n’était pas vraiment sereine. Quand je l’avais rencontré, elle s’exprimait avec un naturel avenant. A mon avis elle jouait un rôle, et le maîtrisait plutôt bien je dois le reconnaître. Mais sa façon de détourner la tête lorsqu’elle m’adressait la parole me laissait penser qu’elle n’était pas à son aise.
– Tu penses vraiment que je vais te croire ? Me demanda-t’elle en me regardant cette fois droit dans les yeux sans doute pour m’intimider. Sa volonté me fit lâcher en premier mais je ne baissais pas la tête pour autant.
– Et pourquoi tu penses que je te mens ? Je comptais sortir un peu après une journée de cours afin de prendre l’air, voir des gens. Comment pourrais-tu le savoir, puisque tu m’as emmené de force avant même que je puisse me poser un instant chez moi ?
Je mentais de mieux en mieux. Une première pour quelqu’un comme moi qui jusqu’à maintenant avait toujours été honnête.
– Très bien dit-elle enfin. Mais je reste avec toi pour que tu ne tentes rien. Dis-moi ou tu vas et qui tu va voir ?
– Il s’agit de mon oncle. Il tient une boutique de jeux vidéos. Je le rejoins là-bas puis nous allons boire une bière. S’il ne me voit pas il va se poser des questions. Ça fait deux semaines qu’on prévoit de se voir.
– Si tu me mens tu le regretteras ! dit-elle. Sur ce elle trouva une place de parking une fois arrivé dans la ville. De ce que je pouvais voir, je supposais que nous étions dans le centre. Je me rappelais du nom du bar. En revanche je ne savais pas ou il se situait et le soi-disant magasin de jeux vidéos non plus. J’espérais juste de ne pas tomber sur le magasin avant d’avoir trouvé ce fameux bar. Si je manquais mon coup, elle comprendrait que je la mène en bateau et me forcerait à remonter dans la voiture. Bien que je ne la crois pas capable de me faire du mal, elle était tout de même armé jusqu’aux dents. Et si le «nous » qu’elle avait mentionné, signifiait bien qu’il y avait d’autres personnes comme elles, les rencontrer ne serait pas une partie de plaisir. A vrai dire je me mettais dans une situation délicate. Mais je ne voulais pas la laisser m’emmener. Je craignais le pire.
En commençant mon chemin, j’inspirais un instant en fermant les yeux tout en priant pour qu’il ne m’arrive rien de fâcheux.
***
J’avançais à pas lents dans la rue. Avec le nombre de gens qui passaient, ce lieu ne pouvait être autre que le centre. Mes chances de le trouver n’étaient pas si désespérées. En revanche j’ignorais ou «le bon coup » se nichait. Et il fallait que Nathan n’ai pas quitté son service, ainsi il pourrait me repérer. Un vrai cauchemar ! mais je devais en être maître.
– Tu pourrais avancer plus vite nous n’avons pas que ça à faire ! clama-t’elle. Elle faisait référence à ma vitesse de déplacement, qui en l’occurrence, n’était pas rapide.
– Excuse-moi mais ça fait des années que je ne suis plus venu dis-je pour me défendre. Je regardais le nom des magasins, bars et autres boutiques, tout ce qui se présentait sur ma route. Cela me semblait affreusement long et comme je ne trouvais rien, le stress commença à me démanger. L’idée de partir en courant avait jailli dans mon esprit mais je ne savais pas comment cette fille réagirait. Et si je me remettais à me déplacer à la vitesse d’une flèche, les gens pourraient voir des signes similaires à la très célèbre vidéo diffusé récemment.
– C’est un peu trop long ! son ton se voulait menaçant. Et sans que je sache pourquoi, cela m’irrita plus que mon état de panique me gagnait. Je me retournai vers elle.
– Et toi tu peux t’imaginer un seul instant que ce que je vis est traumatisant ? Tu me prends en otage et tu m’emmènes dans un lieu inconnu ou d’autres souhaitent me parler de choses sur moi dont je ne suis même pas au courant ? Alors oui ça va être difficile d’aller voir mon oncle, de le regarder dans les yeux en sachant que je lui mentirai !
Elle fut visiblement surprise par ma réaction et le temps d’un instant, sembla même impressionnée. Mais elle reprit très vite son rôle de guerrière et m’ordonna simplement d’avancer. Je m’executais.
C’est alors que devant moi, se tenait Nathan. Je voyais le «Bon coup » juste à côté mais mon sauveur n’était pas en tenue de travail. Il avait du se douter que je souhaiterais le rencontrer ici. Je me retins d’esquisser un sourire. Au lieu de cela, le léger coup de tête que je fis en direction de mon agresseuse lui fit comprendre que le problème venait d’elle.
– Qu’est ce que tu as fait ? me demanda-t’elle suspicieuse. Il était temps pour moi de faire diversion car je voyais du coin de l’œil Nathan qui s’approchait, bien que je n’avais pas idée de ce qu’il s’apprêtait à faire. Pour être sûr qu’elle ne le repère pas, je tentai alors quelque chose.
– Je me demandais si tu avais un mec ? La question la surpris et à ma grande surprise, la fit rire.
– Tu penses vraiment que ça te regardes ? «Fais pas l’idiot et avance. »
– Je suis sérieux dis-je en insistant. C’est juste une question tu me réponds par oui ou non.
– Je ne te ferai pas le plaisir de te répondre lâcha-t’elle.
– Je dis ça puisque tu es plutôt jolie !. Je ne me serais jamais sentis capable de dire cela. Elle sembla encore plus outrée par ma remarque.
– Et bien si tu ne te tais pas la jolie fille va t’embarquer avant que tu n’ai pu voir ton oncle. Ça te plairais cette idée ?
Avant que je ne réponde, Nathan arriva brusquement derrière et lui vola discrètement le revolver qu’elle tenait dans la poche de son manteau.
– Tu va venir avec nous et si tu fais le moindre bruit je te tire dans le pied tu as compris ? lui dit-il calmement. La fille hocha doucement la tête. Elle comprenait qu’elle perdait le contrôle de la situation mais ne montrait pas de signe de frayeur. Autour de nous, les gens ne semblaient pas avoir remarqué ce qui se tramait. Je remercias intérieurement Nathan d’avoir fait preuve d’une telle discrétion.
– La voiture est dans cette direction dis-je en pointant du doigt le chemin que nous avions emprunté.
Pour se fondre dans la foule sans attirer les regards, Nathan enlaçait miss Rambo comme s’il s’agissait de sa petite amie tout en rangeant l’arme dans sa veste. Arrivé à la voiture, notre prisonnière nous ouvrit les portes, elle se plaça au volant et nous sur les sièges passagers.
– Bravo fit-elle en ma direction. Je ne pensais pas que ton oncle était aussi jeune ! Elle faisait preuve d’humour au moins.
– Je ne sais pas ce que tu lui veux mais tu as intérêt à le laisser en paix s’exclama Nathan de manière autoritaire.
– Écoute je sais ce qu’il a fait je ne peux pas le laisser vivre sa vie comme si de rien n’était.
Nathan eu un instant de surprise en la regardant d’un air méfiant. La fille le fixa avec attention.
– Tu le savais aussi n’est-ce pas ? dit-elle. Intéressant.
– Bons sang !. Il n’essayait même pas de nier.
– Laisse-nous partir ! dis-je maintenant que je contrôlais la situation. Je trouverai bien un moyen de rentrer jusqu’à Lyon. Tant que cette garce sera loin de moi, tout me semblera plus tranquille.
– Attends ! dit Nathan. Elle a l’air de savoir des choses sur toi ! On doit en savoir plus !
Il marquait un point. Cette fille était la seule personne susceptible de me poser problème. Ma vie avait lentement repris son cours jusqu’à ce qu’elle me menace avec ses armes et m’embarque dans sa voiture. Il fallait dire que si je voulais qu’elle disparaisse maintenant, c’était pour me sentir de nouveau apaisé. Mais il fallait prendre le taureau par les cornes, affronter ce problème qui se posait face à moi. Elle connaissait des choses sur moi et sans doute sur Nathan. Lui comme moi étions perdus concernant l’origine de nos capacités. Et cette mystérieuse fille était notre meilleure piste.
– D’accord ! finis-je par dire. Mais concrètement qu’est ce qu’on fait ?
– On va aller discuter dans un coin tranquille dit Nathan. On va sortir de la ville et discuter dans un endroit où personne ne viendra nous déranger. Il pointa l’arme en direction de la conductrice pour montrer qu’il ne plaisantait pas. Celle-ci s’exécuta. Nous prîmes la sortie de la ville et plutôt que de passer par l’autoroute, Nathan nous emmena sur des petits chemins de campagne. Il regarda autour pour s’assurer qu’aucune personne ne se promène ou circule.
– Arrête-toi là ! ordonna-t’il. La fille se rangea et coupa le moteur. Elle ouvrit la portière puis descendit rapidement. Nathan qui n’aimait pas cette initiative, sortit brusquement à son tour pour l’attraper par le bras. En guise de défense, elle lui asséna un violent coup de poing au visage, mais sa tête ne bougea pas.
– Qui es-tu ? demanda Nathan.
– Comptes pas sur moi pour le dire répliqua-t’elle.
Jouer avec les nerfs de Nathan ne me semblait pas une bonne idée. Son visage était crispé, j’en ressentais parfaitement la colère. Son quotidien s’en trouvait menacé dont il y avait de quoi. Lui
s’était habitué à mener une vie paisible sans que ses particularités viennent la lui gâcher. A vrai dire je me sentais responsable. Sans moi il serait sans doute en train de rejoindre des amis où regarder tranquillement un film. Comme quelqu’un de normal.
– Tu as l’air de savoir des choses sur Tom continua Nathan.
– Et sur toi dit-elle. Sinon pourquoi prendrais-tu tellement les choses à cœur ? Et le coup de poing avait simplement pour but d’assurer ma théorie te concernant. C’est chose faite.
Je ne connaissais pas Nathan mais il ne semblait pas du genre à frapper tout ce qui bouge. En revanche là maintenant, je n’aurais su dire s’il comptait aller plus loin dans ces menaces. Je décidais d’intervenir au cas où les choses tourneraient mal.
– Écoute dis-je. Apparemment tu es au courant pour ce qui m’est arrivé. Je veux que tu saches que je n’ai jamais souhaité cela, et mon ami ici présent non plus. Alors je t’en prie si tu sais des choses dis-nous tu nous aiderais énormément.
– Vous allez très vite le savoir dit-elle doucement.
– Et bien dis-nous s’exclama Nathan.
– Attendez un instant.
– Tu es en train de nous prendre pour des imbéciles !
– Lâchez votre arme ! hurla alors une voix inconnu. Un homme armé se tenait de l’autre côté de la voiture. Il tenait Nathan en joue. Cependant il ne me voyait pas. Je ne sais pas ce qui me pris mais très vite, je courus dans sa direction puis le poussa violemment.
– On cours ! criai-je. Mais avant que l’on puisse faire le moindre geste, une dizaine d’hommes armés surgirent de nulle part. Mes connaissances en armes à feu étaient limitées mais je n’étais pas sans savoir qu’une de ces balles pouvaient me réduire en pâtée pour chien.
– Lâchez-là ! Hurla un des hommes qui avaient l’air d’être le leader.
– Vous êtes qui d’abord ? hurla Nathan qui avait saisi la fille.
Le chef ne lui répondit pas mais continua à lui sommer de se rendre. Mon nouvel allié se mettait dans une situation délicate. Nos opposants ne semblaient pas appartenir à la police locale mais plutôt à un commando de forces spéciales. S’il s’obstinait à rester dans cette position, l’un des hommes finirait par l’abattre.
– Tous ce que vous avez à savoir, c’est que nous ne sommes pas vos ennemis. Nous pouvons vous aider !
– J’en suis pas si sûr rétorqua Nathan. Laissez-nous en paix et je relâche la fille.
– Même si tu la relâches nous avons pour ordre de t’emmener avec nous. Tout cela peut se passer en douceur !
Je ne savais quoi faire au milieu de cette scène. Essayer de me débarrasser de ces dix hommes relevait du suicide et je ne pouvais pas convaincre Nathan de se rendre gentiment. A l’évidence nous étions coincés. J’entendis alors un tir et et ressentis une forte douleur. Puissante mais rapide. A cet instant j’entendis un cri et d’autres tirs. Je ne vis pas ce qui m’entourait. Je restais figé, persuadé de mourir. Mais je restais debout et quand je rouvris les yeux, des dizaines d’armes me visaient et l’on me recouvra de noir. On m’ordonna de m’asseoir, et j’entendis quelques secondes plus tard le vrombissement d’un hélicoptère. C’était la deuxième fois que je me faisais kidnappé depuis mon départ de chez mes parents. A croire que je ne réussissais vraiment pas ma vie tout seul. Je n’étais pas pressé de savoir où l’hélico se poserait…