Episode 7

10 mins

Le fait de savoir que l’on vous surveille ne vous aide pas à dormir sur vos deux oreilles. Cependant vous restez sous surveillance, ce qui signifie que des gens veillent sur vous. Même si cette situation ne me confortait en rien, savoir que je n’étais pas tout seul dans cette histoire me rassurait. Cette organisation cachée aux yeux du monde m’avait d’abord effrayé mais ils ne semblaient pas nous vouloir de mal, du moins tant que nous nous tenions à carreaux. Ils pouvaient être rassurés je ne comptais pas tenter quoi que ce soit qui risque d’exposer mes nouvelles facultés. Je voulais juste suivre mes cours et passer du temps avec mes amis, même si mes pensées n’allaient plus vraiment dans cette direction.
Je continuais à vivre ma vie d’étudiant, la meilleure chose que je pouvais faire actuellement. Quelquefois, lorsque je quittais l’établissement en fin de journée, je voyais la fille au loin. Nos regards finissaient par se croiser mais l’échange ne durait jamais bien longtemps puisque gêné par cette situation, je détournais rapidement mes yeux pour les positionner ailleurs. Son expression exprimait parfaitement le message qu’elle voulait me faire passer : je te surveille et je ne te lâcherai pas ! Je suppose que Nathan recevait également sa visite régulière que ce soit par la fille ou un autre agent lambda.
Les vacances de la Toussaint s’étaient écoulés mais je n’avais pu me résoudre à rentrer au bercail. Je prétextais ne pas pouvoir venir à cause de ma charge de travail, et comme il s’agissait de Sciences Po, mon argument était crédible, et pas totalement faux. Bien sûr la vraie raison ne pouvait leur être dévoilée. Pourtant un jour ou l’autre je devrais rentrer et pas dans un futur si lointain. Les vacances de noël approchaient à grands pas et impossible d’imaginer les moments conviviaux des fêtes se transformer en instants de solitude. De plus si je leur annonçais que je ne venais pas, ils seraient grandement inquiets.
Je m’interrogeais par rapport à Nathan. J’imaginais sans aucun doute qu’il était furieux de s’être fait découvert. Ma responsabilité dans cette histoire était totale et je craignais de lui parler pour découvrir qu’il m’en voulait de tout ceci. Un beau jour je pris mon courage à deux mains et lui envoya un message. Peut importe si nos surveillants le recevaient, il était mon meilleur allié dans cette histoire. Nous devions garder le moral.
A ma grande surprise sa réponse ne se fit pas attendre. Suite à mon message ou je lui fis part de ma culpabilité, il me répondit qu’il ne m’en tenait pas responsable. Son message suivant m’indiqua qu’il souhaitait que l’on se voit. Je lui répondis qu’avec les agents qui nous avaient à l’œil il allait être difficile de se faire discret, mais que de toute manière rien ne les autorisait à nous rendre prisonnier. Ils verraient que nous ne ferions rien de mal qui puisse nous mettre en danger.
Nathan me proposa de passer me prendre en voiture ce que j’acceptais. Je lui donnais mon adresse pour que l’on se retrouve. Lorsque je le vis quelques minutes plus tard, je sentis son visage légèrement crispé. Son sourire était visible mais pas naturel. Je ne pouvais pas le lui reprocher, je faisais la même chose. D’ailleurs nous n’échangions aucune parole pendant le trajet. La destination m’était inconnue, mais visiblement il s’agissait d’un endroit ou personne ne nous dérangerait, car il s’arrêta devant un champ de mais. Drôle d’endroit mais original.
– Viens me dit-il en ouvrant la portière.
Je le suivis jusqu’à l’entrée d’une forêt à proximité. Nathan pénétra à l’intérieur et je lui emboîtais le pas. Son silence ne présageait rien de bon. Il pourrait me tuer là maintenant, puis m’enterrer sans que personne ne me retrouve d’ici vingt ans.
– Nathan je suis désolé pour tout ça dis-je en sachant pertinemment que cette histoire l’avait bouleversé. Je ne pensais pas que ces gens là étaient derrière nous je…
– Ce qui est fait est fait Tom dit-il plus sévèrement que je ne l’aurais pensé. Tu ne pouvais pas savoir. Tu m’as appelé quand tu a eu besoin d’aide et je n’ai pas hésité à venir. J’ai fait un choix celui de venir t’aider.
– Pourquoi tu m’as emmené ici ? demandai-je d’une voix mal assurée.
– Il faut que tu apprennes à te battre dit-il sur un ton qui me faisait étrangement penser à celui d’un colonel de l’armée dans les films. Ça n’avait rien d’une invitation mais plutôt d’un ordre.

En définitive je me situais dans une forêt complètement perdu et je ne pourrai sûrement pas repartir d’ici avant de m’être fait cassé la figure.
– A quoi cela me servirait ? J’essayais quand même de m’esquiver afin de rentrer chez moi sans égratignures.
– A te défendre contre ceux qui te voudront du mal dit-il. Il y a quelqu’un qui nous transforme et à mon humble avis d’autres sont au courant que nous sommes si….particuliers.
– Comment tu peux en être si sûrs ?
– Disons que nous ignorions l’existence de tels pouvoirs, d’agents à la solde du gouvernement alors il se peut que nous ne soyons pas au bout de nos surprises.
Il marquait un point. Je ne pensais pas non plus que les choses prendraient une telle tournure. Mais malgré cet argument mon envie de me battre ne se manifestait pas.
– Allez fais moi face et attaque-moi me dit-il sûr de lui.
Le combat n’avait jamais été mon fort. L’occasion s’était présenté à moi pendant mon adolescence lorsque par hasard, j’eus l’envie d’essayer un cours d’initiation de boxe anglaise. La somme versée dans cette activité fut nulle puisque le cours d’essai avait été suffisant pour me convaincre que je n’y retournerai jamais. Certes la maîtrise de trois grands costauds changeait la donne à présent, mais  à ce moment se sont réveillés des instincts de survie que je n’aurais jamais pu imaginer.  La il ne s’agissait pas de vie ou de mort, mais plutôt d’un combat amical. Mais je ne pouvais pas frapper lorsque la situation ne m’y obligeait pas.
– Ne t’en fais pas pour moi je sais me défendre dit-il.
Étrangement, je l’avais deviné. Sa posture et son regard indiquait une maîtrise de soi et une confiance absolue. L’aura qui s’en dégageait le prouvait. Une attitude peut parfois amener à intimider quelqu’un.
Pourtant je finis par m’avancer et à donner des coups, certes un peu timides, mais des coups bien réels. Malheureusement je n’atteignis jamais ma cible et quand il me lança un middle-kick dans l’abdomen je me sentis propulsé comme dans un manège à la fête foraine, excepté que cette fois-ci la ceinture et le siège sont absents.
– Ça va ?
Je levais le pouce en signe de confirmation. Même si le choc avait été brutal, c’est l’effet de surprise qui fût le plus effrayant. Et puis un coup est ce qu’il pouvait m’arriver de pire. Et je venais de passer par cette étape.
Lors de la suite de l’affrontement, Nathan bloquait majoritairement mes coups mais je réussis à le faire tomber une ou deux fois tout au plus. Étonnamment, je ne ressentais pas d’essoufflements ou de signes de mon corps me signalant un gros effort physique. Pourtant les sports de combat demandaient une condition physique impressionnante. Même lorsque mon dos entrechoqua un arbre à une vitesse étonnante, un douleur se manifesta mais après avoir serrer les dents pour faire passer ce mauvais coup, je me sentais comme neuf. En revanche mon passage sur l’arbre sera marqué à jamais. Le tronc avait maintenant un énorme impact. Mais je ne m’en faisais pas. Il passait inaperçu dans cette forêt. Seul un maniaque du détail pourrait l’apercevoir. Cette expérience du me rendre plus fort, ou peut-être cela fut seulement un coup de chance, mais je réussis à attraper sa jambe lorsqu’il tenta de me viser les côtes. Une fois ma prise bien en main, je le fis tournoyer avant de le jeter loin derrière. Contrairement à moi il ne rencontra pas d’arbre sur son chemin, bien qu’il ne fût pas loin, mais retomba lourdement sur le sol. En se relevant il semblait n’avoir rien senti.
– On fait une pause maintenant me dit-il.
Je n’allais pas m’y opposer. Ma lourde défaite était assez dure à supporter. Certes le final était grandiose mais si on avait continué il aurait été de courte durée. Et puis il me ménageait.
– Comment tu sais te battre ?
– J’ai fait deux ans de Mixed Martial Arts me dit-il tout sourire.
– Je ne vous dérange pas ? Demanda une voix qui n’était ni la mienne ni celle de mon camarade.

La voix était féminine. J’eus un instant d’angoisse en croyant qu’il s’agissait d’une personne normale qui venait de nous surprendre en train de nous battre. Mais en me retournant je constatais que cette personne n’était autre que celle qui me surveillait maintenant jour et nuit.
– Nous n’avons rien fait de mal dis-je sur la défensive. Si elle m’avait retrouvé dans cette forêt, mon portable devait sûrement avoir été trafiqué. Ou bien elle n’était jamais loin, toujours aux aguets. Je ne comptais pas sur elle pour me le révéler en tout cas.
– Heureusement que je ne suis pas une personne qui habite dans le coin auquel cas la police aurait débarqué dit-elle sur une pointe d’ironie. Vous êtes vraiment fort en tout cas les gars !
– T’es là depuis longtemps ? demandai-je. Nous étions tellement concentré sur ce que nous faisions que nous avons baissé notre vigilance.
– Oui ça fait un petit moment que je vous observe. L’arbre sur lequel tu t’es cogné est fortement abîmé mais bon je vois les petits détails ! Il faut juste espérer que personne ne passe par ici et ne le remarque.
Il y eut un silence un peu gêné puis Nathan me fit signe de le suivre. Ce que je fis. Je ne comptais pas rester en présence de cette fille aussi jolie soit-elle.
– Ou est ce que vous allez cria-t’elle. Ne vous gênez pas pour moi !
– On avait finit lui répondit Nathan d’un ton qui n’incitait pas à une réponse.
– Il y a encore un truc que vous avez oublié ! Elle s’approcha de nous et sortit un objet de sa poche. Bien que dans un premier temps je ne distinguais pas vraiment l’objet en question, la vue d’un pistolet en face de moi deux secondes plus tard me fit tressaillir.
– Ça ne va pas vous tuer dit-elle avant de tirer deux fois dans notre direction. Moi qui pensait mourir sur le coup, je fus étonné de constater que la seule chose que je venais de ressentir était l’équivalent d’un coup de poing à puissance modérée. Plus de peur que de mal. La même douleur qui m’avait traversé juste avant de se faire enlever en hélicoptère. Je me touchais le ventre en pensant y voir coulé du sang mais il n’en fût rien.
– Voilà tout ! un peu brusque désolé pour ça.
– Vous êtes malade dit Nathan.
 Elle se rapprocha de lui. Elle était bien plus petite mais ne se laissait pas démonter pour autant,  bien qu’il lui suffisait de lui décrocher un direct pour l’envoyer rejoindre ses ancêtres. Mais mon nouvel ami avait beau être en colère il ne ferait du mal à quelqu’un que s’il n’avait d’autre choix.
– Je vois bien que tu me détestes mais je te rassure tu n’es pas mon meilleur ami non plus. Je dois vous surveiller mais croyez-moi ça ne me fait pas plus plaisir qu’à vous !
– Et bien tu peux arrêter maintenant lui répondit-il. Je ne sais pas d’où tu viens ni ce que tu fais mais tu peux y retourner ce n’est pas moi qui t’en empêcherai.
– Pour une raison que je n’ai pas envie de t’expliquer ce ne sera pas faisable. Vous êtes des êtres potentiellement dangereux il faut vous avoir à l’œil.
Je ne savais guère quoi dire pour mettre fin à leur querelle. Avec le temps ils finiraient bien par trouver un terrain d’entente. Combien de temps durerait notre surveillance ? je l’ignorais. Ce détail n’avait pas été spécifié mais il semblait clair que ça ne s’arrêterait pas de si tôt. Et si ses deux-là continuaient sur ce terrain, les choses ne se simplifieraient pas.
– Écoutez dis-je en m’adressant à eux. Ils détournèrent leur regard l’un de l’autre pour les river sur moi. Au moins j’avais leur attention. « Je pense que cette situation nous emmerde tous ! Nathan comme moi ne supportons pas d’être espionné 24h/24. Ce qui nous arrive c’est du grand n’importe quoi ! Alors d’accord tu as une mission mais bon sang qu’est ce qui t’obliges à le faire ? Lui et moi n’avons jamais rien fait de mal tout ce qu’on veut c’est être tranquille ».
– Je dois le faire c’est tout dit-elle. « J’ai mes raisons. Effectivement vous n’avez pas l’air de mauvais gars et croyez-moi je m’y connais en la matière. Mais ma mission est de vous surveiller point final. »
Cette réponse me semblait incomplète. Néanmoins c’en était une.
– Combien de temps cela va durer ? demanda Nathan. Je venais de me poser la question et j’étais content de savoir que c’était son cas également. Mais après tout rien de plus normal.

– Au risque de vous décevoir je n’en sais rien dit-elle. Mon….mon supérieur m’a juste ordonné de vous avoir à l’oeil c’est tout ! Encore une réponse floue.
– Et bien tu diras à ton supérieur que cette situation ne nous conviendra pas éternellement. Je n’ai pas l’intention de passer les prochaines années sous surveillance.
Elle ne répondit rien. Etait-ce vraiment la peine ? Cette situation étrange et quelque peu effrayante nous mettait tous dans l’embarras. Au regard de la jolie brune, je me suis dit qu’elle aussi aurait préféré être ailleurs. Mais ou ? Elle étudiait partiellement ou bien occupait-elle un emploi d’agent à temps plein ? Allez savoir…
– Rentre avec ton pote me dit-elle. On se reverra plus tard.
Ce que je fis. Sur le chemin du retour, il resta muet comme une tombe. Je préférais ne rien dire pour ne pas prendre le risque d’aggraver les choses.
– Ça va s’arranger dis-je lorsqu’il me déposa au pied de mon immeuble. Je n’étais pas sur d’y croire moi-même mais je voulais faire en sorte qu’il se sente un peu mieux. La culpabilité que je ressentais était encore là.
Il me salua puis repartit jusqu’à chez lui. Je le regardais s’éloigner mais quand il fut hors de mon champ de vision je pris peur. Dans la plupart des cas, une balle pouvait faire subir de sacrées blessures à un homme adulte et je ne parle même pas d’un adolescent ou d’un enfant. Et je me tenais là comme si rien de tout cela ne s’était produit. Celle-ci avait ricoché contre mon abdomen. Je devrais peut-être me réjouir d’être aussi résistant et fort pourtant cela ne m’amusait absolument pas. C’est sans compter que je risquais de découvrir de nouveaux pouvoirs de ce genre hier la force, aujourd’hui la résistance aux balles, peut-être que mes yeux pourraient lancer des rayons laser ou mes bras deviendront élastiques. Mon corps ressemblait étrangement à une machine de guerre. Si l’armée venait à avoir vent de mon identité, je pourrais très bien servir de cobaye pour divers expériences visant à rendre les soldats plus forts. Cette simple idée me fit froid dans le dos car elle ne semblait pas tellement impossible à imaginer, même affreusement crédible. Ce genre de sujet pouvait être abordé dans les films de science-fiction mais peut-être que le comportement humain lui n’est en réalité pas aussi fictif que le cinéma veut nous le montrer…
Je pris une tranche de jambon une fois arrivé chez moi. Avaler quelque chose me faisait parfois oublier mes soucis. Et cela fonctionna pendant cinq minutes avant que mon esprit torturé ne remette à me tourmenter. Mais maintenant il s’agissait d’un cas évoqué précédemment qui me trottait dans la tête: Noël arrivait. Et Noël signifie fête de fin d’année, réunion familiale pour le réveillon et amicale pour le jour de l’an.
Parfois ma seule envie était de me poser enroulé sur mon lit et de ne plus jamais bouger, attendre que les choses s’arrêtent d’elles-même. Mais mes problèmes ne pouvaient pas m’empêcher de continuer à vivre. Je m’en voulais d’être parti de chez moi. Cette action m’avait conduit la ou j’en suis aujourd’hui. Si mon choix avait été de rester vers mes proches tout aurait pu être différent. Qu’est ce qu’il m’avait pris de partir alors que j’avais tout ? Je connaissais la réponse et je savais qu’il s’agissait de vivre mes propres expériences pour m’épanouir et découvrir le monde. Mais ma méfiance actuelle me faisait douter de tout et j’aimais repenser au passé pour oublier le présent.
Mais maintenant il fallait que je parte un instant. Ce serait l’occasion de respirer un peu. Malgré mon angoisse quotidienne, j’arrivais encore à gérer mes cours et mes relations amicales avec Pierre et Noémie. En revanche si je souhaitais déguerpir un instant de ce minuscule appartement pour retrouver le confort d’une maison, certaines personnes devaient en être informés. Je pouvais m’en aller sans problème en revanche les conséquences de mes actions me rattraperaient sans doute très vite. Et me retrouver en conflit avec une agence top secrète n’était pas dans mes projets. Je n’aimais pas l’idée de me soumettre à leurs réglements loin de là. Mais le regard du chef de l’agence ne trompait pas. Celui-ci avait été ferme. Il voulait savoir ce que l’on faisait et quand. Et la dernière chose que je souhaitais, c’était bien de mêler mes proches à toute cette histoire absolument étrange.

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