J’ai passé le reste de l’après-midi, étendu sur mon lit. À contempler mon plafond. Tous ces cauchemars me perturbent. J’en fais régulièrement, pour ne pas dire toutes les nuits.
Je jette un coup d’œil, à mon téléphone. 19 h 03, j’ai plus envie d’aller à ce repas. Mais je me force. J’enfile un jean, un tee-shirt noir et un gilet. Il ne fait pas encore assez froid, pour sortir mon manteau. Même si j’y vais à pied, notre mois de septembre nous offre encore de belles journées ensoleillées.
Je ramasse une partie de mes cheveux pour en faire un chignon et laisse les autres tomber sur mes épaules. Un trait de crayon sous les yeux. Un coup de parfum. Me voilà prête.
J’attrape un sac, et je jette tout ce qui me passe sous la main dedans. Mouchoir, papier, porte-monnaie, antidépresseur, anxiolytiques. Les médecins me les ont prescrits le jour où mes parents sont morts. J’ai du mal à envisager de sortir sans. C’est rassurant d’avoir quelque chose capable de contrôler la moindre crise. Le moindre dérapage.
J’éteins les lumières. Attrape mes clés. Et je sors de mon immeuble.
Une fois arrivé devant la porte du hall d’entrée, j’inspire un bon coup. Je ne suis pas sorti depuis des jours. Je ne sais même pas combien exactement. Je perds la notion du temps. Je sais que nous sommes samedi, mais combien de samedis j’ai passés avant de ressortir ? Aucune idée.
Le restaurant n’est qu’à 15 minutes de chez moi. Je prends le temps de regarder le moindre détail autour de moi. J’ai l’impression de redécouvrir ces rues que j’ai si souvent empruntées. Tout me paraît changer, comme si des années c’était écoulé sans que je ne vienne ici.
J’aperçois le restaurant en face de moi, et j’y vois déjà les filles. Elles parlent, Candice n’arrête pas de regarder l’heure sur sa montre. On dirait qu’elles ont peur que je ne vienne pas une fois de plus.
Lyne me voit au loin et me fait un signe de la main.
— Salut, je ne suis pas trop en retard ? Dis-je
— Non, ne t’en fais pas, on avait juste peur que tu ne viennes pas. Me répond Candice.
— Je suis tellement contente que tu sois là. Dis Laury.
— Ça fait du bien de te voir. Enchaîne Lyne.
Moi aussi finalement je suis contente de les voir. On entre dans le restaurant. On demande à manger à l’intérieur pour ne pas être dérangé par tous les jeunes venus boire.
On nous installe au fond du restaurant près d’une fenêtre, je m’assois contre celle-ci, j’ai besoin de pouvoir voir ce qu’il se passe dehors. Candice s’installe près de moi, Lyne en face d’elle et Laury face à moi.
Un premier serveur, un chef de salle vient nous annoncer le plat du jour, et que notre serveur, Axel s’occuperait de nous ce soir.
Axel arrive, et se force à nous faire un grand sourire à chacune en nous donnant les cartes.
Les filles parlent de leurs journées, comme ci on s’était vu la veille, moi je reste les yeux rivés sur la carte. Je n’ai pas spécialement faim, mais comme je suis la autant me forcer un peu.
Je sens Candice me donner un coup de coude.
— Eliya, le serveur te parle.
Je lève la tête vers lui, je n’avais même pas remarqué qu’il était déjà revenu.
— Vous désirez boire quelque chose, me demande-t-il ?
Je le regarde, en le détaillant, c’est un de mes plus grands défauts, je ne peux m’empêcher de regarder toute personne qui me parle sans la scruter en détail.
Candice me redonne un coup de coude.
— Euh oui, désolé je vais prendre thé glacé lui répond je.
Axel prend note de nos boissons et retourne derrière son bar.
— En tout cas, une chose n’a pas changé Eliya, tu défigures toujours autant les gens… Me dit Lyne.
— Désolé vieux réflexe.
La conversation reprend là où elle s’en était arrêté. Les filles parlent de leurs journées de boulot. Lyne travaille dans un magasin de prêt-à-porter. Laury quant à elle, est vendeuse en boulangerie et Candice bosse dans une pharmacie en tant que préparatrice.
— Et toi Eliya, tu en es ou niveau boulot tu as repris ou tu es encore arrêté ? me demande Candice.
— Toujours arrêté, peut être que je reprendrai la semaine prochaine, tout déprendra de mon état à ce moment-là.
— Tu ne commences pas à t’ennuyer ? Me demande Laury.
Je la regarde, et ne prends même pas le temps de lui répondre. Heureusement Axel, revient avec nos boissons.
Il nous demande si l’on a fait notre choix, les filles passent commande, arrivé à mon tour, je demande si c’est possible d’avoir la moitié d’une salade de chèvre. Quand Candice décide de me couper la parole.
— Tu ne vas pas prendre seulement la moitié, prends-la en entier.
— Tu n’es pas ma mère Candice.
Je ne me rends pas compte que je lui ai répondu aussi sèchement.
Mon regard se reporte sur Axel.
— Une demi-salade de chèvre s’il vous plaît.
Il me regarde dans les yeux, avec un petit sourire en coin.
Il repart.
— Quand même Eliya, nous sommes tes amies, tu n’es pas obligé de nous répondre si méchamment.
— Écoute Laury, je suis votre amie comme tu viens de si bien le dire, pas votre fille. Alors arrêtez de me traiter comme ci je n’étais pas en capacité de faire mes propres choix. J’en suis tout à fait capable.
Ma réponse jette un froid.
— Je n’aurais peut-être pas dû venir ce soir.
— Mais si, me répond Candice. Je suis désolé, c’est ma faute, je n’aurais pas dû intervenir.
Le reste de la soirée se déroule, sans problème, même, je me mêle aux conversations, je me surprends à rire une ou deux fois.
On ne se rend pas compte que plus personne n’est dans le restaurant et que les serveurs commencent à monter les chaises sur les tables.
— Mesdemoiselles, je suis désolé, mais nous allons fermer, je ne veux pas vous mettre dehors, mais je ne peux pas non plus vous garder plus longtemps.
C’est le chef de salle qui est venu, nous annoncé la fermeture.
En regardant mon portable, je me rends compte qu’il est déjà 00h.
— Tu es sûr que tu ne veux pas que l’une de nous te ramène Eliya ?
— Non c’est bon les filles, je ne suis pas loin et ça me fera du bien.
Je leur dis au revoir et les regarde rejoindre le parking.
Finalement, cette soirée ne s’est pas si mal déroulée, bon, peut-être que le début était un peu plus chaotique, mais finalement c’était plutôt sympa.
— Tu vas rentrer toute seule ?
Je me retourne surprise, Axel notre serveur est dehors, adossé contre un des murs du restaurant. Je ne peux m’empêcher de le regarder de la tête aux pieds. Il n’est pas très grand peut être, quelque centimètre de plus que moi, les cheveux noirs, couvert de tatouage, quelques piercings. Il allume une cigarette et me tend son paquet.
Je m’approche de lui, la tentation est grande, depuis l’enterrement de mes parents je n’ai pas allumé une cigarette. J’en prends une, la place entre mes lèvres, et il me l’allume.
— Du coup, tu ne vas pas répondre à ma question ?
— Quelle question ?
Il sourit comme si ce que je disais était drôle.
— OK, je reprends, tu vas rentrer toute seule ?
Je tire sur ma cigarette.
— Je ne vois pas en quoi cela te regarde.
— Ça me regarde au contraire.
Je le regarde surprise.
— Et en quoi ça te regarde.
— Imagine s’il t’arrive quelque chose, je serai la dernière personne à t’avoir vu.
Je le fixe. J’écrase mon mégot et tout en me retournant je lui lance.
— Ne t’inquiète pas Axel, il n’arrivera rien. Bonne soirée.
Et je continue mon chemin.
Le personnage est tellement hors de la réalité que je doutais de l’existence de ce dîner. C’est une bataille tragique qu’elle mène.Je doute aussi de sa rédemption.
C’est assez bien écrit. Tout me paraît assez bien réaliste. J’espère que l’héroïne n’est pas à deux doigts de tout lâcher.
Il a quand même beaucoup de culot cet Axel ! On va voir si je l’aime bien
On apprend à connaître l’héroïne, au final, tu montres bien à quel point le deuil nous change et à quel point le chemin est long et sinueux… j’ai assez peur pour la suite , j’ai peur de voir jusqu’où sa douleur ira…
J’ai l’impression que Candice est la seule à véritablement se soucier d’elle, les autres aussi, mais j’ai le sentiment qu’elle la prenne juste pour "la pote dépressive, mais oklm" . Bref, de très beaux portraits humains
Bonne continuation ! 🙂
Merci pour tes commentaires Maya. J’espère que la suite te plaira.
J’aime beaucoup ! par contre ses amies sont pas vraiment compréhensives, la pauvre ça doit pas être facile… Et je sens déjà qu’Alex est un beau gosse hehe
J’ai bien aimé la saute d’humeur de Eliya. Normal d’avoir la mèche courte en dépression. La situation choisie est plausible, son amie agit comme sa mère et cette situation lui rappelle ce qui lui manque (sa mère). Elle a donc du mal à s’adapter à la situation instantanée. C’est très bien !
Idem pour le hook de sortie ! Situation très bien choisie en fonction de l’événement qui a conduit à sa dépression. WoW !
J’aime bien comment tu perçois le problème de la dépression. C’est vrai qu’on est toujours à cran. La limite est toujours franchissable à n’importe quel moment.