Cette nuit-là, je n’ai pas fait de cauchemars. Je ne me suis pas réveillé une seule fois. J’ai dormi d’une traite. Mais le réveil fut plein de questionnement. Pourquoi se bat-il comme ça ? Que cherche-t-il à prouver ?
J’ai beau me poser mille et une questions. Je ne pourrai pas les résoudre. Et puis je n’ai pas le temps.
Ce matin, j’ai rendez-vous avec mon psy et je vais savoir si je suis prolongé ou si l’on reprend un mi-temps thérapeutique. Je ne sais pas trop si je me sens capable ou non, de retourner au boulot. Ça m’occupera, c’est sûr. Mais est-ce que j’ai vraiment envie d’être occupé je ne sais pas.
Une fois arrivé dans la salle d’attente de mon psy, je remarque qu’une fille est là, elle aussi à attendre. Quand elle relève la tête, je la reconnais immédiatement. Mon cœur se sert. Et je repense à cette journée.
À son cri déchirant. On était tous abattus, mais quand elle a découvert que sa mère était morte dans cet accident… Bref, c’était horrible.
À son regard surpris, je comprends qu’elle aussi ne s’attendait pas à me voir ici.
La vérité c’est que nous, toutes les victimes de l’accident, avons pris le même avocat. On nous a conseillé de nous regrouper. Pour avoir plus de poids. L’affaire n’a pas encore été jugée…
Mais nous sommes régulièrement informés par mail d’où en est le dossier. Mis à part ça… Nous n’avons rien en communs.
— Salut Maria, dis-je enfin.
— Eliya… Si je m’attendais à te voir ici.
Elle avait les yeux rouges, tout gonflés. Comme quand on a passé une nuit à pleurer sans s’arrêter.
– Je ne savais pas que tu voyais la même psy que moi, lui dis je
— Moi non plus… Je la vois depuis le début… Et toi ?
— Pareil… Étonnant que nous ne nous soyons jamais croisés.
— Oui… Tu tiens le coup ?
Je ne voulais pas répondre à cette question. Je savais que je ne pourrais pas lui répondre sans serrer les dents pour retenir mes larmes.
— Elle a du retard du coup ? J’ai rendez-vous à 10h30…
— T’es sur, parce que moi aussi… Il doit y avoir…
Et sur ces paroles, la porte du cabinet du docteur Zanibi s’ouvre sur elle. C’est une femme très grande et très fine. Elle porte toujours une robe sous une blouse blanche. Je ne l’ai jamais vu autrement.
— Ah, mesdemoiselles, bonjour. Veuillez entrer. Toutes les deux.
Je jette un regard à Maria qui semblait aussi surprise que moi. J’entre donc dans le bureau du docteur suivi de Maria.
On reste debout planté, devant son bureau.
– Asseyez-vous, je vous en prie.
Nous l’écoutons et prenons place chacune sur un des fauteuils devant le bureau.
— Vous devez vous demander ce que vous faites là toutes les deux. Tout d’abord, sachez qu’en raison du secret médical, qui m’interdit de communiquer avec mes patients sur un autre patient, j’accepterai que vous refusiez la proposition que je vais vous faire.
Elle marque un temps d’arrêt comme pour tenter de lire sur nos visages ce qu’on lui répondrait.
– Bien, il faut que vous sachiez que toutes les victimes de l’accident viennent me voir. Effectivement, ce sont mes coordonnées qui vous ont été données pour avoir un soutien psychologique et vous m’avez tous contacté. Simplement au vu de la gravité de l’accident je n’avance pas de la même manière avec vous qu’avec les autres.
C’est pourquoi, et j’en ai déjà discuté avec les 3 autres victimes de l’accident. Nous aimerions mettre en place un cercle de discussion, en plus des séances individuelles.
Comme vous le savez déjà les trois autres victimes on était blessé gravement, physiquement, mais également mentalement.
Évidemment, elles n’ont pas perdu la vie comme vos proches, mais c’est tout comme.
Quand le docteur, eu fini sa tirade, je ne savais pas quoi en penser. Maria se triturait les doigts depuis le début de la séance. Et moi je n’entendais qu’à moitié ce qu’elle disait.
Maria prit la parole.
— Et vous pensez que comme ça on arrivera à s’en remettre plus facilement ?
— Je ne dirai pas ça comme ça. Mais cela vous permettrait de rester moins seules. Enfin de vous sentir moins seule. Bien sûr, je ne vous demande pas de me répondre aujourd’hui. Prenait le temps, de réfléchir. De peser le pour et le contre. De sentir si cela vous fera du bien ou non.
La séance groupée aurait lieu tous les mercredis à 18h, ici.
Le médecin nous regardait tour à tour. Maria s’était un peu plus décontractée, mais moi je ne disais toujours rien.
– En attendant si cela ne vous dérange pas je vais vous voir 10 minutes, seule à seule pour conclure cette séance. Eliya je commence par vous, Maria si vous voulez bien retourner attendre dans la salle d’attente et je suis à vous tout de suite âpres.
Maria sortit de la pièce et le docteur se retourna vers moi.
– Alors Eliya, comment c’est déroulé cette semaine ? Êtes-vous sortis ?
— Oui 2 fois.
— C’est très bien. Ça avance doucement, mais à votre rythme. J’espère que vous ne m’en voulez pas et que vous n’avez pas l’impression que je vous mets au pied du mur avec ce rendez-vous.
Je tente de vous bousculer un peu avec une nouvelle approche. Cela dit pour en revenir à vous personnellement et au vu des dernières séances. Je ne pense pas que reprendre votre activité professionnelle tout de suite soit une bonne idée. Vous n’êtes sortis, en tout, et pour, que trois fois ce mois-ci, dont une pour récupérer vos courses en drive. Alors je vous imagine, mal être confronté à du monde tous les jours. Je vous prolonge donc d’un mois supplémentaire. Et vous donne un rendez-vous individuel pour lundi prochain 10h30.
Je n’arrivais pas à décrocher mon regard d’elle, pendant qu’elle remplissait mes documents. J’étais mitigé entre tenter de la comprendre et me mettre à lui hurler dessus en lui disant que je ne voulais plus la voir. Elle me tend tous les papiers.
— Eliya réfléchissait vraiment à cette proposition de séance groupée. Je reste persuadé que cela peut vous aider. Passez une bonne journée et à bientôt.
— Bonne journée à vous aussi.
Je referme la porte derrière moi. Je ne jette même pas un œil à Maria.
— À mercredi Eliya.
Je ne réponds pas et comme à mon habitude je pars sans même me retourner.
Hâte de voir la partie 5
Les dialogues et la narration sont vraiment bien. Facile à lire et captivant à la fois.
L’héroïne devient de plus en plus attachante, on s’identifie bien et vite à elle et à sa douleur.
J’ai été rassurée de voir que Eliya voyait une psy, j’avais peur de constater qu’elle était vraiment seule. Merci aussi de bien souligner l’aide que peut être une thérapie de groupe
Bonne continuation
Je trouve ton ecriture très intéressante et je vais m’empresser de lire la suite. J’ai, cependant, noté une phrase qui m’a fait tiquer: " Eliya réfléchissait vraiment à cette …". Il me semble qu’on y trouve une erreur.
Merci pour ton récit intriguant et n’hesite pas à me corriger si tu me lis à l’occasion.
La thérapeute provoque quelque chose : elle leur dit que c’est le temps de se secouer ! Mais elle mentionne que les séances groupées leur permettront d’être moins seules » Très bien fait. On voit qu’Eliya a du mal à prendre une décision, elle part sans se décider, ce qui est normal en dépression. Très bien ! Très cohérent.
Merci. C’est difficile d’être confronter à quelque chose ou quelqu’un que l’on ne veut pas !