Je vous écris depuis hier

2 mins

Ce qui s’est passé, hier, ce n’est pas qu’une vue de l’esprit, ce qui s’est passé entre elle et moi, c’est du jamais vu, qui ne se reverra jamais plus. Ce qui s’est passé, hier, entre ma pensée et moi, c’est une vue qui m’a ouvert le ciel, une arrière-vision qui ne succède qu’à elle-même, une vue de l’esprit dans l’esprit. Et c’est ainsi que je basculai de l’existence d’une vie banale à la vie d’une existence insoupçonnée.

Ne me demandez pas pourquoi, mais c’est elle, ma pensée, qui fit le premier pas. Ce devait être écrit comme je vous écris depuis hier. Ce premier pas qui aura attendu le dernier moment pour se montrer sans se démontrer toute ma vie durant. Tel un vieux couple d’amants, nous vécûmes en perpétuel mouvement, quelque part à l’étroit, sous un crâne cabossé, chauve depuis sa majorité ; un organe visqueux d’un kilo et demi, d’environ 1 000cm3. Et c’est dans cette grosse noix carcérale si complexe qu’elle et moi, reclus dans nos cellules, nous nous sommes connus dans l’intimité sans se reconnaître. Nous avons communié à distance sans jamais se voir, sans même se croiser de loin en loin. Peut-être que jusqu’à hier, une instance supérieure faisait que nous n’en éprouvions pas la nécessité ? Peut-être étions-nous trop proches pour se voir, se percevoir, se concevoir en pleine réflexion ? Peut-être que la réflexion en elle-même ne s’épanouit que par la séparation d’une pensée et ce que l’on nomme le moi ? Se pourrait-il qu’elle préservât une image d’elle-même jusqu’au dernier souffle de son idée ? Est-ce cette rencontre entre ma pensée et moi, un arrangement hérité qui précède l’expérience et planifie l’opération d’un Saint-Esprit ?

Hier, nous nous sommes enfin vus pour la première fois et reconnus avec ce présentiment partagé que ce serait l’ultime fois. Il est des intuitions qui ont l’œil sur nous et en nous diffusant la providence dédiée aux croyants, la volonté du hasard pour les uns, ce coup du sort qui fit que je vis ma pensée se mettre à nue. Une lettre après l’autre, d’un mot à mot, de baratins tenaces à des propos outrepassés, elle s’effeuilla pour déshabiller mon regard aux aguets. Elle n’imitait pas ma voix puisque c’était ma voix puisque c’était nous en elle. Je nous entends inventorier mes tics verbaux, ma manière d’avoir été, mes types de réaction. Un pur concept inimaginé, ma pensée.

Et l’apparaître du dedans supplanta l’apparence du dehors. Et la sidération s’éternisa plus que le temps lui-même.

Je me retrouvai propulsé au centre d’un faisceau de lumières lestées de millions de particules, d’un feu de cellules éclairantes. Un cosmos minuscule dissipant les univers de la vie. Sa mobilité nourrissait un feu intelligible d’agiles spermatozoïdes de l’esprit. Des éclats de vie grouillaient dans tous les sens tellement uniques. D’indescriptibles formes visaient d’énigmatiques destinations cheminant vers un autre horizon, une autre rive. Un autre sens de la vie. Et, dans le fur et la mesure, le silence ponctua la parole diluant la parole en silence.

Je vous écris depuis hier. Je vous écris depuis ma mort.

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2 Commentaires
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Cora Line
1 année il y a

Très bien écrit et la fin est saisissante !

Noelle Nolwen
1 année il y a

J’aime !! Quelle jolie description de l’amour porté sur une moto même si la fin est un peu "hot" !!

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