Longtemps, j’ai été perdu. Noyé dans un vaste océan d’incertitudes et de questionnements. Je ne savais plus qui j’étais et quelle était ma place dans ce monde. J’avais perdu la mémoire pour toujours. Enfin c’est ce que je croyais. Et puis un jour, je suis tombé de nulle part.
A1
Un lapin qui se dandine de tout poil ! Une étoile qui scintille sur les voiles lactées! Un iceberg qui dérive sur les toiles !
– Pas du tout, me répondit Adélia.
– Comment ? Cela ressemble en tout point à un iceberg, il faudrait que tu sois bigleuse pour ne pas voir ça, j’ argumentais.
Commentaire très mal venu puisse qu’elle portait des lunettes. J’eus comme seule réponse une moue outrée. Un silence pesant s’installa entre nous. Je l’avais vexé.
Il faisait une chaleur de tous les dieux. Étendu sous un arbre majestueux qui nous abritait à peine, le soleil nous dardait de ses rayons avec constance et sans pitié. La rivière des galets d’argent, comme nous l’appelions, nous rafraîchissait et chantonnait quelques mètres plus bas dans une petite ornière. Entremêlant son chant avec les bourdonnements des insectes qui vibraient dans l’air et les vocalises des quelques oiseaux qui flânaient en l’air malgré le soleil ardent.
Cette mélodie m’inspira un nouveau jeu très tentant.
– Que chante la rivière à ton avis ?
Je n’eus pas de réponse. Elle était décidé à rester muette, observant un point dans l’horizon où je ne voyais que des champs ou des rangs d’arbres fruitiers à perte de vue. Je persistais à continuer.
– Que disent les insectes en bourdonnant ainsi ?
Toujours rien. J’essayais d’accrocher son regard en m’immisçant dans son champ de vision mais elle détourna sa vue vers les cieux. Je ne pris pas la mouche et j’essayais de nouveau.
– Que pépie le chant de ces oiseaux ici?
Quand soudain un craquellement me fit sursauter. Heureusement, je m’aperçus bien vite que ce n’était que l’arbre où nous nous reposions qui avait fait ce bruit. Je me retournai et je m’aperçus que l’expression d’Adélia avait changé. Elle fixait un point dans les cieux. Je ne vis rien aux premiers abords. Mais alors que je regardais avec plus de précision, un objet assez flou se dessina. Petit à petit, il tomba de plus en plus bas jusqu’à toucher le sol. L’air vibra et une onde de choc nous projeta contre le pommier. Elle ne fut pas assez violente pour nous assommer, heureusement. On avait juste le corps endolori.
Quand nous regardâmes de nouveau vers le point de chute de l’objet, une immense nuée de poussières se dégagea jusqu’en haut, atteignant les nuages. Après un instant d’hésitation, malgré la peur et l’étonnement, j’allais vers cette nuée, laissant ma camarade derrière moi. Au début, ma démarche se fit lente et puis pris d’ une certaine excitation, ma foulée se fit plus large, je me mis à courir. Plus je me rapprochais, plus la curiosité était intense et mon cœur battait plus fort. Je m’aidais du vent comme d’ailes pour me propulser et fus à la vitesse de l’éclair sur place. J’étais entourée d’une épaisse couche de poussières et je ne voyais rien. Je repris ma respiration, je m’écartai, laissant l’air inonder mon corps et le nuage opaque se dissipa petit à petit. Je pus ainsi mieux repérer le cratère qu’avait formé l’objet. J’allais vers celui-ci. Je scrutais et vis une personne au fond. Enfin, à proprement parlé, c’était une personne même si l’aspect me faisait douter de sa nature humaine.
– Alors qu’est-ce qu’il y a Pil ?
Elle perdit bientôt le fil de ses paroles quand elle regarda ce qu’il y avait dans le trou.
– Viens. Il a l’air bien amoché. On va le ramener chez nous.
Elle hésita puis hocha de la tête, ne sachant quoi dire.
A2
Je cours. Les flammes m’encerclent. J’essaie de leur échapper. Je brûle de l’intérieur. Une chaleur m’inonde. Puis un cri qui éclate et transperce les flammes qui me déchiquettent. Incandescent, j’ai du mal à respirer. Mes poumons, mes jambes, mes yeux me font si mal. Je suis aveuglé par une lumière intense. Je n’arrive pas à savoir qui crie dans l’obscurité là bas de l’autre côté. Je suis comme immobilisé. J’essaye de bouger mais mon corps ne m’obéit pas. Soudain, une voix m’appelle ou appelle quelqu’un que je ne connais pas.
– Adélia ! Adélia ! Arrête de le regarder fixement comme ça, on dirait que tu veux l’avaler tout cru.
– Non. C’est vraiment n’importe quoi ce que tu dis. Je ne le regardais pas comme ça.
– Ouais, c’est cela, comme si je n’avais rien vu. Tu le trouves craquant, c’est ça ?
– Non. C’était juste pour m’assurer qu’il allait bien. Ce n’est pas ce que tu crois. Je le trouve bizarre mais étrangement beau, c’est vrai. C’est simplement de la curiosité, rougit-t-elle.
– Ah ! Notre invité a l’air de se réveiller.
Il ouvrait les yeux juste quand je dis cela. Il n’avait pas que le visage de beau. Ses yeux étaient d’un magnifique gris étincelant, presque translucide. On aurait cru qu’il avait les iris blanches mais toutes les couleurs de l’arc-en-ciel s’y reflétaient.
– Où suis-je? Pourquoi suis-je tout nu ?!!
Ses yeux étaient interrogatifs ,vaguement apeurés, et se posaient sur moi.
– Ne t’en fais pas. Tu es dans un pays qu’on appelle Shaggarak, le pays des mille nuages. Je m’appelle Pilangadore, Pil ou Pilan pour les intimes et elle, qui s’extasie comme une cruche, c’est Adélia. J’ignorais le regard de reproche qu’elle me lança en réponse.
Il avait l’air encore plus perdu. Il essaya de se lever mais retomba sur le lit où on l’avait mis.
– Repose toi donc. Tu en as bien besoin. Quand on t’a trouvé, tu étais tombé du ciel, blessé au fond d’un trou de belles dimensions. Tu avais une grande plaie transversale sur ton torse, des égratignures partout et plein d’autre plus petites aux jambes et aux bras. C’est même un miracle que tu aies survécu.
– Je veux juste voir là où je suis. Ce pays ne me dit rien. Je ne sais même pas qui je suis, pourquoi je suis là. Je ne sais pas pourquoi mais quelque chose me pousse à me lever.
Il avait encore essayé d’être debout malgré la douleur mais il n’y arriva pas.
– Non, tu dois économiser tes forces. On a refermé les plaies que tu avais mais elles peuvent se rouvrir. Surtout tu ne t’amuses pas à bouger n’importe tout comme un idiot. Attends! Tu as dit que tu étais amnésique…. ?!!!
A peine j’eus le temps de finir ma phrase qu’il s’était rendormi. Les jours se passèrent sans grands changements. Les pansements à changer, les linges de lit à laver et les autres tâches quotidiennes à faire. Puis, un matin, le lit où était notre invité fut vide. Je m’inquiétais promptement alors qu’Adélia était à peine sortie du lit.
– Que cherches tu ? bailla-t-elle.
Je ne pris pas le temps de lui répondre. Je m’affolais. Je regardais dans toutes les pièces. Il n’était nulle part. La belle somnolente m’indiqua l’extérieur avec son doigt. Enfin, je le trouvai. Il était bien à l’extérieur de la maison, à l’arrière. Scrutant le paysage, il avait le regard perdu d’un enfant, cherchant quelque chose dans le vide. Il s‘aperçut que j’étais là.
– Ah bonjour! Désolé de t’avoir inquiété. Je voulais juste voir le paysage comme je t’ai dit l’autre fois.
J’étais assez remonté mais le sourire ingénu ponctuant sa phrase me désarçonna.
– Tu exagères ! Je t’ai pourtant dit que si tu t’agitais comme ça, tu pourrais rouvrir tes blessures. Elles sont pour ainsi dire cicatrisées mais quand même.
Silencieux, on contempla les nuages un instant puis :
– Au fait, je voudrais revenir sur un point.
– Oui ? Quoi ? Que voudrais-tu me demander ?J’essayais de tenir son regard qui me troublait de plus en plus. J’eus de la peine à l’avouer mais moi aussi, je tombais sous son charme. J’étais comme hypnotisé.
– Mmmmh… L’autre fois quand tu m’as dit que tu avais perdu la mémoire. Est-ce que tu as tout, absolument tout oublié? Tu ne te souviens de rien ?
– J’ai l’impression d’avoir des images qui me reviennent mais je ne suis pas sûr qu’elles soient vraies. Je les ai peut-être imaginés.
– Essaye de te rappeler, on sait jamais, dis-moi ce que tu vois. Quelles images te reviennent?
– Euh… C’est assez flou…
Après un petit instant de réflexion.
– Je vois des flammes, une femme qui crie dans la nuit, enfin je crois, et une silhouette qui se rapproche. Progressivement, un sentiment m’envahit puis une douleur ensuite plusieurs qui me font mal, qui brûlent tellement, on dirait qu’un brasier fond sur moi et me dévore tout entier !Ah ! Aaaah ! Non !! Non !!! cria-t-il, le visage froissé, en larmes et tout en sueur. On dirait presque qu’on lui a arraché le cœur.
– Calme-toi ! Tu es ici. Hors de danger avec moi. N’aie pas peur.
Ses traits se détendirent. Il retrouva son visage angélique, les yeux perdus dans le lointain, accrochés au magnifique paysage. En effet, notre maison était surmontée par rapport à d’autres et notre terrasse était presque perché dans le vide. Notre habitat était sur une immense colline qui dominait la cime des plus grands arbres et la vue se noyait dans de vastes nuages si courants dans notre pays.
A3
Une nuit de tempête et de pluie. Des chevaux cavalcadent dans le vent, fendant les nuages, le temps qui s’étale sur leur croupe. Les hommes qui sont dessus les fouettent constamment, ardemment. On dirait qu’ils sont mués par de la précipitation, par un sentiment obscur qu‘on ne comprendra jamais. La hargne, la cadence et les mouvements saccadés qu’ils impriment, a presque quelque chose de bestial, d’inhumain. Des éclairs zèbrent le ciel et étendent leurs ombres, les faisant ressembler à celles de géants, se tordant comme si elles avaient leur propre volonté. Des âmes damnées. Des âmes ténébreuses. C’est ce qu’elles étaient après tout. Des âmes qui allaient fondre sur une maison tranquille et silencieuse, là-haut, tout en haut sur la colline.
Je suis dans un jardin. Un jardin de possibilités. Une place circulaire avec deux bancs recouverts de plantes rampantes, se divisant en plusieurs chemins tout autour, un peu plus loin. On dirait que cette place a été abandonné depuis longtemps. Une chaleur humide me fait du bien, un soleil bienveillant me réchauffe. On dirait que tout va bien, pour le mieux. Une bonne odeur de fleurs si familière m’apaise. Je me sens léger.
Comme si rien n’avait d’importance. Mais soudain, des nuages assombrissent l’horizon. Une nuit profonde et sans lumière qui me glace et qui inonde tout mon corps. Le souffle court. Je suffoque. Je me réveille brusquement. Je dormais. Une douleur sourde m’irradie dans tout le corps. Ce sont mes blessures qui se rappellent à mon bon souvenir.
Qu’est-ce qui m’a réveillé ? Une image diffuse me revient. Les ténèbres. Une nuit ténébreuse. Songeur, je me levais difficilement de mon lit, cotonneux. Des lueurs sombres à l’extérieur m’attirèrent tout de suite et je me dirigeais, fasciné, vers une des fenêtres. Brusquement, quelqu’un me bouscula et me plaqua au sol. Je me débattais, donnant des coups de coude là ou je pouvais.
– C’est moi, Adélia. Ne t’en fais pas.
– Ah désolé. J’espère que je ne t’ai pas fait de mal.
– Non, ça va. Tu m’as manqué de très loin. Ne bouge pas ! me disait-elle vivement, comme un ordre imprimé dans mon âme mais teinté d’ une pointe de peur! Oui, c’était de l’effroi dans sa voix. J’étais intrigué mais obéit.
Elle se rapprocha d’une des fenêtres en rampant sur le sol et regarda discrètement à l’extérieur. Elle revient vers moi avec plus de hâte qu’à l’aller. On aurait dit que quelqu’un la suivait. Son expression était pourtant mystérieuse. Elle dit :
– Il faut fuir.
– Quoi ? Mais pourquoi ?
– On n’a pas le temps pour les questions. Allez, viens !!!
Je la suivis donc sans poser d’autres questions. Elle se dirigea vers l’arrière, à l’extérieur de la maison pendant que la luminosité s’intensifiait à l’avant. Adélia nous rejoignit sur le chemin.
– Qu’est-ce qu’il y a encore? On ne peut pas dormir tranquillement, cria-t-elle.
Elle était visiblement de mauvaise humeur. Il fallait la comprendre. Être réveillé en pleine nuit, ce n’était pas agréable. Elle lança un regard interrogatif et courroucé à Pilangadore. Celui-ci mit un doigt sur la bouche de la gueularde.
– Tais-toi et suis nous, fut sa seule réponse et elle ne broncha pas, vu le ton que Pil avait employé.
On fut à la terrasse rapidement. Pilan se dirigea vers son bord, se baissant dangereusement dans le vide vers quelque chose que je ne voyais pas. En me rapprochant, je vis une nacelle.
– Les horwals sont à nos portes. Il faut qu’il parte.
Adélia eut l’air effrayé. Sa respiration fut coupée pendant un instant. Puis elle hocha la tête et comprit tout de suite. Il fallait faire vite.
– Qu’est-ce qui se passe ? Pourquoi vous avez l’air si apeurés?
– On n’a pas le temps de te répondre. Tu dois fuir. C’est la pleine lune. Les horwals sont certainement là pour toi, vu le grand trou que t’as fait en bas dans les prairies. Cela a attiré leur attention et il vaut mieux pour toi que tu ne les rencontre pas. Allez vite, monte dans cette nacelle qui te mènera en sûreté. Quand tu arriveras en bas, cours et ne retourne pas. Nous assurerons tes arrières. Ne t’en fais pas.
Je n’apercevais pas ce qu’il y avait à part un vide abyssale, je n’étais pas rassuré. Ils me poussèrent presque dans l’habitacle. Avec regret, j’y étais.
Cela descendit et descendit, je n’en menais pas large ainsi dans le brouillard. Puis, un bruit m’indiqua qu’on avait enfin toucher terre. J’ouvris la porte et sortis le plus rapidement de cet engin de malheur. Une épaisse purée de poix m’accueillit mais je la fendis assez bravement, marchant, courant sur des dizaines de kilomètres, me rappelant le ton alarmant et les dernières paroles de Pilan. Je traversais vergers, champs puis forêt. Des herbes hautes et des branches me griffèrent de partout rouvrant des petites plaies. Je faillis tomber plusieurs fois tellement le sol était boueux et glissant. Des bruits de succion succédaient mes pas, m’angoissant encore plus. Des poursuivants !
J’allais trop lentement. J’accélérais encore une fois. Mon champ de vision se fit flou et pourtant je scrutais tous les détails dans ma course. C’était comme si je voyais autrement. Étrange sensation que celle-ci. J’étais tout simplement à l’affût dans une absolue clairvoyance. Les arbres. Les branches. Les pierres du sol. Les flaques de boue. Les fossés. Tous les détails. Tous les bruits. Ils me faisaient sursauter dans ma course et s’imprimaient dans mes oreilles. L’hululement des chouettes. Le craquement des arbres. Le chuintement des mulots. Tout. Absolument tout. Une fatigue s’abattit sur moi. Je ralentissais de plus en plus, j’étais hors d’haleine. Je rassembla mes dernières forces pour un sprint final. J’avais l’impression de flotter sur l’herbe humide. Un regain d’énergie pure, brutal et vivifiant. Comme si quelqu’un m’aidait. Cela me donna le courage de continuer pendant une certaine distance. Puis, je m’arrêta. J’avais l’impression d’avoir fait le tour du monde. J’avais un point de coté, j’étais exsangue. J’entendais ma respiration, les battements de mon cœur se calmaient peu à peu. Je sondais les bruits aux alentours. Il n’ y avait que du silence. Je fus rassuré pour un temps. Je m’écroulais sur le sol, reprenant des forces.
A4
D’or, d’or, m’émerveille
Fort, fort, fort, le vermeil
Oublie tout du réveil
Va, va mon doux rebelle
Lointaine. Ritournelle.
Il tourne, elle…
Ciel, ciel, ma merveille,
Toute. Douce. Comme le miel.
Tout d’un coup l’étincelle.
Dors, dors, doux soleil.
Sors. Sors puis la veille.
Il est temps que tu te réveilles.
Je sursautais, sur mes aguets. Je ne m’étais rendu compte de rien. Je m’étais assoupi. Il faisait déjà jour, un rayon m’aveugla, le soleil s’élevait dans ce ciel plein de nuages. Grosse erreur que j’avais fait là. Enfin je croyais. Je ne savais pas pourquoi. Mon instinct me disait cela. Je jetais des coups d’œil de tous les côtés. J’avais une étrange impression. Comme si quelqu’un m’observait. J’étais dans une clairière, une cible à découvert, facile à repérer pour le premier venu. En plus, je n’avais pas d’arme. J’étais sans défense. J’essayais d’en trouver une. A gauche, à droite. En arrière, en avant. Rien. Ah, si. Enfin, mon regard tomba sur une branche assez épaisse pour me servir de gourdin. Assez futile mais, j’espérais, assez utile face à quelqu’un.
– Tu crois que ta petite brindille me fera peur et opposera une quelconque résistance. Tu dois être bien optimiste, jeune homme.
J’en étais sûr. Il y avait quelqu’un. Où était-il ? Je ne le voyais nulle part. J’avais à peine entendu sa voix.
Je ne savais pas de quelle direction elle venait.
– En haut, jeune freluquet. Regarde en haut.
Je levais la tête et plissais les yeux. En effet, une forme assez grande, qui était certainement sur une branche, était déjà au-dessus de moi. Par un réflexe surhumain, je pus m’esquiver et éviter de me faire écraser. Je me mis rapidement sur les pieds, me préparant instinctivement à une attaque.
– Jolis réflexes mais mauvais arme. Voilà ce qu’est une vraie épée si un jour ça te dit, me montra le dit chevalier d’un signe de main son long glaive acéré avec un pommeau ornementé d’indicibles formes.
Une autre forme vint au loin. On avait l’impression qu’elle survolait la forêt en sautant de branche en branche. Comme avait fait son camarade, je supposais. Le temps d’un clignement d’œil, il était déjà sur nous et se posa sur le sol, étrangement, avec délicatesse, comme une plume.
D’abord méfiant, je me détendis un peu, moins sur mes gardes. Je questionnais :
– Que me voulez-vous ?
Ils prirent des airs circonspects. A première vue, il ne comprenait pas ma question.
Ils étaient peut-être débiles. Non, cela m’étonnerait. Le premier que j’avais vu avait l’air plutôt altier et noble mais avait un regard bleu ciel, intelligent quoique froid et peu expressif. Le second au look d’aventurier avait un regard plus humain et très attentif à toute chose, une vision d’aigle d’une couleur noisette intense. Je lui fis tout de suite confiance.
– C’est plutôt à toi de répondre, on a senti ton appel grâce à notre ultrasens.
Je fus interloqué. Je ne compris rien à ce qu’il disait. Notre ultrasens ? On a senti ? Comment ? Je n’ai rien fait de spécial. Je me posais plein de questions et je me disais qu’une aventure bien obscure et palpitante allait commencer. J’étais bien en dessous de ça. J’allais le découvrir bientôt.
A5
J’étais en train de marcher, tout en surveillant mes deux nouveaux compagnons de voyage au devant de moi. On n’avait plus échangé de paroles. J’étais prêt au combat mais rien ne se passa. Ils s’étaient assis sur l’herbe et avaient fait une petite pause le temps de se reposer et le garçon au regard d’aigle avait continué sa route. Il avait fait un signe de tête pour signifier de se lever à son camarade, ou à moi, ou je l’avais peut-être imaginé. Comme si il m’invitait à le suivre ? En tout cas, je le suivis. L’autre ne m’attendit pas en tout cas, il continuait sa route. Ils ne me considéraient pas comme un ennemi. Ils restaient silencieux et continuaient d’avancer. La fuite en avant était une pratique du pays ou quoi ? Quand je prononçais quelques mots pour faire un semblant de conversation, ils me dirent d’avancer, on verrait ça plus tard. Quoi ? J’avais des tas de questions et encore aucune réponse. Je me tus, exaspéré. Je me mis donc à regarder mon environnement immédiat pour m’occuper un peu.
On allait sortir bientôt de la forêt. Les arbres se clairsemaient petit à petit. Leurs racines étaient profondément cachées dans la terre, et nombreuses comme si ils s’ingéniaient à s’accrocher au sol. Les arbres étaient tous pareils dans leur différence. Ils étaient assez massifs avec des branches presque rectilignes et rares contrairement aux racines. Leur feuillage était compact et robuste, on aurait dit un matériau solide et vivant, tellement cela débordait de luxuriance et de vie. Cela nous aurait étouffé si les arbres n’étaient pas si hauts, d’une vingtaine de mètres environ. Je me demandais si des quelconques animaux pouvaient habiter dedans, pourtant j’avais entendu des bruits qui venaient bien d’eux en haut.
Enfin, on était totalement en dehors, et en opposition à ce que je croyais, on respirait beaucoup moins bien et le soleil tapait plus que dans la forêt. J’eus le souffle coupé par l’immense étendue rase qui s’offrait à nous.
Une plaine à perte de vue. Après quelques temps de marche à crapahuter à gauche à droite. Un profil se dessina plus loin. Celui d’une immense bâtisse derrière laquelle le soleil faisait briller de milles éclats des pierres comme si c’était fait d’or.
– Voilà mon humble demeure, jeune trublion, dit l’homme aux yeux d’hiver.
Je fus estomaqué. Plus nous nous rapprochions, plus je me disais que l’édifice était encore plus grand et plus mât, vue de plus près, comme un châtelet quoique très cubique avec des angles saillants. Enfin, nous nous retrouvâmes devant la porte qui faisait la taille de deux-trois hommes. J’étais troublé par les dimensions et je ne savais plus vraiment la taille. J’étais perdu, j’avais l’impression que je percevais mal les choses. En effet, la porte de sa demeure, qui me semblait assez lourde à première apparence, il la poussa simplement avec la paume de sa main.
– Viens. Entre dans mon habitation. Elle est ouverte aux gens que j’apprécie et tu en fais certainement partie. Alors qu’on s’était adressé que quelques mots, il me fit confiance, comme je l’avais fait après tout et je continuerai de le faire. Pour l’instant. L’autre n’hésita pas et entra directement.
Une fois à l’intérieur, ma bouche s’ouvrit en grand. C’était juste phénoménal. C’était si grand.
Un plafond haut comme celui d’une cathédrale, des murs épais à l’apparence lisse et au fond de la pièce comme une assise, un meuble assez bas avec dossier et qui faisait plus de dix mètres de long, trônait là. Tout était d’un blanc éclatant. Un chemin de colonnes géantes scindait la pièce en trois. De chaque côté de cette salle, des objets en tout genre étaient entassés. Des monceaux de pièces d’or, de joailleries et de pierres précieuses. Des grands meubles au bois vieilli flanqués sur les murs et des grandes sculptures faites de je ne sais quelle matière. Des tonnes de flacons, coupes et calices. Et encore, je n’avais pas vu leurs bagages, pourtant ils en avaient. Je vus, du coin de l’œil qu’ ils rajoutaient plein d’autres choses pendant que je m’extasiais sur ces merveilles. Je n’aurais su dire quoi. Tout se confondait vu le nombre. Une fois fini leur besogne, ils se dirigèrent dans le sens du grand meuble. Ils s’assirent délicatement sur la pléthore de coussins étalés dessus. L’homme dans sa demeure me regarda et s’exclama:
– Tu peux t’asseoir. On a fait un long chemin. On est épuisés. Et je pense que tu as des tas de questions à nous poser. Ils n’avaient pas l’air si fatigués que ça, moi beaucoup et puisque je voulais éclaircir plein de mystères qui trottaient dans ma tête, je m’assis.
– Par quoi commencer. Je devrais d’abord raconter mon histoire même si je suis dévoré de curiosité. En fait, je ne me souviens pas de grand-chose, j’ai perdu la mémoire. Des gens m’ont recueilli, disant que j’étais tombé du ciel et avait fait un immense cratère en tombant. Je me suis retrouvé dans leur maison qui est perché dans les nuages. Dans les nuages ?!! C’était extraordinaire. Ils m’ont soigné. Je me suis rétabli jour après jour même si j’ai des douleurs encore maintenant. Une nuit, celle avant notre rencontre, d’étranges lumières, qui assombrissaient au lieu d’illuminer, sont apparues aux fenêtres, ce qui m’a réveillé. Ensuite, une des personnes qui m’avait accueilli est venu me chercher. Elle avait l’air totalement effrayé. Elle m’a parlé d’horwals et de pleine lune. Je n’ai rien compris à ce qu’elle a dit. Elles m’ont mis dans une espèce de nacelle qu’elle avait disposé à l’arrière sur leur terrasse, je n’étais pas très chaud pour ça mais j’y suis monté, et elles m’ont dit de courir quand je serais arrivé en bas. Alors j’ai couru, encore et encore, traversant des vergers, des champs et la forêt jusqu’à ce que je n’en puisse plus. Je me suis écroulé et assoupi inconsciemment. Quand vous m’avez trouvé, je venais juste de me réveiller et étais aux aguets.
Je repris ma respiration. J’avais raconté tout d’un trait, sans souffler. Ils me regardèrent avec dans leurs yeux une partie des réponses que j’attendais. L’homme aux yeux bleus glacier, l’air prétentieux, commença :
– Ton histoire est invraisemblable mais dans ce pays, plus rien ne me surprendra. Pour les horwals, on peut te donner une majeure partie d’explication. En effet, ce sont des esprits vengeurs d’animaux et d’hommes morts violemment dans des guerres ou quelconques conflits. Ils se «réveillent» la nuit pour attraper des être vivants forts et puissants et les entraînaient dans leurs abysses. Il parait même qu’ils viennent du Néant et qu’ils ont troqué leurs âmes et toutes celles de leur famille à Celui-ci pour devenir immortel mais cela, ce n’est qu’une histoire pour faire peur aux enfants. Je n’y crois pas du tout.
Cela me glaça le sang rien que d’imaginer cela. Tous deux eurent l’air inexpressif, encore plus l’homme aux yeux bleus glacés, si c’est possible. Il reprit:
– Alors tu as perdu la mémoire ? Tu sais au moins où tu es ?
– Oui, je suis au pays des mille nuages, Shaggarak. Mais je n’en sais pas plus.
– C’est l’une des contrées d’un vaste continent, en effet. Elle est entre les hauteurs insoupçonnées de la montagne de la victoire absolue et les pics des aigles royaux. Tu te demandes certainement de quoi on parlait quand on t’a dit qu’on t’avait repéré avec l’ultrasens.
Je hochais de la tête. L’autre homme me fixa bizarrement, cherchant je ne sais quoi.
– Pour faire simple, l’ultrasens est un septième sens. Pas le sixième sens: l’intuition. C’est un pouvoir qui nous permet de repérer les autres qui utilisent le même élément que nous ou, des fois même, tout autre personne qui entre dans notre zone de perception. On a donc senti la magie d’air sur toi.
– C’est-à-dire que vous utilisez la magie?
Il fut désarçonné. Il plissa les yeux et d’une moue obséquieuse s’élança:
– Ah oui carrément, tu as tout oublié, même ça !! Il y a différents types de magie comme celle des éléments (bois, métal, feu, air, eaux, terre), celle de l’espace, celle du temps et d’autres pouvoirs plus consensuels et compliqués à comprendre pour toi. Mais d’où viens tu? Tu ne te souviens vraiment plus. Tu me dis quelque chose.
– Non. J’ai des vagues images mais à part ça rien. Je ne sais rien sur la magie d’air.
– Ton corps s’en souvient, cela reviendra. Enfin, j’espère ! Aaaah! rit-il.
A6
Un silence indicible s’installa pendant de longues minutes. Je n’osais plus parler. On aurait pu voir les différentes molécules d’air stagnaient, l’éclat de la lumière filait et une légère sueur coulait sur les corps. C’était comme si ils attendaient quelque chose ou quelqu’un. Ne bougeant pas un cil. Comme des statues. On aurait dit que le temps se dilatait seconde après seconde. Je les avais vus comme flous à certains instants. Puis l’homme impassible ouvra la bouche :
– Il arrive. Je le sens. Il est toujours aussi peu discret dans ce qu’il dégage.
Soudain, un colosse apparut au milieu de la pièce. Un homme à la peau ambrée et aux yeux verts émeraude qui mesurait bien deux mètres de haut et avait une balafre traversante de haut en bas à l’œil gauche. Il portait une longue cape vert olive, des chaussures sombres aux bouts arrondis, un pantalon et une veste, blancs et comme faits de tissus épais.
– Salut Ambris ! Nous t’avions repéré bien avant que tu arrives, se lamenta l’homme à la tignasse blonde et aux yeux bleu ciel. Nous avons beaucoup de choses à te vendre. Tu aurais pu venir un peu plus tôt, dicta-t-il en se levant d’un bond.
– Ne commence pas à me critiquer, Rem Decker. Je suis d’assez mauvaise humeur. Alors si tu veux la castagne, je suis ton homme, répliqua-t-il sur un ton bagarreur, l’air de sortir l’immense épée qu’il avait accroché à la ceinture.
J’eus un mouvement de recul. L’autre homme toujours assis sur le canapé avec moi resta impassible et ne bougea pas un cil, le regard dans le vide. Un combat se préparait, j’en étais sûr. Déjà, les deux hommes se mettaient en garde.
-Assez !!! Je ne sais pas comment ta journée s’est passée. Si tu t’es fait arnaquer, entuber ou retourner. Moi, je m’en bats…le flanc de l’aile!!! éructa l’homme à la chevelure auburn et aux yeux aquilins, tranchant à vif la discussion.
On voyait qu’il ne rigolait pas. Son regard était empli d’un sentiment indécelable mais qui disait qu’il fallait s’arrêter là. Sinon on pouvait s’attendre au pire. Même son camarade, pourtant si imperturbable, eut un soubresaut de la paupière droite et se détendit. La tension retomba et je fus rassuré.
– Va faire tes affaires avec Ambris et ne nous dérange pas, tu veux bien ?! balança-t-il avec politesse et fermeté.
La discussion fut close. Ils s’effacèrent et se dirigèrent dans une autre pièce sans demander leurs restes.
Après qu’ils furent partis, il m’expliqua qu’ils étaient des chasseurs de trésors et que l’autre balourd était leur principal acheteur. Un bourrin crétin mais qui paye bien, rajouta-t-il avec un grand sourire. Pour la première fois, il me paraissait accessible quoique bien mystérieux. Il me lança :
– Alors ça t’a impressionné le coup de l’apparition soudaine de l’autre gros costaud. En fait, il utilise une magie de temps. Pour tout dire, il peut faire varier l’écoulement du temps autour de lui dans une limite de périmètre propre à lui. Cette fois-ci, il l’accélérait, c’est pour ça que tu avais la sensation que le temps se dilatait autour de toi, n’est-ce pas ? Je t’ai vu plusieurs fois l’air béat.
Je hochais la tête. Un peu honteux. Je n’avais pas senti son regard sur moi.
– Par contre, sa magie est très faible. Il n’a pas assez de rhavati et/ou de deephar, je veux dire d’essence vitale et d’énergie de l’invisible pour ceux qui ne savent pas (sourire de sa part envers moi) et ce type de sort en demande beaucoup, il n’est pas assez efficace et discret car il relâche à chaque fois des traces d’énergie et son périmètre d’action n’est pas très grand par rapport à d’autres. Je le sais, j’ai combattu plusieurs personnes dont lui.
Il fit une pause, me fixant avec une expression indéchiffrable puis il bailla :
– Tu dois avoir faim après notre long voyage.
J’ opina de la tête, juste au moment où mon ventre gargouilla. Je ne m’étais pas rendu compte avec tout ça que j’avais faim. Grandement faim.
– Alors nous allons nous sustenter. Viens par ici. Une table est déjà mis de ce côté. Mange ce que tu veux.
Je ne m’étais rendu compte de rien. Comment avait-il fait ? En effet, sur une table, dans une salle proche de l’assise géante et annexe à la grande pièce où nous étions, était disposé des mets voluptueux. Allant des entrées (aspics, salades) puis des viandes (immense rôti, volailles et autres animaux inconnus farcis, morceaux indécis disposés en cercle) aux délicieux desserts (gâteaux en étages, crêpes flambées, une jungle de fruits confits). Une fois assis, j’engloutis tout ce que je pouvais. Je ne comptais pas. Presque tout y passa. J’avalais. Je dévorais. Je dégustais bien comme il fallait.
Une fois repu, je relevais la tête, me demandant si il avait mangé. Je ne l’avais scruté que rapidement. Il picorait pas grand-chose. Il tomberait malade si il ne se nourrissait pas plus. Ce n’était pas bon de jeûner.
– Alors tu as fini de manger. Tu as pu reprendre des forces ?
Je répondais par l’affirmatif à cette question. Je m’étais bien fait péter la panse.
Il regardait obstinément quelque chose au dessus de moi. Il hésita, un peu embêté et avec un sourire au coin de la bouche, il dit :
– Tu as un morceau de viande coincé dans tes cheveux blancs. C’est vrai qu’ils montent haut dans le ciel comme les branches d’un arbre mais cela fait un peu trop… Comme un nid capillaire avec un morceau de viande pour les petites bêbêtes, sourit-t-il.
Je rougis. Enlevant le bout de barbaque. Ne sachant trop quoi dire même s’il se moquait de moi gentiment.
– Euh… Non. Quelles conneries tu dis. D’abord, je n’ai pas de petites bêbêtes dans mes cheveux. Ma coiffure me va très bien. Elle est peut-être spéciale. Je ne l’avoue pas ! marquai-je un instant. Mais elle est magnifique pour moi, d’un beau gris presque blanc comme tu dis! Ça fait mon style… Avec mes lignes parallèles de toutes les couleurs primaires tatoués sur mon visage et mon corps pour symboliser quelque chose je pense. Un lien. Une patrie que je perdrais certainement à jamais si je ne retrouve pas la mémoire. Il faut je me rappelle ! C’est important !
J’étais dans un tel état. Essoufflé et aux bords des larmes. Perdu dans ce monde que je ne connaissais pas du tout. Sans certitudes. Juste de l’espoir.
– Désolé. Je ne savais pas. Ce n’était pas dans une intention méchante, ce que j’ai dit. Oublions ça. Faisons comme si on se rencontrait pour la première fois. Salut, moi, c’est Pounce Cy. Pounce le fauteur de troubles pour les intimes, cligna-t-il de l’œil.
– Enchanté, moi, c’est Beau Gosse… On verra ça une prochaine fois pour mon vrai nom. En tout cas. Excuse. Je ne voulais pas m’emporter comme ça mais mes sentiments ont pris le dessus.
– Je dirais même Super Beau Gosse ! Tu sais quoi, on est tous les deux fautifs. Allons nous coucher. On est harassés. On a les nerfs à vif, c’est pour ça.
Nous avions commencé par les larmes et nous terminions par les rires.
Il m’indiqua ce que serait ma chambre après avoir déambuler partout dans cette immense baraque. Je n’avais pas fait attention au chemin. Trop exténué. Je m’affalai sur le lit tout habillé. Plongeant dans un sommeil profond.
A7
Je coule. Profondément. Très longuement. J’expulse l’air de mes poumons. Ça brûle. Cela les brûle. C’est comme respirer du charbon incandescent, de la fumée ardente. Elle s’étale partout à l’intérieur. Je la sens s’immiscer dans mon cœur. Elle m’emprisonne de haine. Elle me prive d’air, elle me prive d’amour et elle m’emprisonne. Mon amour. Non, je ne peux pas l’accepter. J’ai besoin de vivre. De sortir de cette cage. Mais je coule. Tout. Au. Fond. Tout au fond de l’abîme.
Je me réveillais en sursaut, le corps en sueur. J’avais déjà oublié ce que j’avais rêvé. Même si je faisais des efforts pour m’en souvenir, rien ne me viendrait. J’essayais comme même. Allez marche, marche petite tête ! me disais-je en tapant plusieurs fois le poing contre le front. Ça m’ulcérait. Je n’arrivais toujours à me rappeler. J’ abandonnais, versant de l’eau d’un broc à une coupelle et me lavant la figure pour me réveiller, effaçant les traces d’une nuit difficile. Je m’assis sur une espèce d’assise aux formes allongées mais douillettes. C’était sûr qu’ils aimaient le confort ici. Je fus dans mes pensées assez rapidement, ne sachant que faire.
Tout d’un coup, quelqu’un frappa à ma porte. Après quelques instants d’hésitation, je disais « Vous pouvez entrer! ». Je me levais de l’ample siège sans problème, j’avais dormi tout habillé, pas nu, c’était vrai. Je fis face à un regard profond et insondable.
– Je suppose que tu as bien dormi. Allez, viens !
Il sortit de ma chambre prestement. Il n’attendait aucune réponse. D’un geste, il m’invita à le suivre. Je bondis comme un cabri et, derrière lui, le seconda.
Sa démarche était rapide. Regardant à peine là où il allait. J’eus du mal à le suivre. De nombreuses fois, je faillis le perdre. A gauche, à droite, à gauche, à droite. A croire que cette mini forteresse était comme un mini labyrinthe. Escalier, à gauche… Alléluia ! Finalement, on s’arrêta. J’étais hors d’haleine. A croire que je devais courir tous les jours pour rester en bonne santé. L’homme aux cheveux blonds, Rem Decker, si j’avais bien compris son nom, s’avança vers nous, l’air impassible. Il dit :
– Enfin, après deux jours de repos, tu t’es décidé à reprendre une quête.
Je balbutiais et coupais la parole un peu malgré moi :
– Deux jours?!!! Deux jours sont passés et je ne me suis rendu compte de rien.
– Eh oui ! Belle au bois dormant, tu as dormi deux jours. Bon dieu que c’était long. J’ai même pu compter les poils de mes jambes et pourtant j’en ai beaucoup !
– Ne sois pas si dur envers lui. Il était probablement très fatigué. On ne sait pas précisément ce qu’il a vécu.
-Mon œil ! Pounce, je l’ai bien vu pioncer dans la forêt du haut de mon arbre. J’ai plutôt l’impression que c’est un gros paresseux.
– Ça suffit ! Arrête. Tu exagères. Il lui lança un regard plus intransigeant qu’avant.
Cela suffit à lui fermer sa bouche. Il ne broncha pas, l’air placide. Il devait avoir l’habitude de se faire rabrouer.
Avec un grand sourire après l’orage, il s’excita, en sautant comme un enfant :
– Alors on se la fait cette quête ou pas. Je suis impatient de découvrir ce qui nous attend au pays d’Enventure. Ses yeux aquilins s’arrondissant encore plus, comme un chat devant une gamelle de lait.
On se retrouva proche de la porte d’entrée. Il me sembla car il allait l’ouvrir. Enfin, je suppose car tout avait changé. L’immense salle s’était transformé en salle plus obscure et basse de plafond avec des poutres de bois sombre. Des oripeaux étaient accrochés des deux côtés de la pièce et les colonnes, plus fines et de forme rectangulaire au lieu de cylindrique, avaient bougé. Seul le meuble oblongue était resté mais cette fois-ci dirigé devant une grande cheminée où un feu gisait tout au fond de la pièce. Je ne comprenais pas. De toute façon, je ne pouvais plus rien expliquer depuis longtemps. Peut-être y avait-il plusieurs portes d’entrée. Mystère.
– Attends ! dit Rem.
Est-ce qu’il allait de nouveau me critiquer mais il tourna son regard vers l’autre.
– Tu oublies quelque chose. Quelque chose de très encombrant et qui dort tout le temps. Tu sais…
Et voilà j’en pris pour mon grade. Il ne pouvait pas s’empêcher de me charrier.
– Quoi ? Ah oui, il vient avec nous.
Nous en fûmes babas. Je ne sais pas qui était le plus étonné.
– Mais… dîmes tous les deux en chœur.
– Oui. Tu veux qu’il reste ici. Cela m’étonnerait. Tu ne veux pas qu’il nous attende ici, il pourrait découvrir tes sombres secrets, ironisa-t-il presque. Et on ne va pas le lâcher dans la nature alors qu’il a perdu la mémoire. Il se ferait tout de suite tuer ou vendre comme esclave. Allez, il vient avec nous. Point c’est tout.
Le ton ne laissait pas à transiger. Rem obtempéra en laissant filtrer un grognement.
Bonjour Florian.
Eh bien tu nous présente quelque chose de vraiment original, c’est très rare. Désolé d’être ton premier "like" je pense que tu en mérites plus.
Il y a cependant parfois quelques incohérences il me semble. Et un flou quant aux personnages que nous croisons. C’est mon avis.
Mais l’ensemble est très agréable et je vais lire cette histoire.
Merci