Carnet de vie, de hasard et de voyage. 6

3 mins

Miracle à Grand Vitrolles 2001

Dans un centre commercial, temple de la consommation, il est rare de croiser le merveilleux, c’est pourtant ce qui m’est arrivé cette année-là.

Il était une fois, ou plutôt, il était un soir de décembre 2001, quelques jours avant Noël, et comme souvent, j’étais de permanence direction dans le grand magasin de Vitrolles.

Rappelez-vous, 2001 c’était cette année bizarre la première après l’année du bug, celle du 11 septembre, la dernière avant l’euro.

Depuis le début du mois nous avions installé au centre de l’immense galerie marchande une « crèche » animée, avec un petit lac, une cascade et un petit pont au travers, pouvant être emprunté par le public.

Très vite notre lac aux berges de polyéthylène se peupla d’une dizaine de poissons rouges clandestins, déposés par des inconnus, puis des dizaines, des centaines et bientôt des milliers de badauds et d’enfants prirent l’habitude de jeter des pièces dans cette mare synthétique avec la même ferveur que dans la fontaine de Trévise, j’imagine en faisant, un vœu !
 
C’est dans cette atmosphère insolite, qu’un couple demande à me voir ce soir-là, et ils semblent avoir bien besoin de bons vœux.
L’homme parle un très mauvais français, il semble qu’il soit serbe ou du moins être originaire des Balkans. Il a les yeux rouges le teint blanc et sa femme à côté, est visiblement sous le coup d’un immense malheur.
Avec des gestes, des échanges approximatifs entre plusieurs langues, je finis par comprendre que ce monsieur a perdu une sacoche avec de l’argent liquide dans le magasin.

La routine ! Ce genre d’incident est courant dans un établissement comme le nôtre qui peut recevoir en une journée 25 000 personnes. Après avoir vérifié qu’il ne s’agit pas de vol, je rassure la personne et je demande au service sécurité, au service ménage, aux responsables de rayon d’effectuer des recherches.
Rien d’alarmant, sauf qu’en continuant de parler le monsieur arrive à me faire comprendre que sa sacoche contient 60 000 Francs en liquide (9000€) !
A ce moment-là, je me dis que ce pauvre homme étourdi, risque fort de ne jamais récupérer son bien à moins d’un miracle !

Comme je m’étonne poliment de la présence d’un tel pactole, l’homme m’explique qu’il dispose de cette somme en liquide, fruit de la collecte auprès de sa famille et de ses proches, pour rapatrier le corps de son jeune fils défunt, celui-ci devant être embarqué à Marignane dans quelques jours.

Je suis catastrophé, abasourdi et peiné car je sais qu’il est rare voire improbable que l’on nous ramène des sommes d’argent perdues.
On ne retrouve pas la sacoche malgré une fouille soigneuse et répétitive que j’ai dirigée en personne. Il me reste plus qu’à inviter les infortunés clients à rentrer chez eux et attendre mon coup de fil éventuel, car il reste une dernière chance c’est que demain au moment où les employés vont nettoyer et ranger les rayons, peut-être pourra-t-on retrouver la sacoche, vide sans doute, pensai-je dans mon for intérieur.

De retour vers 23H à la maison j’évoque l’incident brièvement avec mon épouse et je pars me coucher, vers trois heures du matin je suis réveillé par la sonnerie du téléphone, il me faut rejoindre sur-le-champ le magasin car une grève surprise du personnel de l’hypermarché vient d’éclater et déjà un piquet de grève agressif est en place à l’entrée du personnel.

Ce matin-là, il y eut très peu de non-grévistes et dans le secteur non-alimentaire, par exemple, ils ne sont pas plus de cinq à travailler sur 8000 m² !
Parmi ces cinq travailleurs, un jeune homme, Dimitri, jeune employé en CDD de quelques mois, se dirige vers l’allée de son rayon, une parmi les vingt-cinq existantes de la surface de vente dédiée à la vente de vêtements, donc la seule qui ce matin sera rangée.
Derrière des portants, pendue et invisible, il découvre la sacoche. N’étant pas au courant de l’incident de la veille, il l’ouvre et constate, effaré, que celle-ci déborde de billets de banque !
Imaginez ce garçon se trouvant face presque à un an de salaire à six heures du matin dans un magasin vide, qu’auriez-vous fait à sa place ?

Eh bien, il remet les billets de différentes monnaies nationales dans la sacoche, la referme et me la rapporte !
Je ne pourrais pas dire que notre serbe fut heureux dans ces circonstances tragiques pour lui, mais il fut soulagé et reconnaissant assurément ! Notre étourdi voulut remercier par un don en espèces l’inventeur de l’objet perdu, mais celui-ci, très noblement le déclina.
 
Il ne faut jamais désespérer de l’humanité, car elle est souvent capable du meilleur, après les fêtes, les poissons furent adoptés par le personnel et les pièces jaunes remises à une association de défense de l’enfance vitrollaise, quant à moi, après la restitution, il ne me resta plus qu’à aller jeter une pièce dans la mare et à faire un vœu.
Et vous n’allez pas me croire ! Il se réalisa ! Irrationalité quand tu nous tiens ! Joyeux Noël

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