L’amazone au trot

3 mins

La vie passe. Lentement. La vie passe dès sa naissance. Continuellement. Les questions qui sont nécessaires sont celles qui concernent la vie elle-même. Et la question principale est de savoir quoi faire de sa vie. De temps en temps, les tâches changent, le sens de la vie change. On devrait comprendre le sens de la vie.

Peut-être ça serait une bonne idée d’écrire un livre. Chaque jour où je me réveille, je me demande si ce serait une bonne idée. Comme Joseph Grand le faisait, un des héros de la livre fameuse « La peste » d’Albert Camus, mon auteur préféré.

Joseph Grand fut un employé, avec un travail simple, efficace, mais simple. Joseph Grand ne fit pas grand choses. Mais il voulait. Comme tous le gens qui doivent fonctionner dans leur vie, dans la vie des autres, il eut aussi un travail personnel, une mission importante. Pour cela, il utilisait ses soirées. Il avait quelque chose à faire, à écrire un livre ou quelque chose du genre. Comme tout le monde, il était sur : la vie est simple, « on se marie, on aime encore un peu, on travaille. On travaille tant qu’on oublie d’aimer. »

Mais heureusement, Grand eut un avantage : son travail personnel. Il en était très content, il savait qu’il avait pris la bonne décision, et surtout, il était sur la bonne voie. Tout ce qu’il voulait, c’était qu’un jour son livre soit lu par un éditeur, soit publié, devienne célèbre.

Pour réaliser cet objet, il dut être meilleur que les milliers d’autres auteurs, il devait atteindre la perfection, une perfection qui lui était très douloureuse, car il travaillait « des soirées, des semaines entières sur un mot… et parfois sur une simple conjonction ».

Après longtemps, il avait créé sa première phrase. Il l’avait lue à haute voix, même si cela lui avait causé beaucoup de problèmes :
 « Par une belle matinée du mois de mai, une élégante amazone parcourait, sur une superbe jument alezane, les allées fleuries du Bois de Boulogne. »

Cela me rappelle souvent mes premiers pas en essayant d’écrire quelque chose. Grand et moi, nous étions sûrs qu’une telle phrase n’est qu’une approximation. Une phrase ainsi imparfaite ne convaincrait jamais un éditeur. Un livre, commencé avec une phrase ainsi imparfaite, ne convaincrait jamais un éditeur. Mais nous étions aussi sûrs, que nous arriverons tous les deux à une version parfaite, que nous finaliserons tous les deux notre livre.

De temps en temps un ami lui demanderait, « Comment est l’amazone? »  Et Grand dirait sans émotion, « Elle trotte, elle trotte.”

Mais Grand ne fut pas content. Il travaillait tous les soirées, en changeant un mot ici, un autre mot là, jusqu’il arrivait à une autre version :
« Par une belle matinée de mai, une svelte amazone, montée sur une superbe jument alezane, parcourait les allées fleuries du Bois de Boulogne. »

Après tout, Grand avait créé et amélioré sa première phrase, mais je n’avais même pas commencé mon livre. Et il travaillait vraiment dur.

Un jour, il lut triomphalement la prochaine version de sa phrase :
« Par une belle matinée de mai, une svelte amazone montée sur une somptueuse jument alezane parcourait les allées pleines de fleurs du Bois de Boulogne. »

Mais, lus à haute voix, il n’était pas content avec les trois génitifs qui terminaient la phrase. Il avait besoin de réfléchir un peu plus.

Finalement, Grand tomba malade, vraisemblablement de la peste. Il n’avait pas été en mesure de perfectionner la phrase et n’avait donc pas pu terminer son livre.
« Par une belle matinée de mai, une svelte amazone, montée sur une somptueuse jument alezane, parcourait, au milieu des fleurs, les allées du Bois… »

Or, il prit sa décision et demandait à son médecin de brûler le manuscrit de 50 pages avec les ébauches de la première phrase.

Le lendemain matin, il semblait s’être remis, plus que cela, il avait regagné sa confiance. Il savait qu’il l’écrirait de nouveau. Il se souviendrait de tout.

Je l’envie pour cela. Il sut exactement à quel point il était important d’avoir une tâche importante. Comme écrire un livre.

Et c’est pourquoi je vais l’essayer. Encore et encore.

Car l’amazone est passée.

Et la vie passera. Définitivement. La vie passera jusqu’à la mort.

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3 Commentaires
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rène Cy
4 années il y a

Les 3 génitifs 😉 Je n’ai pu m’empêcher de sourire. Ça m’a rappelé que j’ai entamé "Der Dativ ist dem Genitiv sein Tod" l’été dernier et qu’il faudrait que je le reprogramme dans mes lectures.
Le choix des mots, oui, c’est un travail de longue haleine quand on a décidé de peser chaque mot de chaque phrase…

rène Cy
4 années il y a

Immense merci pour les différents liens que je vais explorer de ce pas !!!

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