VINGT-SEPT — ALEXANDRE (suite)
Au bout d’un moment, je vis une ombre s’approcher. Une petite main frêle se posa sur mon épaule, et Nathan s’agenouilla devant moi. Il me serra dans ses bras, et je m’abandonnai à son étreinte. Quand il me relâcha, il se leva et me fit signe de me lever aussi, je lui obéis. Il me prit la main et m’emmena chez moi.
Après que je fus installé dans le canapé, il prit un papier et un stylo dans sa poche et commença à écrire. Il me tendit la feuille, interrogateur. Il y avait écrit : « Personne ne saura rien de cela, d’accord ? ». Je hochai la tête, il sembla soulagé. Et il se dirigea vers la porte, mais je le retins :
– Nathan !
Il se retourna.
– Merci, murmurai-je.
Il sourit et il mit sa main en position avec le pouce en l’air, la plaça sous son menton et fit un geste vers l’avant comme pour me montrer son pouce. Je ne savais pas exactement ce que cela voulait dire, mais je lui souris en retour. Et il s’en alla pour de bon.
C’était vraiment un étrange garçon. Comment m’avait-il trouvé ? Que faisait-il là à une heure pareille ? Pourquoi m’avait-il reconduit chez moi ? Avait-il su à l’avance que j’avais besoin de quelqu’un ?
Je mis un moment à me remettre de mes émotions. Mais les ennuis n’étaient pas finis : vers huit heures trente, la sonnette retentit. Je me précipitai, et découvrit… la silhouette ronde et trempée du propriétaire. Je n’avais pas remarqué qu’il pleuvait dehors. Je le fis entrer à contrecœur, en me rappelant l’utilité d’un judas ! Mais j’étais tellement persuadé que personne ne viendrait à part Maëlle, que je n’avais pas pensé à regarder ma montre.
– Bonjour, dit-il. Vous êtes toujours là, à ce que je vois.
Je fronçai les sourcils.
– Oui, sinon personne ne vous aurait ouvert.
Il me regarda bizarrement. Il n’avait aucun sens de l’ironie, ma parole !
– Bon, dis-je, que puis-je faire pour vous ?
J’avais de nouveau endossé le rôle d’homme d’affaire mature.
– Cela me paraît évident, rétorqua-t-il, je viens vous demander de partir, cela fait dix jours.
– Ah oui. Mais ne vous inquiétez pas, je vais partir dans la matinée.
– Et pourquoi pas maintenant ?
Je ne voyais pas comment j’allais me débarrasser de lui. Je fis un sourire forcé.
– Eh bien, une amie doit venir me chercher d’ici ce midi. Je l’attends.
– Je crains que vous ne deviez l’attendre dehors.
Son ton était froid, il n’avait plus aucune pitié. Et il n’allait pas ce faire avoir par « l’homme d’affaire en difficulté ». J’inspirai profondément, j’allais devoir sortir le grand jeu. Je souris un peu bêtement, pas convaincu.
– Voyons monsieur… Je ne vais pas attendre dehors.
Il dut se rendre compte que sa repartie n’avait aucun sens. Pourquoi devrait-il me forcer à attendre dehors, alors qu’il pleuvait ?
– Mais c’est que je dois le louer cet appartement, répliqua-t-il.
– Mais je croyais que ce ne serait qu’en septembre.
Il avait l’air embarrassé par son mensonge, j’en profitai.
– Dans deux heures, je ne serai plus là.
– Oui, marmonna l’homme, et si vous êtes là vous me servirez le même discours.
Je réfléchis. Il fallait que je trouve un argument convaincant.
– Si dans deux heures je suis toujours ici, déclarai-je finalement, je vous paierai tout ce que je vous dois et je partirai définitivement.
Il fronça les sourcils. Manifestement, il ne s’attendait pas à ça.
– Très bien, soupira-t-il. Dans deux heures, c’est-à-dire à (il regarda sa montre) dix heures trente, je viendrais. Et si vous êtes là, vous me paierez et vous partirez.
Il tendit la main que je serrai froidement.
Une fois qu’il fut parti, j’envoyai un message à Maëlle : « Désolé, mais si tu ne viens pas avant 10h30 je devrais aussi emprunter de l’argent à tes parents… ».
Je m’assis dans le canapé en soupirant, j’attrapai mon journal de sudoku et l’attente commença.