OUTBACK

16 mins

Chapitre 1 à 3

1

— Driiiing, Driiiing, Driiiing

3h du matin. Paris. Anna se réveilla en sursaut. Ca y’est, elle y était. Dans 6h elle décollera pour l’Australie. Elle se frotta les yeux, et essaya tant bien que mal d’émerger. Elle n’avait que très peu dormi la nuit dernière. Elle avait passé sa dernière soirée en France avec ses parents, en essayant désespérément de les convaincre que ce qu’elle faisait était réfléchi et censé. C’était surtout son père, Paul, qui était le plus inquiet.

«  Tu ne vas quand même pas partir seule dans une ferme tenu par un homme que tu ne connais pas à des milliers de kilomètres d’ici ! », répéta-t-il plusieurs fois au cours de la soirée. Sa mère, Elise, resta plus silencieuse. Anna savait qu’elle ne voulait pas la vexer. C’était sa mère qu’elle avait appelé en premier, ce fameux soir de septembre, quand elle avait découvert Cédric, dans son lit avec sa meilleure amie Constance. Suite à cet évènement, la vie d’Anna a explosé en mille morceaux. Elle avait sombré petit à petit dans la dépression, avait perdu le goût de vivre et restait tous les week-end chez ses parents à ne rien faire. Elise avait tout essayé pour convaincre Anna de rester, mais à présent elle ne lui disait plus rien. Elle connaissait sa fille et Anna était plus que déterminée. 

Cependant, elle savait que son père n’avait pas tord.Elle serait effectivement seule avec un cowboy en plein milieu de l’outback, et elle avait conscience du danger potentiel. Anna avait fait suffisamment de droit pénal dans sa vie pour être naïve, mais bizarrement cela ne lui faisait pas peur. Peut être parce qu’à ce moment précis, la vie l’avait tellement déçue qu’elle était prête à surmonter n’importe quel défi en se disant que ça ne pouvait pas être pire. Elle s’était renseignée, et elle connaissait la réputation des cowboy australiens : un peu dragueurs et lourdauds, mais la haine des hommes qu’elle avait actuellement lui donnait tout le courage qu’il fallait pour affronter cela. Il n’y avait pas de risque pour elle de succomber à n’importe quelle tentation, et elle avait préparé sa valise en fonction. Anna avait tout de même un peu échangé avec Owen, le cowboy pour lequel elle allait travailler. Il était le seul propriétaire de son ranch, mais se faisait aider par ses trois cousins pour la gestion du bétail. D’après ce qu’elle avait compris, le grand-père d’Owen avait légué sa ferme à ses petits fils, et était actuellement dans une maison de repos dans une petite ville pas loin. C’était donc une histoire de famille, et cela lui plaisait bien. 

Elle se leva de son lit, se fit un brin de toilette et descendit sa grosse valise dans le hall en attendant son père, qui avait préféré la conduire lui même jusqu’à l’aéroport. 

Anna héla son père au loin. 

— Salut Papa. 

Paul lui sourit en retour mais ne dit rien. Le trajet se fit dans le silence et sans encombre. Anna se réjouit de quitter la fraicheur de l’automne et de goûter à la chaleur de l’Australie. Elle trouvait son automne particulièrement sombre et triste. Elle avait bien besoin d’une bonne dose de vitamine D. 

— On y est, dit Paul doucement, en garant sa voiture sur le dépose minute de l’aéroport Charles de Gaulle. Je vais t’aider à descendre ta valise.

Anna et Paul se regardaient tous les deux très gênés. Anna voulait rassurer son père, mais elle ne trouva pas les mots. Elle prit Paul dans ses bras, et le câlin qu’ils s’échangèrent remplaçaient tous les mots qu’ils auraient dû se dire à ce moment là.

— Prends soin de toi, ma fille.

— Promis Papa. Je vous donnerais des nouvelles ».

Puis Anna s’éloigna.

***

— Tu travailles trop et tu le sais, cria Cédric. Moi je veux un enfant avec toi, je veux fonder une famille tu comprends ? Tu crois que je vais t’attendre combien de temps Anna ?

— Arrêtes de crier, je t’en supplie, je déteste quand tu cries…

Anna éclata en sanglots. Elle n’arrivait plus à accepter les reproches de Cédric. Elle se sentait nulle, bonne à rien, alors qu’elle avait passé 12 heures au tribunal à défendre corps et âmes des hommes et des femmes qui avaient désespérément besoin d’elle. Comme toujours quand Anna pleurait, Cédric s’énervait encore plus. Il prit sa veste, ses clés et claqua la porte derrière lui. Quand va-t-il revenir ? Anna avait arrêté depuis longtemps de chercher à le savoir. Des crises comme ça ces derniers temps, il y en avait trop, beaucoup trop à son goût. Pourtant, elle continuait d’être triste, de pleurer, de l’appeler, et de le supplier de ne pas l’abandonner. Elle n’y arriverait pas sans lui. Elle n’avait pas la force de caractère qu’il avait pour affronter la vie, elle était fatiguée. Oui elle travaillait trop, mais elle n’avait pas le choix. Son travail c’était sa vie, elle avait travaillé trop dur pour tout abandonner. C’était son rêve, enfin du moins elle le pensait. 

— Que voulez vous boire avec votre plateau repas, Madame ? »

La voix de l’hôtesse de l’air sortit Anna de ses rêveries. Elle ne savait pas depuis quand elle dormait mais apparemment c’était l’heure de manger. Personnellement, l’avion et les quelques turbulences lui donnaient la nausée, mais elle surprit son ventre gargouiller quand elle sentit l’odeur des plateaux repas. Air France s’est amélioré, pensa-t-elle. 

Après plus de 32h de vol, Anna avait enfin atterrie à Sydney. Ça y’est, elle y était, son aventure pouvait enfin commencer. Elle se sentait extrêmement fatiguée, mais motivée malgré tout. Elle était contente à ce moment là d’avoir demandé à Owen de venir la chercher, et de ne pas devoir faire la route jusqu’à son ranch perdu on ne sait où dans le désert australien. Après avoir récupéré sa valise, elle s’assit sur les bancs, exténuées vers la sortie de l’aéroport. Elle pouvait déjà sentir à quel point la chaleur était étouffante. Elle transpirait, ses mains devenaient moites, et elle s’aperçut qu’elle était extrêmement angoissée. C’est en essayant de contenir ses émotions qu’elle l’aperçut enfin.

Owen était en train d’arriver. Et sans avoir vu de photos récentes de lui, elle était certaine que cet homme venait pour elle. Owen avait un physique très impressionnant : de là où elle se tenait, Anna pouvait estimer qu’il devait faire entre 1m90 et 2m, ce qui lui paraissait gigantesque car elle même ne mesurait qu’1m65. Il avait les bras très musclés, et les épaules très larges. Il était habillé d’un jean Lévis trouvé au niveau des genoux, et d’une chemise à carreaux avec les manches retroussées au bras. Il avait des sortes de boots, et bien sûr le fameux chapeau de cowboy. Son physique reflétait sa profession. Sous son chapeau de cowboy, on pouvait apercevoir des cheveux blonds, longs et bouclés, qui entouraient son visage et lui donnait un air enfantin. 

— Bonjour, bienvenue en Australie, lui dit Owen en lui tendant la main. 

2

Anna vit qu’Owen avait baissé la tête quand leurs regards s’étaient croisés, et ne sachant pas pourquoi, elle se sentit gênée. Elle se retourna vers le cheval qu’elle était en train de brosser, et essaya de comprendre pourquoi il ne lui avait toujours quasiment pas adressé la parole depuis qu’elle était arrivée. Ce n’était pourtant pas la barrière de la langue qui les empêchait de communiquer, même si l’accent d’Owen était très prononcé, Anna n’avait pas eu de peine pour comprendre les quelques mots qu’il avait prononcé en guise de consignes. Mais elle ne se vexa pas pour autant. Anna était pour ainsi dire intrigué par Owen. Elle était persuadée qu’il était bien plus que ça, bien plus qu’un physique. Elle percevait une très grande sensibilité derrière son attitude, et derrière les gestes qu’il avait envers ses animaux. Il avait tout l’air d’un homme bon, et durant ses 6 mois de travail chez lui, elle était persuadée qu’ils allaient pouvoir devenir amis. 

Elle peut même dire qu’elle a bien été accueillie, et que malgré les apparences et l’environnement aride dans lequel Owen travaillait, l’endroit où elle dormait était très mignon. Elle séjournait dans une dépendance pas loin du bâtiment principal dans lequel Owen a organisé son habitat. C’était une bâtisse très rudimentaire construite en longueur au milieu du désert, mais il avait réussi à en faire un endroit très charmant. La dépendance qu’il avait fait construire devait lui servir d’atelier, lui avait-il dit brièvement, mais il s’était arrangé pour lui faire une chambre avec assez de rangements pour tenir 6 mois et un petit bureau sur lequel Anna pouvait tenir son journal. C’était tout ce qu’il lui fallait pour le moment, et elle n’avait pas cherché le confort ni le luxe en décidant de s’envoler vers l’Australie pour travailler dans une ferme. La salle de bain était commune et se trouvait dans une toute petite pièce, entre la cuisine et la chambre d’Owen. Il n’y avait que le strict minimum, pas de miroir, ni de cabine de douche, mais cela lui convenait. 

Elle était déjà arrivée depuis 2 jours, pensa-t-elle en soupirant. Le temps est passé trop vite. Owen l’a préservée pour qu’elle s’habitue au décalage horaire, et qu’elle s’habitue un peu à la chaleur estivale qui commençait à arriver. Elle savait qu’à partir de demain, les choses sérieuses commenceraient, et elle espérait sincèrement tenir le coup. Elle avait été embauchée principalement pour s’occuper des animaux, les chevaux notamment, et des deux poulaillers dont Owen s’occupait à la place de ses grands parents. Le cowboy quant à lui, s’occupait pour l’instant de son bétail tout seul ainsi que son exploitation car Anna n’avait pas encore assez d’expérience. Cela lui convenait parfaitement bien. C’était déjà pour elle une expérience unique que d’être dans ce lieu paradisiaque, loin de la ville, loin de chez elle.

Elle reposa la brosse sur le côté, et tapota amicalement la jument dont elle était en train de s’occuper. Elle la ramena ensuite à son box, et rangea le matériel de soin dans l’armoire prévue à cet effet près de la sellerie. 

Il était déjà tard, Anna n’avait pas vu l’heure passait. Elle n’avait quasiment pas vu Owen de l’après midi, et elle était restée qu’avec les chevaux qu’elle avait brossé et soigné toute la journée. Elle était quand même pressé de le revoir pour essayer d’en savoir un peu plus sur lui. 

   ***

—Tu as passé une bonne journée aujourd’hui Owen ? demanda doucement Anna. Owen était resté encore une fois très silencieux. Il regarda sa soupe, et n’avait pas levé les yeux sur elle depuis qu’ils avaient commencé le repas. Il leva la tête, et la regarda enfin.

— Oui, je te remercie.

Pas plus de 4 mots. C’est tout ce qu’elle pouvait avoir de lui pour l’instant, mais au moins l’avait-il regardé, et c’était déjà un bon début. Depuis qu’Owen était venu la chercher à l’aéroport, elle ne pouvait pas dire qu’ils avaient vraiment fait connaissance. Elle se dit qu’il fallait qu’elle prenne son courage à deux mains et engager une bonne fois pour toute la conversation. 

— Je pense qu’il faudrait que nous discutions un peu plus, pour apprendre à faire connaissance. Ça ne va pas être facile pour moi de travailler dans ta ferme, si je ne sais pas comment tu fonctionnes, qui tu es. Tu comprends ? Anna se mordait la lèvre. Elle espérait sincèrement ne pas avoir vexé Owen en osant faire ce genre de remarques, mais elle était comme ça. Elle ne pouvait pas rester silencieuse plus longtemps.

Owen la regarda silencieusement. Ils se regardèrent ainsi pendant un petit moment, jusqu’à ce qu’Owen prit la parole : 

— Tu as raison. Je n’ai pas l’habitude d’avoir des gens chez moi, comme tu peux le remarquer. Je suis quelqu’un de très solitaire. J’espère en tout cas que je ne t’ai pas vexée et que tu penses avoir été bien accueillie. Sinon, je m’en excuse. Mon idée principale était d’avoir une vraie aide pendant au moins la moitié de l’année, et je suis vraiment reconnaissant que tu aies eu le courage de postuler et de venir jusqu’ici.

Il lui sourit, et Anna lui sourit en retour. Il était plutôt bel homme quand il souriait. Il avait des pommettes saillantes et des dents incroyablement blanches pour quelqu’un qui était recouvert de terre et de boue toute la journée. Bien sûr, Anna n’était pas venue ici pour la beauté de son hôte, mais effectivement c’est quand même plus plaisant de cohabiter avec quelqu’un qui a un sourire aussi sincère et aussi doux qu’Owen. 

— J’ai été très bien accueillie, le rassura Anna. Ne t’en fais pas. Je suis très heureuse ici.

Ils débarrassèrent à deux la table en silence, et Owen la salua et partit dans sa chambre. La chambre était séparée de la cuisine par une porte coulissante. Il était même pas encore 22h, mais Owen avait l’habitude de sortir son bétail à 5h du matin, donc Anna ne fit pas de remarque quand il lui dit bonne nuit. Elle resta quelques instants dans la cuisine pour faire la vaisselle, et ranger un peu derrière elle. Elle avait suffisamment dormi ces derniers jours, et s’était déjà un peu habituée au décalage horaire. Elle ne se voyait pas dormir tout de suite. Surtout que de retour dans sa petite dépendance, elle n’aurait pas beaucoup d’occupations. Elle avait ramené son téléphone portable et son ordinateur pour pouvoir garder contact avec sa famille, mais il n’y avait du réseau que dans la cuisine. Elle ne voulait pas faire de bruit et réveiller Owen maintenant. Elle se rassit et décida de méditer quelques instants sur sa vie. Elle repensa à son départ en Australie décidé sur un coup de tête, à ses parents qui ne savaient pas trop comment réagir. A sa démission, et à ses amis bientôt trentenaires, et déjà bien installés dans leur vie de couple et de famille, alors qu’elle n’avait rien de tout cela. Tout de façon elle n’avait pas le choix, elle étouffait dans sa vie, en France. Le passé et l’ombre de Cédric l’étouffaient. Elle ne pouvait plus rester chez elle, car tout ce qu’elle touchait, tout ce qu’elle voyait lui faisait penser à lui. 

Elle chassa vite ces pensées de sa tête, elle s’était promis de tenir le rythme et de rester forte. Elle se leva et décida d’aller se coucher. 

En arrivant dans sa chambre, Anna s’assit sur son lit, se mit en pyjama et se dirigea vers sa commode comme à son habitude pour ranger ses vêtements. Elle ouvrit le tiroir du haut et elle hurla comme jamais elle n’a hurlé auparavant : « AAAAAAAH, OH MON DIEU, OWEEEEEN ». 

Seulement quelques secondes après le cri, Owen débarqua dans la chambre d’Anna en caleçon, l’air paniqué : « Que se passe-t-il Anna, dis moi !

­— Je me suis fait piquer, regarde ma main ! Sanglota Anna, en tenant sa main qui était devenue toute rouge et gonflée. Je me suis fait mordre, c’était une araignée énorme, Owen je me sens mal !

En deux temps trois mouvements, Owen mit Anna sur son dos et courut vers son pickup. 

— Je t’emmène à la clinique la plus proche, ne t’en fais pas, ils ont des réserves d’anti venin. Tu n’as pas eu de chance, ma pauvre. Tiens bon. Je reste avec toi, je te promets que ça ira.

Anna se sentit défaillir, mais se raccrocha à un détail… Owen conduisait sans pantalon !

­— Owen… Chuchota Anna. 

— Oui ?

— Tu n’as pas de pantalon…

Owen se mit à rire.

— En effet, tu restes observatrice. J’ai un vieux jean dans le coffre ne t’en fais pas pour ça. On est bientôt arrivé, fit-il remarquer en voyant qu’Anna s’endormait.

3

Anna se réveilla quelques moments après, un moment qui lui parut être une éternité. Elle ne sentait pas très bien, elle avait la tête lourde, mais au moins elle était en vie. Quelle poisse faut-il avoir pour se faire piquer par une des araignées les plus dangereuses d’Australie, seulement deux jours après son arrivée ? Anna referma les yeux et repensa à tous les malheurs qui s’étaient abattus sur elle cette dernière année, et eu une envie incontrôlable de pleurer et de ne jamais s’arrêter. Pourtant quelque chose l’en empêcha – ou plutôt quelqu’un. 

— Oh tu es réveillée, enfin ! Quel soulagement. Tu as eu une mauvaise réaction à la piqure et le temps que le venin fasse effet… Tu as beaucoup dormi. Comment te sens-tu ?

Owen était là à ses côtés, et apparemment il ne l’avait jamais quitté des yeux pendant les 6 heures où elle était endormie. Il la regardait attentivement, un peu inquiet, de ses beaux yeux bleus clairs. 

— Ca va, je te remercie. Tu n’avais pas besoin de rester tu sais, avec tout le boulot que tu as… Je ne voudrais pas abuser de ton temps…

— Ne dis pas de bêtise, mes cousins s’en occupent. Je ne suis pas du style à laisser mes gars dans la merde… Enfin mes gars, tu comprends ce que je veux dire. Les personnes qui travaillent avec moi, quoi.

Anna sourit. Owen s’exprimait maladroitement mais elle sentait que le fond de ses pensées étaient sincères. Elle pensa à cet instant qu’en effet elle aurait pu tomber sur quelqu’un de bien plus malintentionné, que lui, et il fallait qu’elle rassure son père en lui expliquant la chance qu’elle avait à cet instant précis, d’avoir été sauvée par ce cowboy aux cheveux blonds. 

— Où sommes nous, au juste ? Demanda Anna en regardant autour d’elle, se rendant compte qu’elle n’avait absolument aucune idée de où elle était, se souvenant juste avoir quitté le ranch en pick up.

— Dans le cabinet d’un de mes potes médecins. Il s’occupe de la région, il vient nous voir de temps en temps, ou alors nous on passe quand on a un petit pépin. Il a toujours de l’anti venin en stock ou des trucs qui peuvent nous servir en cas de blessure, de piqure ou autres. Ca peut être une activité super difficile et dangereuses ce qu’on fait, en fait. Un ami de mon grand-père avait été blessé par l’une de ses vaches, il avait du arrêter pendant un moment son activité. C’était pas un moment facile.

— Je suis contente qu’on puisse se parler, et d’en apprendre un peu plus sur ton environnement de travail. Je ne savais pas que ça pouvait être aussi dur. Je me méfierais à partir de maintenant…

Owen sourit et baissa les yeux. Il semblait être gêné par cette conversation, plus intime que celles qu’ils avaient eu auparavant. Il n’osait plus trop la regarder.

— Si tu te sens mieux, nous pouvons rentrer. James m’a dit qu’on te gardait en observation tant que tu ne te réveillerais pas. En plus mes cousins sont au ranch, ils doivent avoir fini le boulot. Je pourrais te les présenter.

— Ok, avec plaisir.

Anna ne prêta pas attention au changement brutal de la conversation. Elle ne voulait pas le brusquer en essayant d’en savoir plus sur sa vie alors qu’il n’avait pas particulièrement envie de la partager. Elle se leva. Sa tête lui tournait un peu, mais Owen lui présenta déjà son bras pour l’aider à garder l’équilibre. Elle n’était pas très habituée aux hommes attentionnés. C’était triste à dire effectivement, mais Anna n’avait autour d’elle qu’une figure masculine, son père Paul, et elle ne peut pas dire qu’il était très attentionné. Il était très gentil et respectueux mais aussi très pudique. Très peu de gestes tendres, de mots doux. Il y avait toujours eu un fossé qui les séparait, quelque chose qu’elle ne pouvait expliquer. Quant à Cédric… Avant qu’il ne parte avec sa meilleure amie, elle pensait que c’était l’homme idéal, l’homme de sa vie. Cédric ayant été son premier amour, elle n’avait connu que lui. Très vite, elle s’était isolée, avait perdu ses amis masculins, et évitait de trainer dans des endroits remplis d’hommes. Elle n’avait que lui, parce qu’elle ne voulait avoir que lui. Elle le mettait sur un piedéstale. Pourtant, avec le recul qu’elle avait aujourd’hui, elle ne pouvait pas vraiment dire qu’il était le parfait prince charmant. Owen s’était montré sûrement beaucoup plus gentleman ces derniers jours que Cédric en huit ans de relations.

— Je t’en prie, monte, lui dit Owen en lui ouvrant la portière.  Je mets tes affaires à l’arrière, comme ça tu seras plus tranquille.

Anna découvrait un tout autre visage d’Owen et elle trouvait ça très intéressant. Elle avait hâte d’en savoir plus sur lui. Mais elle se promit qu’elle allait y aller en douceur pour ne pas le mettre mal à l’aise. Il y avait quelque chose de très vulnérable en lui, une timidité cachée. Une part de mystère. 

Le trajet se fit en silence. Il commençait à faire chaud, l’été commençait doucement à arriver. Anna regarda sa main qui était encore bandée. Elle n’avait pas osé défaire le bandage pour voir les dégâts causés par cette fichue araignée. Elle n’a jamais été arachnophobe, mais Anna se mit tout doucement à paniquer à l’idée de se retrouver nez à nez avec l’une d’elle à l’avenir. C’était dingue à quel point cet évènement lui fit prendre conscience, tout d’un coup qu’elle était partie vivre à plus de 15 000 km de chez elle. 

— Tout va bien ? Lui demanda doucement Owen, en se retournant vers elle l’air inquiet.

Il avait du percevoir qu’elle s’agitait sur son siège depuis dix bonnes minutes. 

— Oui oui, ça va… C’est juste que je repensais à l’araignée tout ça… Tu sais on a pas ce genre d’araignée à Paris, et enfin…

— Je dormirais dans la dépendance, si c’est ça qui t’inquiète. Il y a plus d’insectes qui se faufilent à cet endroit là, c’est vrai. Ça ne me dérange pas, je te laisserais mon lit. Et tu pourras prendre le temps qu’il te faudra pour te reposer. Tout de façon, les gars travailleront à temps plein avec moi à partir de demain. Ils pourront m’aider. Toi en attendant tu te reposes, tu visites le ranch, tu montes à cheval… Enfin tu feras ce dont tu auras envie.

— Non mais Owen, je peux travailler ça ne me dérange pas tu sais.

— Ordre de la direction, dit-il en rigolant.

— A vos ordres, chef.

Anna lui sourit en retour. Elle se sentait déjà plus à l’aise. Le début de sa crise d’angoisse était déjà parti. Elle appréciait la considération qu’Owen avait pour elle, mais elle ne voulait pas paraître pour la petite française blonde fragile de 28 ans, fraichement débarquée en Australie pour changer de vie, comme beaucoup de personnes de sa génération le faisait. Elle n’avait pas fait tout ce chemin par mode. Mais plutôt pour survivre, un peu comme dans « Mange, Prie, Aime ». Sauf qu’au lieu de partir en Italie et à Bali faire une retraite spirituelle, elle avait choisi l’Australie pour dépasser ses limites et elle avait bien l’intention de prouver à Owen ce dont elle était capable. Et après tout, elle avait bien survécu à une piqûre qui aurait pu être mortelle non ? 

Ils arrivèrent au ranch au bout de 45 minutes de route. Anna vit au loin trois autres hommes, tous très grands également comme Owen de ce qu’elle pouvait en voir de là où elle était. Owen descendit de la voiture et lui rouvrit la porte comme à l’aller, et lui descendit ses affaires. Anna se surprit à rire en voyant le grand gaillard qu’était Owen porter son sac à main, mais celui ci ne remarqua même pas qu’elle le taquinait, tant il était inquiet de ramener Anna saine et sauve chez lui. 

— Tu te sens capable d’aller voir les gars maintenant pour que je te les présente ? Le questionna Owen, en prenant soin de déposer délicatement les affaires d’Anna dans sa chambre.

— Oui oui, je suis prête !

Une pointe de stress lui serra le coeur pendant un instant, mais elle se rendit à l’évidence que si Owen était aussi bien élevé, ses cousins le seraient tout autant, tant la notion de respect dans sa famille était primordiale. 

Owen siffla entre ses doigts, et un bruit plus que strident retentit. Les trois hommes qu’elle avait aperçu plus loin en arrivant, galopèrent sur leur monture à leur rencontre. 

— Les gars voici Anna, l’intérimaire qui travaille au ranch pour une durée de 6 mois. Elle est arrivée y a trois jours. Traitez la bien, sinon vous aurez à faire à moi, je vous connais.

Les trois gars en question, s’esclaffèrent tous très bruyamment, et Anna comprit dès lors qu’elle n’allait pas du tout avoir à faire avec le même type de personne qu’Owen finalement. 

Le plus grand des trois – si c’était encore possible d’être encore plus grand – fut celui qui se présenta à elle en premier. Et quand ce cowboy perché sur son étalon, la regarda de ses yeux verts émeraudes, Anna sentit ses mains devenir anormalement moites, et son rythme cardiaque s’accéléra d’un coup. 

Le soir où Anna a rencontré Cédric, elle était avec ses copines de fac de droit, en boîte de nuit. Elle était un peu saoul, mais heureuse de la soirée qu’elle était en train de passer. Elle le remarqua dans la foule. Il la remarqua également. Ils étaient là, chacun à une extrémité de la salle, et aucun des deux n’arrivaient à détacher le regard l’un de l’autre. Anna sentait que quelque chose se passait sans qu’elle puisse l’expliquer. Elle savait que le garçon là bas, un peu plus loin dans la foule, allait changer sa vie à tout jamais. Il correspondait comme deux gouttes d’eau à son style d’homme. Un grand brun ténébreux. Il émanait de lui quelque chose de sombre, de mystérieux.

Elle finit la nuit avec lui ce soir là. Et ne l’avait plus jamais quitté. Elle n’en était pas capable, plus capable. Cédric l’aimait, ça elle en était certaine. Mais il l’aimait dans le contrôle. A partir de ce soir là, il sut l’emprise qu’il avait sur elle. Elle ne s’en cachait pas, elle aimait le dire, le lui rappeler. « Je suis à toi, et à personne d’autre ». Anna s’était réfugiée dans ses bras, comme si c’était la meilleure chose à faire. Se réfugier dans ses bras à lui, son bouclier, pour surmonter toutes les merdes que la vie allait mettre sur son passage. Jusqu’au jour de ses 26 ans, où Anna eut un autre amour dans sa vie, son travail. Elle avait eu le barreau ça y’est, l’accomplissement de 7 ans de travail. Mais ça Cédric ne l’accepta pas. Il n’avait pas envie de la partager. Il n’a jamais été habituée à l’avoir loin de lui plus d’une journée. Anna vit le comportement de Cédric changer petit à petit, et comprit que finalement, la passion a ses limites. 

— Salut, moi c’est Jake, dit-il en descendant de son cheval pour baiser la main d’Anna.

Ce geste la déstabilisa, mais bizarrement elle se laissa faire. Anna sut qu’il fallait qu’elle réponde quelque chose, mais elle n’arrivait pas, elle était hypnotisée. Hypnotisée par ces yeux verts, hypnotisée par cet homme, brun, grand et mystérieux. Elle avait déjà connu cela. Elle était censée savoir que cela était le danger. Un coup de foudre. Du moins l’image et l’interprétation qu’elle s’en faisait. Là, au beau milieu d’un ranch dans l’Outbak australien, elle n’arrivait plus à penser. Subjuguée par un regard qui lui était alors inconnu, Anna perdit toutes ses capacités et son sang froid. Elle lui répondit par un sourire, incapable de former un mot ou une phrase qui soit à peu près cohérent.

Elle laissa les deux autres hommes se présenter, un certain William, et un autre Nathan, mais aucun des deux n’arrivait à attirer l’attention d’Anna. 

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