RENDEZ-VOUS CHEZ LE PSY

Le rendez-vous chez le psy avait été plutôt précipité. Le thérapeute avait vite senti l’angoisse dans les propos désordonnés de son patient.

C’était une fin d’après-midi. 

Théodulus s’était retrouvé dans la salle d’attente déjà occupée par une personne. Il prit soin de s’installer sur le fauteuil dans l’angle opposé. Il surveillait du coin de l’œil la dame. Elle semblait être perdue dans ses pensées et regardait le va et vient d’une mouche qui virevoltait au-dessus de la tablette où dormaient quelques vieux magazines racornis. 

Théodulus, sans doute par mimétisme, accompagnait du regard la mouche et après trois circonvolutions oculaires abattit sa large et épaisse main sur le pauvre insecte cantharide. 

Le claquement assourdissant, fort au point d’en renverser les revues, fit sursauter la dame. 

Elle dévisagea cet homme aux formes potelées aux petits yeux allongés qui trahissaient un regard inquisiteur sous deux sourcils droits. Autour d’un visage arrondi, deux oreilles pointues semblables à des radars de sous-marin retenaient un bandeau duquel s’échappaient quelques cheveux noirs. Elle avait rarement vu un physique aussi ingrat. 

Théodulus, tout penaud, sentait le regard de la femme sur lui, il ne savait pas où mettre ses mains. Soudain des pas se firent entendre dans le couloir. 

La porte du cabinet s’ouvrit sur le praticien et s’adressa à Théodolus 

— A nous 

Il eut bien du mal à s’extirper de son fauteuil crapaud. Il tentait de décoller l’épine dorsale du dossier. Tel un cheval à bascule il donnait de grands coups de reins pour s’extraire du siège. Après deux essais infructueux, le troisième fut le bon si bien qu’emporté par son élan, son long nez busqué vint s’écraser sur le guéridon, le même sur lequel il avait violemment broyé la mouche un instant plus tôt. Le médecin l’aida à se relever, un mince filet rouge coulait d’une narine et une légère écume s’était formée à la commissure de ses lèvres. Visiblement la table s’était vengée. 

Tout penaud tête baissée comme pour guider ses pas, il traversa lentement la salle d’attente. Il jeta un regard en coin vers la patiente à l’instant même où la porte de communication se refermait sur lui. 

A peine assis, théodulus déballa les raisons de sa visite, la pandémie, la guerre, il avoue n’avoir pas tout compris mais une chose dont il était sûr, la situation était grave. Le débit de paroles du patient indiqua rapidement l’état d’anxiété au praticien. Il connaissait bien Théodulus qu’il suivait depuis des années et n’était pas surpris de la réaction face à un évènement méconnu. Il ne se contenta pas de lui souscrire des anxiolytiques mais lui conseilla vivement de se mettre au vert. 

— vous avez de la famille en dehors de la ville . 

— heu oui, un oncle à la montagne lui répondit-il après réflexion.

— je vous conseille de vous rapprocher de lui pour quelques temps. Vous serez en sécurité et on se revoit dans quelques temps. On garde le contact.

A la fin de la séance, Théodulus ne s’éternisa pas dans le cabinet médical. Sitôt la portière rabattue, l’allumage enclenché, la pédale d’accélérateur écrasée, la 2 chevaux se cabra et détalla sous les yeux ébahis de quelques passants. 

De retour chez lui, il avisa son chien du verdict médical. Il était désemparé de n’avoir toujours pas de nouvelles de Circé. La seule alternative était de suivre les conseil du psy : migrer chez son oncle. Un coup de fil au tonton et l’affaire fut vite négociée.