Deux Joyaux Violets. Chapitre 6,1.

6 mins

Un havre de paix faillible, partie 1.

BASIL

— Je suis navrée Moran, mais c’est contraire aux instructions que l’on m’a transmises.

 L’infirmière ne me lançait même pas un regard, concentrée dans sa tâche. C’était une Sorcière d’une centaine d’année, et qui n’était même pas foutu de faire une chose simple.

— C’est moi qui la bois aux dernières nouvelles, pas Wilkins.

— Moran, me reprit-elle, condescendante. Il sait ce qui est bon pour vous et votre… Problème.

 Je ricanais sans joie.

— C’est la meilleure celle-là, marmonnais-je, la mâchoire contractée.

 Je me rapprochais doucement du visage de l’infirmière et elle se figea instantanément, puant la peur. En espérant qu’elle ait déjà entendue les rumeurs qui circulaient sur moi – elles étaient parfois vraies, parfois fausses. -, mon souffle balayait son visage. Lorsqu’elle déglutit difficilement en gardant les yeux baissés, un sourire carnassier étira mes lèvres. Elle sentait la proie et le monstre en moi s’en regorgea. C’était grisant.

— Et moi, je m’habitue à cette merde. Il faut doubler la dose. Vous n’aimeriez pas voir de quoi je suis capable sans ma potion, tout de même, madame ?

 J’entendis son cœur avoir un loupé et je me sentais puissant, menacer quelqu’un de faible, de cette façon je ne pouvais que l’être. J’en avais plus rien à foutre des représailles, si elle voulait continuer à vivre, elle allait faire ce que je disais.

— Je… Oui, j’en parlerais à…

— C’est notre petit secret, bien sûr, la coupais-je.

 Elle finit par hocher la tête et je m’éloignais soudainement en lui souriant.

— Parfait, c’était génial de faire affaire avec vous, à plus tard madame ! Dis-je comme si de rien était, en sortant de l’infirmerie, heureux comme un paon de lui avoir cloué le bec.

 Cependant, au détour d’un couloir, je me figeais, plaquant ma main sur ma poitrine, le sol se dérobant sous mes pieds. Je connaissais que trop bien cette sensation pour changer immédiatement ma destination. Je me mis à monter les longs escaliers en colimaçon, qui menaient à la tour la plus haute du château. Mon cœur battait fort et vite tandis que chaque respiration me brûlait la trachée. J’ouvrais la bouche dans un cri silencieux. Putain, c’était douloureux. Et rapide, trop rapide. Ça n’aurait pas dû arriver. Je sentais mes Sceaux se rétracter puis s’agrandir, comme des contractions, me brûlant la peau sur leur passage. J’avais oublié cette horrible sensation de possession qui me gagnait à chaque fois que le monstre montait.

 Ma sœur l’avait appelé ainsi alors j’avais gardé cette appellation, qui pouvait paraître enfantine, mais n’en était rien. Loin de là.

 Les marches me paraissaient démesurées et de plus en plus difficile à escalader. J’entendais résonner son appel dans mes tympans, me berçant pour que je m’endorme et lui laisse le loisir de me contrôler pour se rassasier de souffrance et de mort. Le monstre était avide de peur, la frayeur de l’infirmière avait dû le faire monter à la surface plus tôt que prévue, me prouvant qu’il gagnait en puissance. Il avait senti.

 Arrivé à la porte de la chambre de Clara, celle-ci en sortit de suite et sursauta lorsqu’elle me vit : à moitié mort, allongé sur le plancher.

— Basil !

 Elle me fit entrer et allonger sur son lit en quelques secondes seulement. Je vis ses gestes au ralenti, le monde tanguait, et moi je flottais sur un petit nuage. Soudainement, Clara me gifla, fort. Ni une ni deux, j’étais de nouveau très ancré dans la réalité.

— Résiste-lui un minimum, merde !

 Ma respiration était sifflante, j’avais chaud, elle avait intérêt de se dépêcher de faire son petit tour de passe-passe d’Elfe à la con parce que je n’allais pas tenir plus d’une minute ainsi. Le monstre voulait monter et il griffait ma gorge sans vergogne pour me faire capituler. Si elle n’y arrivait pas, tant pis pour elle, Clara mourra la première. Je serrais mes poings, à deux doigts de lâcher prise.

 Elle se mit à réciter une incantation dans une langue ancienne dont je ne comprenais aucun mot et arracha mon tee-shirt qui cachait mon Sceau. Je ne voulais même pas voir à quoi ça ressemblait. Surtout, lorsque le visage de Clara se décomposa.

— Par tous les Dieux, Basil…

— Fais-le ! Je hurlais dans une voix qui n’était plus la mienne et l’Elfe sursauta avant de se remettre au travail.

 Ses doigts fins se déplacèrent sur mon torse avant qu’elle n’enfonce son index dans ma peau, déchirant ma chaire, atteignant mon cœur. Cette douleur m’ancrait alors dans une réalité fragile. Puis je sentis un liquide froid se répandre dans mon cœur puis s’étendre dans mes membres, me paralysant, ralentissant les soubresauts de mon corps. Le monstre recula au fond de mon gosier et je me mis à respirer plus calmement. Putain, j’étais pas passé loin. Clara semblait encore plus essoufflée que moi, elle était pâle comme un mort. Elle se recula et alla chercher de quoi nettoyer l’entaille qui barrait mon torse. Sa résine qui me paralysait allait tenir quelques heures.

 Clara était une Elfe. Elle avoisinait les deux cents ans et refusait de partir d’Ecclésia pour la simple et bonne raison qu’elle se considérait comme dangereuse. C’était sa peine pour avoir fait du mal autour d’elle. Enfin, c’est ce qu’elle m’avait raconté, d’un air théâtrale. Clara était un mystère pour les élèves d’Ecclésia, elle restait cachée dans sa tour et aidait Madalena lorsqu’elle le pouvait, mais c’était tout. Je me demandais parfois, si le monde ne lui manquait pas. Si Mère Nature ne l’appelait pas, comme tout les Elfes, mais j’étais trop intimidé devant elle pour lui poser des questions si intrusives.

— Tu resteras paralysé environ une heure, c’est de la résine de…

— Corydale, je l’ai senti, soufflais-je, toujours pas remis de ma transformation imprévue.

 Elle hocha la tête, pas surprise que je connaisse ce paralysant. Elle savait que j’avais voyagé et fais des choses qu’un Surnaturel de cent ans n’avait sans doute jamais expérimenté.

— T’as pris ta potion du mois ? Me demanda-t-elle lorsqu’elle désinfecta la plaie et je me retenais de lui dire que c’était inutile.

— Ouais, mais elle ne me suffit plus, soupirais-je.

 Clara fronça ses sourcils bleus, comme ses longs cheveux tressés derrière son dos. Ses yeux blancs trahissaient son incompréhension. Les Elfes étaient des créatures d’une beauté intemporelle, Clara en faisait partie. Du haut de ses deux siècles, elle avait un visage angélique, la candeur personnifié. C’est aussi pour ces raisons que je la voyais mal tuer des gens.

— Ton Sceau mangeait presque tout le haut de ton corps Basil. Il se mouvait et se défendait avec difficulté sur ta malédiction, c’est qu’il doit se faire vieux. Demande à Madalena de t’en refaire un autre, m’ordonna-t-elle alors en laissant tomber ses mains sur ses genoux.

 Je ricanais.

— Cette femme a déjà assez de travail, puis j’ai demandé à l’infirmière de doubler la dose dans mes potions, ça devrai le calmer un moment.

— T’es vraiment un idiot de ne pas réagir, Basil.

 Clara et moi étions amis, et j’étais la seule personne de l’école qui la supportait et elle avait pris l’habitude de prendre soin de moi, comme une grande sœur pourtant il y avait des fois où j’avais envie de l’envoyer chier.

— Tu crois vraiment que je suis capable de faire des potions comme je le souhaite, Clara ? Je ne suis pas un Sorcier et si ça avait été le cas, ça ferai longtemps que je me serais cassé d’ici, m’énervais-je et Clara ne se laissa pas démonter devant ma colère.

 Elle rapprocha son visage du mien, me sachant complètement à sa merci. Un sourire satisfait éclaira son visage.

— Alors cherche le Sorciers qui t’a fais ça et tue le.

 Je soupirais, elle pensait que c’était si simple.

— Je suis Maudit depuis que je suis gosse, et j’ai des centaines d’ennemis. Que veux-tu que je fasse ? Je commence par qui ?

 Clara m’observa gravement un moment puis je sus ressentir sa peine pour moi. Elle était optimiste, mais mon cas était trop aggravé pour que je puisse y faire quelque chose et elle avait dû mal à l’accepter.

— Je sais à quoi tu penses, Clara.

— Arrête de lire dans ma tête, espèce de sale gosse, grogna-t-elle et je souris.

 Clara était assez vieille et puissante pour protéger ses pensées de mes intrusions, mais il m’arrivait parfois que je capte des bribes. Nous ne parlions plus après ça, je laissais l’Elfe s’occuper de la plaie qui devait déjà avoir cicatrisé. Elle était minutieuse dans ses gestes et tentait de ne pas me faire mal, c’était plutôt drôle.

— Je sais bouger mes doigts, lui dis-je soudainement.

— Bravo, en trente-quatre minutes, c’est un record Psychic. Ton corps est habitué à la Corydale ?

— En quelque sorte, dis-je sans entrer dans le sujet.

 Parler de ma vie de paria n’était pas ce que je préférais. Aiden rétorquerait que je n’aimais rien de toute manière.

— Merci, de m’avoir sauvé. Encore.

 Clara eut un sourire fugace.

— J’ai une dette.

— Envers qui ?

— Envers les Dieux, me répondit-elle simplement.

No account yet? Register

2 Commentaires
Commentaires en ligne
Afficher tous les commentaires
bbbbbbb ccccccccccccc
bbbbbbb ccccccccccccc
2 années il y a

Très original, métamorphose vue par qui la subit.
J’aime bien ces deux personnages.
Bravo Helena!

bbbbbbb ccccccccccccc
bbbbbbb ccccccccccccc
2 années il y a

Serena, oups!

Lire

Plonge dans un océan de mots, explore des mondes imaginaires et découvre des histoires captivantes qui éveilleront ton esprit. Laisse la magie des pages t’emporter vers des horizons infinis de connaissances et d’émotions.

Écrire

Libère ta créativité, exprime tes pensées les plus profondes et donne vie à tes idées. Avec WikiPen, ta plume devient une baguette magique, te permettant de créer des univers uniques et de partager ta voix avec le monde.

Intéragir

Connecte-toi avec une communauté de passionnés, échange des idées, reçois des commentaires constructifs et partage tes impressions.

2
0
Exprimez-vous dans les commentairesx