C’est encore une fois le printemps. Et une fois encore, deux vieux piétons au cul large ne devraient pas tarder à s’engager dans la rue Carnot, en sens interdit. Comme toujours.
Snobant les regards ragoteurs, lui, vêtu d’un blazer à petits carreaux et d’une casquette cuite par le soleil, enchaîne de trop grands pas pour son âge. Elle, une vue à sec, ses yeux raclent le sol, la trouille de trébucher sur un faux pas qui la titularise loin derrière Constantin.
– Alphonsine, qu’est-ce tu fous ? Dépêche-toi ! Une rengaine à gifler. Qui résiste depuis que le couple se donne rendez-vous l’après-midi sur un banc public, place de la mairie. Amants ratés d’hier, paire d’amis aujourd’hui, elle et lui savent qu’une boussole temporelle les presse vers le cimetière Saint-Jean.
– Demain, qui sait, tu dégageras avant moi, badine Constantin en ralentissant devant la grille de tous les repos.
– Te plains pas, pour une fois, tu fermeras la marche, enchaîne Alphonsine sur un ton écrasé.
– Alphonsine ?… Alphonsine, t’es passée où ?… Alphonsine !