Le Conte de la Sorcière des Bois 31. Cœur offert

20 mins

Neuvième acte de l’arc d’Ëjj le semi-elfe. On approche de la conclusion 🙂

Bonne lecture !

On aurait dit que l’hiver lui-même avait gelé. Le ciel, rétracté sous un manteau noir, ne crachait plus que des flocons de cendres. Un brouillard grisâtre enveloppait le bois, retenant captifs les sons, murmures et agonies, prières et sanglots.

Et au milieu de ce paysage figé dans une mort léthargique avançait une troupe hétéroclite. Gourdin en main, Ëjj le Sourcier marchait avec la détermination de celui qui n’a plus rien à perdre. Les deux Rats Chevelus flanquaient de concert, attentifs au moindre bruit suspect ou mouvement furtif. Niu fermait la file tandis que Nellis guidait les fous vers l’asile de leur démence collective. Ses cheveux de soie d’araignée semblaient avoir encore blanchis. Des rides s’étaient creusées depuis ces trois derniers jours qui avaient vu son univers s’effondrer.

Un visage la hantait.

Un à un, Jilam les avait embrassés, terminant par elle dans un langoureux baiser au goût d’adieu. Il lui avait tenu la manche, espérant peut-être que cela suffirait à retenir le temps. La sorcière avait plongé dans ce regard, et son reflet qui l’observait au travers des anneaux noisette. L’image d’un fantôme, froid et intangible.

L’un de ses cœurs battait pour faire demi-tour et aller le retrouver, obligeant le second à cogner d’autant plus fort pour puiser le sang-froid de continuer. La tête lui tournait atrocement. Elle sentait ses pouvoirs s’effriter à chaque pas marqué dans cette neige cendrée. Chaque bouffée d’air expirée emportait son lot de souvenirs, verre brisé, broyé en sable émietté au vent que Niu dirigeait. Maîtrise dont la sorcière avait été fortement surprise, et un peu vexée. Qui aurait songé que cette pipelette intraitable savait garder des secrets ? Mais pouvait-elle seulement lui en vouloir ? Non. Bien sûr que non. Des secrets, elle en collectait à la pelle, de quoi combler les océans.

Nellis n’avait jamais vraiment songé à sa propre fin. Le visage de la faucheuse avait toujours été celui d’un spectre lointain, ride éphémère à la surface d’un tissu d’infinité. Les immortels ne songeaient à la mort que lorsqu’ils étaient prêts à l’accueillir en amie, amie venue les délivrer d’une vie devenue trop encombrée et encombrante. Une existence ne leur apportant plus rien si ce n’est du chagrin, évidé de sa substance tel un fruit dont il ne reste que la peau pourrissante. L’immortel n’est pas l’esprit qui ne meurt jamais, mais au contraire celui qui choisit quand mourir viendra. L’immortel s’affranchit de la soumission à la mort. Les cœurs, en chœur, cessent de battre, le sang se fige, le corps se disloque dans la terre, libérant l’esprit captif qui à son tour se dilue en éclats, puis en grains, ingérés par les vers et les racines. Ainsi s’écoule le cycle du monde, pareil au courant d’une rivière sans amont ni aval, dont l’embouchure est aussi la source.

Je comprends mieux Jilam à présent. En cet instant, la mort n’était plus pour l’enfant ancien un vague miroitement confondu avec un mirage. Elle la regardait pleinement dans les yeux, les moindres traits de son visage dessinés. Ce visage, c’était le sien. Sa jumelle se tenait face à elle, aussi droite et fière qu’elle se courbait, frissonnante de la tête aux pieds. Comment les mortels peuvent-ils vivre ainsi ? Comment fait Jilam ? Ma seule envie : aller me couler dans un trou en priant qu’elle m’oublie. Pas étonnant que les humains soient si bigots. Elle regrettait, désormais, de les avoir aussi durement jugées, ces créatures éphémères, embryons de papillons, au cœur plus fragile qu’une noix dépourvue de coquille. Il est facile de donner un sens profond à sa fin quand celle-ci n’est que feinte, souvenir d’un avenir égaré dans les tréfonds. Sagesse. Acceptation. De bien belles pensées pour ceux qui sont déjà vieux et ne rêvent que de sommeil.

Désormais, aujourd’hui, tout de suite, sur-le-champ, ici, maintenant ; le présent, futur en devenir, passé déjà oublié. Sagesse de l’esprit qui se pense déjà mort. Folie du vivant. Quelle idée saugrenue m’a assommée pour que je songe à me sacrifier sur un coup de tête ? Mourir. Bientôt. Dans une heure ? Un jour ? Un an ? Peu importe. Trépasser demain. Périr dès maintenant. Pffff. Nellis, t’es rien qu’une idiote.

Histoire de se ressaisir, de ne pas flancher, la sorcière jeta un coup d’œil aux autres idiots qu’elle avait embarqués dans cette démente aventure. Sacrifice héroïque ? Suicide collectif. Les regards se croisèrent. Mêmes lueurs d’épiphanie. Résiliation ? Résignation.

Nellis serra la fiole qu’elle portait en pendentif.

─ La sève du Premier-Né, lui avait confiée la Gardienne. Elle vous protègera des essaims noirs.

Sa mémoire retraçait les rides de momie se forger en sourire forcé d’encouragement. Elle imaginait la volonté puisée par son ennemie pour lui remettre, à elle, trésor si inestimable. Un certain respect pour l’ancienne était né de cet ultime entretien. Respect naissant qu’elle soupçonnait mutuel. Chacune avait mis de côté ses ressentiments et lié leur destin l’une à l’autre, pour l’avenir du bois qu’elles chérissaient, peut-être pas d’ardeur égale ni de même façon, mais avec une force qui les surprenait sans doute toutes deux.

Pourtant, Nellis avait toujours détesté cet endroit, comme on l’avait honnie à la seconde où elle s’y était implantée. Seuls deux liens la rattachaient à ce bourbier hostile, et l’un des deux s’était éteint. Le deuil pesait lourd dans le cœur qui souhaitait partir au loin, Jilam dans les bagages, vers une nouvelle vie. Une vie où la mort redeviendrait mirage… Une vie… à la mémoire saccagée par les regrets.

Un jour, j’ai juré de transformer le bois tout entier en brasier. Aujourd’hui, je m’en vais en martyr pour le sauver. Il n’était pas difficile de savoir ce qui l’avait changée. Bon sang de troll, Nellis, ma vieille, t’es vraiment devenue un cœur de fée. Plus sentimentale, tu meurs… Ça tombe bien.

En parlant de bourbier…

─ ARG ! C-c’est quoi c-cette p-p-puanteur ?

─ Silence, gros plein de viande ! Tu vas nous faire repérer.

─ Ils savent déjà que nous sommes là.

La voix de Nellis avait sonné comme le dernier gong. Les esprits se dévisagèrent, puis avancèrent.

La source de pestilence ne tarda pas à se révéler.

─ C’est ici ? interrogea Niu.

─ La baguette est formelle, affirma Ëjj.

Dans sa main, la badine taillée de peau-de-fer tremblait comme possédée. Devant eux s’étendait à perte de vue – très limitée – un marécage aux allures de royaume funeste, vestige du passé corrompu par la barbarie présente. Saules, frênes et peupliers, tordus de douleur, pataugeaient dans des nappes d’eau souillée évoquant des mares d’huile. Aux branches écorchées pendaient de longues nattes brunes d’écorce. La pourriture imprégnait chaque pore du paysage macabre grignoté par les ombres. Tableau pathétique d’une Nature à l’agonie. Pas un soupçon de bruit aux environs. Ni mouches ni moustiques à l’horizon. Rien que le vent et le silence.

Nellis posa sa main contre le tronc d’un saule pleureur, plutôt semblable à une grosse souche grise biscornue dévorée puis recrachée par le feu.

─ Il est infecté. Les larves noires ont déjà rongé son cœur.

Brume mêlée de cendres, suspendue au-dessus des flaques de poix. Une étincelle et le paysage s’embrase.

─ Camarades, gentes demoifolles et damoifous, bienvenus au bout du monde, là où tous ses déchets tombent ! s’exclama Reyn la Rouge sur un rire cinglant.

─ Autant dire que tu es chez toi, la railla Niu, dont le ton n’évoquait en rien la légèreté.

─ Silence ! clama la sorcière.

Tout le monde tendit l’oreille. Au travers du boucan des insectes se discernaient… des feulements.

La troupe s’enfonça dans le marécage, l’eau poisseuse leur montant jusqu’aux cuisses – à la jointure des genoux pour Bagon. La baguette de sourcier s’agitait tellement que ses soubresauts se propageaient à son porteur. Ëjj ressemblait ainsi à une énorme puce d’eau. La sorcière tâcha d’écraser les énormes fourmis qui lui dévoraient vertèbres et muscles, sans beaucoup de succès. L’essentiel de son énergie fébrile, elle le concentrait à maintenir le mince fil la reliant au monde des esprits. Filin ballotté par les courants de magie détraqués. Effort inconcevable, même pour elle.

On les entendit d’abord. Bagon, du haut de sa carcasse, fut le premier à les apercevoir. Ses globes d’un blanc laiteux, déjà volumineux, s’écarquillèrent encore jusqu’à englober la moitié de son crâne. Genoux tremblants, son bras gigoteur brandit sa lance-faux à l’encontre du bosquet spectral.

─ T-t-te-gu-da…

Il avait raison. Aucun mot ne pouvait décrire ce que tous pouvaient désormais voir. Nellis se remémora le vieux chêne, sa pauvre souche dépiautée jusqu’à la sève. L’essaim violant son cadavre. Des peupliers, frênes et saules ne restaient rien sinon les silhouettes, reproduites à l’identique par les masses grouillantes d’abdomens, pattes, queues, ailes et mandibules noires aux yeux de sang. Vagues formes d’insectes, ni vivants ni esprits. Le Néant fait corps.

Le son ne saurait être davantage décrit que l’image. Vrombissement parsemé d’infâmes bruits de succion et de caquètements stridents intensifiés au niveau de cent ouragans. Afin d’épargner leur raison, Nellis créa une bulle d’isolement autour de ses compagnons et elle.

─ Le merci sorcière, la gratifia la reine des Rats, les oreilles saignantes.

─ Maintenant, plus qu’à prier le Premier-Né que sa sève ne soit pas trop sèche, déclara Ëjj, dont l’inconfort paraissait à peine moindre que celui des autres.

La sorcière serra la fiole contre sa poitrine, plus fortement que les deux cents précédentes occasions, mais c’était Jilam qu’elle priait. S’il te plaît, donne-moi la force.

Ils avancèrent, à pas de loup, entre les tourbières, souffles retenus, attentifs à ne pas égarer leurs jambes dans les creusets, œil de travers rivé sur l’essaim ténébreux. L’abominable forêt n’en finissait plus. À chaque recul de la brume, d’autres arbres fantômes se matérialisaient. Tous commencèrent à songer qu’ils étaient peut-être en plein cauchemar, et qu’arrêter de respirer suffirait à les réveiller.

Au sein du groupe, le plus terrifié était sans aucun doute Bagon. Le semi-troll, en dépit de son imposante carrure, tremblait davantage que la baguette de sourcier. Sa couenne d’ébène pâlissait à vue d’œil, tel un charbon chauffé à blanc. Associée à ses globes injectés de sang repeints d’un bleu irréel, l’ensemble lui conférait l’aspect d’un esprit céleste. La puissance entrechoquée de ses mâchoires, habituées à fendre les os pour en aspirer la moelle, avait fendu la moitié de ses dents. Et ses poings, si crispés sur la hampe de son arme que le bois gémissait. Les tentatives de Niu pour le rassurer se trouvaient systématiquement sabotées par Reyn et son dénuement total en matière de tact.

Ce qui devait advenir arriva. Ayant touché le point de rupture, Bagon sombra dans une violente crise de panique. Son cri perturba la litanie infernale de l’essaim qui s’ébranla en une nuée démente pour former un monstre vrombissant qui avala la faible lumière rescapée, plongeant la sorcière et son bataillon dans l’obscurité pure. La bulle phonique ne suffisait pas à couvrir le vacarme d’effroi et de terreur déchaînés malgré les efforts de Nellis pour renforcer son étanchéité. Elle s’effondra, faute de genoux pour soutenir son corps convulsé, toute sensation évanouie. Seule continuait de battre la douleur cuisante déchirant en lambeaux son cerveau. Enfermée dans cette bulle de torture, têtard flottant dans le vide. Seule. Le monde… effacé. Comme sa mémoire. Son identité.

Quelque chose se brisa. Carapace fendue, rompue, gerbe d’éclats. La lumière, soudain, réapparut, langue d’aurore verte, et avec elle, les sens, un à un, moins le sixième. La douleur s’atténua. L’esprit de la sorcière retrouva son corps égaré avec ses pensées. Elle se rappelait qui elle était. Son regard se pencha et aperçut les morceaux de bois de verre reposant dans une flaque de jade fondu ; puis se leva en direction d’une colonne de lumière dressée juste au-dessus d’elle. Imprégné des feux du soleil, l’étincelant pilier prenait l’aspect d’une gigantesque lance d’ambre éventrant l’ombre et les nuages. Ou plutôt, il s’agissait du spectre d’un chêne aux proportions divines, dont le berceau des racines retenaient les vivants.

Les dieux anciens, honteux de leur crime, saluaient le dernier sang coulé du Premier-Né, eux, coupables d’avoir versé le premier. À leur mémoire étaient remontés des vœux, prononcés autrefois et depuis mille fois oubliés. Tyrans renversés, ils se redressaient désormais, dans leur ancien titre : celui de défenseurs du bois. Les veilleurs aux lanternes éteintes venaient de rallumer la flamme. Leurs feux unis décimèrent l’essaim monstrueux dont l’essence fondue s’en alla rejoindre son berceau de vide.

Les regards se croisèrent, hagards face à l’incongru, avant de se fixer sur Bagon, silhouette concassée bleue sur blanc.

─ P-p-pas ma faute. P-p-peur bleue d-d-des ins-s-sectes.

Un pouffement s’échappa d’une gorge, se répercuta aux autres, et l’orage gonflé se déchargea dans un torrent de rires aussi bien décalés qu’absurdes.

Nos cinq clowns, terreux des orteils aux aisselles, cinq arbustes tordus et tordants plantés désormais au milieu d’une plaine de néant figé. Envolés les arbres fantômes. L’unique végétation résidait dans les tourbières et les îlots de champignons flottant sur une mer infinie de fange pataugeant sur son limon d’immondices. Tourbillons épars de brouillard fumeux aux odeurs de pet mouillé. Les esprits malins défilaient en ignorant les vivants égarés, trop occupés à leur jeu tels des écoliers s’amusant dans la bouillasse.

Nellis ouvrit la main et un orbe doré naquit au creux de sa paume. Elle le lança comme on lance une simple balle. La boule luminescente se suspendit dans l’air gelé ; le vent avait déguerpi. La sorcière pointa la direction indiquée par la lanterne.

─ Là-bas s’ouvre le territoire des démons. Vous voyez cette ombre au loin ?

─ On dirait un gros rocher, dit Reyn, cheveux tout crottés et tresses défaites.

─ C’est le Dolmen aux Aconits, intervint Niu, la symphonie de sa voix envolée avec le vent. Aux temps anciens, les dieux souterrains s’y rassemblaient pour diriger des sacrifices…

─ … Jusqu’à ce que les dieux du bois les défassent et les exilent définitivement sous terre, poursuivit Nellis dont le regard fiévreux se porta sur Ëjj, détrempé de sueur comme une souche. Que dit ta baguette, sourcier ?

─ C’est là notre destination, vaillants compagnons, proclama le semi-elfe, d’un entrain qui trahissait sa nature factice.

Nellis inspecta un à un les visages fendus, véritables boules de cristal révélant la moindre pensée s’agitant derrière ces regards inertes.

─ Pour ceux qui veulent, il est encore temps de reculer. Personne ne vous en voudra. Réfléchissez-bien.

Une partie d’elle se sentait coupable de les avoir conduits dans cet enfer sans nom. Une autre se rassurait de les savoir à ses côtés. Elle attendit, appréhendant les deux décisions. Personne ne broncha. Une vague d’hésitation souleva Bagon, aussitôt effacée par un ressac de bravoure trollesque. La sorcière laissa échapper un soupir ; de soulagement ou de chagrin ? Elle n’aurait su le dire.

─ Très bien. Dans ce cas, quelqu’un a-t-il une dernière parole inspirée ?

Silence. Pesant. Tordant. Désuet.

Une bouche s’ouvrit.

─ Putain de bois !

Tous se tournèrent vers Reyn la Rouge, titrée reine des Rats et langue de fouine, et acquiescèrent à ses mots princiers.

Niu, dotée de la meilleure ouïe, les repéra la première. Chuintements épars. Rides à la surface de l’eau. Frottements. Bientôt, des lucioles rouges émergèrent du voile opaque. Trois, six, douze, vingt, trente… Trop pour être comptées. Elles orbitaient autour de la troupe d’immortels. Les mille et un yeux de la mort, songea Nellis. Les feux follets se fixèrent à des ombres aux formes abstraites qui s’affinèrent jusqu’à dessiner des silhouettes élancées terminées par un long fouet.

La meute eut tôt fait de les encercler, mais à aucun moment ne fit mine de les attaquer. Elles voulaient d’abord laisser grimper la peur comme on fume une viande, saliver de son odeur tout en laissant la chair s’imprégner de son entêtante saveur. Les panthères d’érèbe s’écartaient en vagues disciplinées sur le passage des cinq carcasses de sang bouillant, agencées en étoile, Nellis à l’avant, les Rats flanquant et les deux amants à l’arrière, leur formation dessinant l’œil au cœur d’un cyclone ténébreux et d’éclairs écarlates. L’ombre aperçue au loin se tenait juste devant eux, à moins d’une centaine de pas, vision sinistre croissant en taille comme en malfaisance à mesure de leur approche. La roche noire, tapissée des aconits à l’origine de son funeste nom, jurait de les engloutir un à un.

La table du dolmen, légèrement penchée, supportait le poids d’une engeance massive. Les panthères d’érèbe nichées sur les pieds porteurs offraient l’allure de rejetons en comparaison. L’ignoble et effroyable créature arborait également trois yeux rubis encastrés par-dessus une gueule de baleine, laquelle s’ouvrit à leur approche. Le râle qui s’en échappa les gela net sur place. L’haleine infecte se logea dans leurs gorges, étranglant leurs respirations. La sorcière suffoqua plusieurs secondes avant de parvenir à libérer ses poumons et aspira une bouffée, bienvenue bien qu’infecte. Elle toussa, se ressaisit.

Voilà donc la fameuse Mère. Pour sûr, difficile d’imaginer pire source de terreur. Les panthères d’érèbe comptaient parmi les plus atroces calamités qu’ait engendrées ce monde. Progénitures du Néant même, créées à partir de ses entrailles vides, elles ne projetaient pas le moindre éclat de vitalité ni le plus infime courant d’énergie spiritique. La Mère, l’unique véritable conscience de la meute, malgré son imposant effroi, respirait l’immatériel et n’émettait aucune aura de réel sinon la peur tangible qui empoignait en cet instant les deux cœurs de Nellis.

En sa présence, la sorcière ne se sentait plus seulement nue, mais écorchée jusqu’à l’os. Ses muscles atrophiés pendaient à ses articulations changées en craie. En s’essayant à la projection de pensées, elle se heurta à un épais mur d’acier qui la refroidit aussitôt. Le troisième œil de la Mère, deux fois plus gros et rougeoyant que les deux normaux, telle une ignoble sangsue, était rivé sur elle, son pouvoir l’immobilisant. Captive de cet éternel brasier, Nellis se ramassa, plus fragile qu’une souris. Elle sentait déjà les crocs du maman chat se refermer sur sa frêle carcasse de chair calcinée.

Ses compagnons n’en menaient pas plus long. Bagon s’était ratatiné au point de se confondre avec un gnome qui aurait vécu une mauvaise rencontre avec un brasero. La fierté inconvenante de Reyn ne résidait plus que dans le mince rictus tracé par ses lèvres, rougies à sang sous les coups de dents. Niu avait planté ses griffes dans le bras en tronc d’Ëjj, insensible aux plaies taillées, son propre poing serrant avec une ferveur fanatique le manche de Peau-de-fer.

Le temps, figé, s’écoula de nouveau, brutalement, pareil à un torrent furieux après l’effondrement d’un barrage. Le pouvoir de la sorcière, enfoui sous des couches de nervures, s’éveilla en un sursaut. Une pointe fut forgée à partir du tissu de magie rescapé des griffes du néant. Tout se déroula en moins d’un battement d’ailes de papillon. Le clou blanc fila tel un dard sur la Mère, droit vers son troisième œil. Une fraction d’éclair. D’un ballet de queue vif, le clou s’envola loin de sa cible avant de se dématérialiser.

Les panthères d’érèbe plongèrent comme une seule sous les ordres de leur mère, griffes tendues et gueules rugissantes de vengeance. Peau-de-fer balaya l’air embrasé. Plusieurs engeances s’envolèrent à travers la tourbière. Du bourbier surgit un géant, rien qu’un troll, à demi, mais non moins terrifiant. La lame, aiguisée à cœur, de sa grande faux fusait comme les éclairs entre les nuées. Feulements fondus en fumées folles de fureur. Aussitôt dispersées, aussitôt rassemblées en nouvelles panthères, identiques, en aspect et en esprit. Esprits confondus en un seul : celui de la Mère, maîtresse de la meute, manipulatrice absolue du mental.

Une créature sauta dans le dos d’Ëjj. Un poignard, apparu de nulle part, transperça la gueule feulante qui se dispersa dans un tourbillon fumant. Le semi-elfe se retourna pour découvrir Niu, le visage de nymphe transfiguré par un rire de démone. Il n’en croyait pas ses yeux. Qu’était-il arrivé à sa princesse adorée ?

─ Pas le temps de mâter ! Regarde devant toi ! lui hurla l’elfe ensorcelée par la déesse Carnage.

Il se détourna, du bout du bras, brandit son gourdin…

─ Allons, Peau-de-fer, où sont passées tes manières ? Viens donc dire bonjour à ces dames !

… et fendit le poil noir hérissé bondissant sur lui.

─ HO-HO !! Vous connaissez cette histoire qui fait RON-RON ?!!

─ Bagou, je crois qu’on tient le bon bout ! s’écria Reyn, dos-à-dos au semi-troll, une farandole de chats autour d’eux, à la queue leu leu en attente de se la faire tirer ; façon Reyn ou façon Bagon ? Au choix.

Nellis, de son côté, œuvrait de son mieux pour protéger chacun d’eux, écartant griffes et crocs, tout en se gardant elle-même du danger. La Mère, depuis sa loge, se délectait de la scène, nonchalante, presqu’ennuyée. Cette viande gesticulante ne valait ni le temps ni l’effort consacré à la découper. Barbaque trop coriace. La sorcière enrageait face à pareil dédain. Voilà tout ce que l’ennemi accordait à leur sacrifice ? De tous ses cœurs, elle désirait crever cet abcès humiliant. Hélas, les panthères d’érèbe s’érigeaient en barrière inexpugnable lui interdisant tout accès à moins de cent pas. Elle n’avait eu qu’une occasion et elle l’avait gâchée par sa lenteur de limace ; et à cause d’elle, ils allaient tous y passer.

De justesse, Nellis dressa un mur de vent sur sa droite. Toc-toc. Qui est là ? Gueule noire salivante fracassée contre la surface d’air. Le mur, mué en tornade, dépiauta la carcasse de vide qui éclata en fumeroles obscures. D’une parade instinctive, la sorcière évita un coup de patte sabré. Elle glissa sur un tapis fangeux, se redressa, roulade de côté, virevolte, natte de cheveux défaite, éparpillée aux vents du combat, vents lacérés d’une main, griffes matérialisées en faux coupant l’herbe sous la patte et la patte avec. Le tout sans une goutte de sang versé. Les fumées sombres s’agitaient au sein de la grise plaine marécageuse avant de se cristalliser pour ensuite se dissoudre de nouveau. Et ce ballet s’enchaîna, continu, ininterrompu.

Toutes les panthères d’érèbe semblaient s’être rassemblées dans les marais, au pied du Dolmen aux Aconits, formant désormais une armée de centaines de gueules feulantes agglutinées autour de cinq malheureux esprits réduits à leur seul instinct animal. Nellis, dépassée, s’épuisait à jouer le bouclier d’autrui, forcée en même temps de se défendre des griffes au mortel poison, queues-fouets et autres crocs malodorants. La Mère, maligne, dirigeait dorénavant son attention sur elle. Cernée, isolée, la sorcière dut se résoudre à abandonner les autres à leurs seuls atouts.

Le corps de Bagon était plus tailladé qu’un tronc après le passage d’une volée de piverts. Il manquait deux doigts à sa main droite et son œil gauche, emporté par une balafre découpant son visage en deux jusqu’au menton. De son mieux, il essayait de protéger Reyn, dont l’épuisement se discernait nettement à ses genoux flanchants et au fait qu’elle usait de sa lance comme d’une canne quand elle ne frappait pas. Un filet nourri de sang vert suintait le long de son mollet. Plus loin, Ëjj et Niu ne tenaient guère meilleure posture. La dame, grimpée sur les épaules de son prince, défendait de sa dernière dague au fil râpé les fesses de son amant, lequel, en dépit de la fatigue et de la multiplication des blessures, continuait d’agiter Peau-de-fer avec la hargne d’un colosse ivre.

Et là, au firmament de la bataille, alors que tous ses sens survivants auraient dû se concentrer sur le moyen d’abattre l’ennemi avant que s’enfuisse l’ultime espoir, Nellis ne pensait qu’à une seule chose : retrouver Jilam, et Mú, et Mousse-qui-pique. L’idée lui vint de se transformer en chouette et voler loin de ce champ de mort. Pensée fugace écrasée par la vision de ses compagnons d’arme, cœurs vaillants, dévoués au sacrifice dans les bras duquel elle les avait elle-même poussés sans regrets. Elle ne pouvait pas, non, sa fierté ne pouvait se résoudre à les abandonner.

Son regard errant rencontra celui somnolant de la Mère. Une haine remonta à travers ses chairs, tranchant les derniers liens qui la retenaient à la vie et ses désirs. Emportée par ce sentiment, nourrie, dévorée, elle tomba dans les bras tentaculaires du Néant, roi en sa conquête. Aveugle, elle ne vit pas la panthère se ruer, mais la sentant, ne chercha non plus à l’éviter. Un vent de panique transperça les cœurs quand les autres virent leur unique lueur de victoire chuter avant de disparaître, avalé par une marée feulante. Les cris se noyèrent dans la bile et le sang, et les rugissements triomphants.

Nellis était allongée dans une flaque, ses sens étouffés par une masse gargantuesque, insensible aux larmes de terreur. Au bord de l’inconscience, elle brandit le bras telle une lame, et de ses puissantes griffes capables d’écorcher un hériphant, éventra l’abdomen de l’engeance en train de la piétiner. Son bras entier, elle le plongea dans une poitrine dévorée par les larves noires, bouillon infâme, néanmoins gorgé d’énergie pure, cette énergie à l’origine du monde, capable d’en forger un million et d’en consumer autant. Cette puissance, c’était celle du vide, duquel émerge le réel. Un amont de désir, création et destruction entremêlées en un cycle brisé, source du chaos qui régit l’Univers.

La sorcière savait son incapacité à soutenir pareil déluge de forces élémentaires, ce malgré cette volonté que tous lui enviaient. L’une comme l’autre allait être dévorée, digérée dans le grand maelström. Pour se sauver, un sacrifice de chair et d’âme devait être accompli. Sa main libre creusa dans sa propre poitrine, à travers le thorax, transformé en cage de poussière sous les rafales démentielles imbriquées d’amas tranchants, plongea jusqu’au diaphragme, remonta le poumon gauche, saisit le cœur en émoi, serra, tira fort, hurla de sa voix éteinte par la tempête, tira encore, hurla derechef, jusqu’à arracher l’organe palpitant de terreur avant de le jeter en pâture aux larves morfales. L’offrande accomplie, la sorcière sentit un torrent incommensurable la remplir. Elle crut se noyer, puis comprit que l’air lui était devenu inutile. D’un élan, simple en proportions comparées, elle venait de recevoir le don du démiurge et destructeur.

Un choc sourd. Comme une poussée. Elle se retrouva subitement à chuter des confins du ciel.

Allongée dans la fange, Nellis ressentit en tout premier lieu le vide abyssal né de son cœur sacrifié. Son corps, gelé jusqu’aux bouts des griffes, lui paraissait soudain deux fois plus pesant, le mouvoir quatre fois plus épuisant. Le courant de ses pensées s’écoulait au ralenti, comme sous l’effet d’une intense gravité. Le tenaillait l’envie harassante de se laisser aller et de fermer les yeux.

Sa conscience s’éveilla aux râles et feulements, éclats de voix et rugissements. Des bras la secouèrent. Un visage flou s’agitait devant elle, vomissant des sons incompréhensibles.

Fichez la paix… Dormir.

─ NELLIS !!! WHOOO SORCIÈRE !!! PAS LE MOMENT DE ROUPILLER !!! WHOOOO !!!!!

L’atroce vacarme plantait d’énormes clous dans son crâne. Elle sentit son corps se réchauffer, au point de bouillir. Elle crut un instant qu’on la jetait dans la gueule d’un volcan. Tout ce que son ventre gardait, elle la sorcière le rendit sur les doigts verts. Aussitôt se répandit un déluge d’insanités.

─ L-l-l-laisse tomb-b-b-bez, cheffe !

─ M’est avis que son cerveau a complètement grillé !

─ Nuit, attention !

─ Aj, qu’est-ce tu glandes, fais gaffe !

─ WHOOOO !!!!! AGITE TES MICHES, MÈCHES BLANCHES !!!!

La main verte décocha une puissante baffe qui fit voler lesdites mèches blanches. Le nez en sang, la sorcière loucha sur le visage au masque de crasse et de sang percé de pupilles de jais embrasées.

─ R-Reyn ? bégaya-t-elle d’une voix éteinte, à peine audible.

─ Merdebois ! Bagon bis, plante tes fesses sur tes cuisses et déride-moi cette trogne !

Nellis balaya d’un œil confus la plaine fangeuse et son siphon de brume. Une mer obscure la recouvrait jusqu’où perçaient ses yeux de chouette. Une montagne surmontait les flots ténébreux. Non. Pas une montagne. Un dolmen. Et sur ce dolmen se tenait sa cible. La mémoire lui revint.

Du vide intérieur qui l’avait abattue, elle puisa l’énergie, une force inconcevable pour le commun des vivants, un pouvoir dépassant le monde des esprits et celui des dieux réunis, dérobé dans le berceau de la création. À partir du Néant, la sorcière se mit à créer.

Les faces transfigurées de Niu, Ëjj, Reyn et Bagon s’écarquillèrent, aussi hébétées que si un esprit chapardeur leur avait dérobé la cervelle. Les légions de panthères d’érèbe, qui un instant plus tôt enveloppaient la plaine telle une pelisse fuligineuse, s’évaporèrent soudain en un claquement de griffes. Les essaims de fumeroles noires se condensèrent ensuite en un immense nuage plus sombre que nuit sans lune couvrant plusieurs lieues à la ronde. La nuée gargantuesque se hissa au-dessus du Dolmen aux Aconits.

La Mère, désormais dressée sur ses lourdes pattes et aux aguets, poussa un puissant feulement à l’encontre de la sorcière dont les yeux avaient été avalés par l’abîme. Sa queue démesurée trancha sauvagement les vents chaotiques. Elle bondit. Nos quatre braves guerriers s’enfuirent en toute hâte pour ne pas finir en galettes. Nellis, seule, ne bougea pas d’un sourcil. La Mère lâcha un rugissement à faire fondre les oreilles du soleil. Mais avant qu’elle n’atteigne le sol, sa forme monstrueuse se disloqua, dissipée en un globe d’obscure fumée qui alla ensuite se fondre dans le nuage colossal. L’amas orageux, prêt à imploser, se contracta alors, comme sous la pression d’énormes poings, rétréci jusqu’au stade de sphère pas plus grosse qu’une balle de jeu, que la sorcière tenait nonchalamment dans le creux de sa paume. Du gouffre de ses deux abîmes, elle l’observa un moment à la façon d’une enfant curieuse. Ses camarades l’observaient faire, orbites écartées jusqu’au front, bouche bée jusqu’au menton et oreilles bouchées jusqu’au trognon. Alors, sans crier garde, elle lâcha négligemment la balle de noirceur et, du pied, sans distinction, la planta dans la tourbière, sous le Dolmen aux Aconits. Retour à l’envoyeur. Merci pour le don mais sans façon.

Nellis demeura longtemps figée dans l’ombre du monument maudit. Personne n’osait s’approcher. Au bout d’un moment, elle se retourna, l’air vague, indiscernable, et après un battement égaré, avança en direction des quatre silhouettes. Celles-ci reculaient d’un pas à chacun des siens, la peur au ventre, le regard vissé aux orbites rongées par le vide.

─ Q-q-q-que… q-qu’est-ce q-q-qu’elle a ?

─ J’en ai aucune foutraille d’idée, mais ça s’annonce pas jojo !

Niu osa un pas en avant tandis que Bagon trébuchait bruyamment dans une flaque.

─ Nellis, chérie ? C’est moi, Niu. Tu te souviens ?

Non, de toute évidence, Nellis ne se souvenait de rien. Était-ce encore seulement Nellis face à eux ?

─ Essaie encore, ma princesse, encouragea Ëjj qui s’approcha à son tour.

─ Nellis ? Tu m’entends ? Tu as fait du très beau travail. Et si on rentrait maintenant, hmm ? Jilam doit s’inquiéter. Tu sais, Jilam, ton mari. Et puis il y a Mú, et Mousse. Tu te souviens d’eux, pas vrai ? Ne joue pas avec moi.

La sorcière s’arrêta, ouvrit lentement la bouche. L’espoir de tous les cœurs présents se suspendit à ses lèvres. Le son qui en sortit n’était pas tissé de mots, ni ne transparaissait un soupçon du timbre de Nellis, de son autorité familière. C’était un cri, enragé et dérangé, terrifiant et terrifié, puisé dans les tréfonds des entrailles terrestres et craché par la gorge du ciel. Un cri à faire s’effondrer les montagnes. Un cri à fendre les continents et à faire bouillir les océans. Un cri capable d’évaporer la sève des arbres et d’éclater le cœur des bêtes. Un cri inépuisable. Le hurlement d’un abysse inconcevable. Les tourments d’une vie qui depuis toujours fut, condamnée à ne jamais s’achever. Déversés en torrents depuis les sources inépuisables, sanglots furieux inassouvis de rages et de ravages. Souvenirs enfouis dans la roche, sous une couche scintillante, puis une autre, et encore une autre, jusqu’au noyau qui relie les volcans.

La sorcière tomba à genoux. Le marécage autour d’elle se désagrégeait, tourbe par tourbe, un îlot fongueux après l’autre, et avec lui la réalité, retournant au miasme élémentaire de ses origines. Émergea alors, fendant le sol, une flamboyante tornade, pilier massif d’une voûte cosmique où toutes les lumières du monde se réunissaient en une unique, colossale aurore désincarnée.

Sous le dôme chancelant, à la surface brisée, cinq minces formes se dessinaient, brises fragiles. Reyn et Bagon s’étaient évanouis. Ëjj chancelait, aveugle et sourd. Seule Niu conservait pleine conscience. Nellis se tenait debout au centre d’un tourbillon d’éther, s’enfonçait vers l’abîme. Cheveux gris flottants, elle tendit un bras en l’air. Une supplique ?

La voûte chaotique s’arracha, avalée par le tourbillon dément, et avec elle la lumière du monde.

Un éclair mauve fendit soudain le ciel devenu vide. Un autre bleu. L’orage de couleurs embrasa la plaine fangeuse rescapée du goinfre Néant. Une lance écarlate frappa de plein fouet le Dolmen aux Aconits. La table, fondue en son milieu, se fendit en deux dans un hurlement désarticulé aux prises avec le silence dont les mâchoires en vinrent à l’engloutir.

Niu, au bord de sombrer, rampa, nagea jusqu’à son amie dont seule la maigre main noire dépassait du siphon bourbeux. Elle sentait sa chair se disloquer, ses pensées aspirées, sa conscience se défaire tel un nœud tiré. Douleur et terreur déchirant sa volonté épuisée, prête à lutter jusqu’à son dernier lambeau.

Dans un ultime élan, avant que les doigts muets ne disparaissent, une fraction d’instant avant que sa propre existence ne s’efface, l’elfe saisit la main froide, puis tira de toutes ses forces rescapées. Bien trop maigres. Le syphon s’apprêtaient à les engloutir toutes les deux quand un roc les happa hors de la gueule spiralée, vociférante. Elles s’écroulèrent sur un parterre de mousse morte, ventre d’un îlot au milieu d’un océan de ténèbres. Niu découvrit Ëjj, les traits noirs de moisissures. Il esquissa un sourire avant de sombrer.

Elle se pencha alors sur le visage éteint de la sorcière. Un soupir s’arracha à ses lèvres scellées. Bercée par le souffle de son amie, elle s’affala, sans manière ni distinction, parmi les champignons.

Le prochain chapitre sonnera la conclusion de cet arc…

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