Comment en suis-je arrivé là ?
C’est la question qui tourne dans mon crane depuis … combien de temps en fait ? Je ne m’en rappelle même plus …
Une nouvelle vague me submerge, plus forte que la précédente, me cachant un instant le ciel jusqu’à ce que mes yeux se libèrent du sel qui s’y est déposé.
Mes yeux … c’est la seule chose qui semble encore fonctionner dans mon corps …
Je plane ! Ça y est je comprends je suis en plein trip !
Whouuuuu … C’était de la bonneuuuuh … Je flotte !
Je flotte … je suis quand même très près de la réalité … mais je n’en ai pas conscience encore.
J’ai le mal de mer … Je vais gerber, je le sens …
Pour m’en sortir je dois remonter au début de tout ça …
Le mec derrière l’église avec sa mob … Oui c’est ça, c’est lui qui me l’a vendue ! C’est de la super qu’il m’a dit, la meilleure du coin.
J’en ai pris deux, juste avant d’aller à cette fiesta sur le parking à l’orée de la pinède. J’ai bu un peu … pas trop je voulais pouvoir en profiter, alors je suis me suis éloigné dans les pins, jusqu’à la rivière.
J’avais pas levé de meuf alors j’allais profiter seul de ma découverte. On ne peut pas fumer dans les bois mais un petit joint ça craint rien …
Je me suis adossé à un pin, bien assis dans ses épines, je l’ai allumé et j’ai tiré une petite bouffée …
Whaaaaa ! Le kif immédiat … les étoiles dans le ciel noir ont commencé à s’allonger, à s’étirer. Tout devenait irisé, magnifique …
J’ai repris une taffe, puis une autre … Les troncs des pins ondulaient devant moi et le léger glouglou de la rivière s’est transformé en un grondement de cascade …
Je transpire …
Mon cœur s’emballe …
Je gerbe … ou j’en ai la sensation …
Je me sens mal …
Le joint me brûle les doigts … la main … Je le lâche et regarde ma main, mon bras, des flammes y ondulent … Je ne sens rien.
Le feu se propage aux épines de pins et aux herbes sèches mais je ne suis pas en état de le comprendre, je sens juste que je dois me lever et aller jusqu’à la rivière pour me rafraîchir …
Je n’y arrive pas, le feu me recouvre en entier, tourne autour de mes pas, ronfle et gronde en partant à l’assaut des grands pins. Mais ça non plus je ne m’en rends pas vraiment compte sur le moment.
Je perds l’équilibre et tombe la tête la première dans la rivière …
Le courant est plus fort que ce que je ne pensais, l’eau m’entraîne en éraflant mon corps sur les cailloux …
Je tourne et me retourne au gré des flots, arrachant à chaque fois des lambeaux de chair mais la drogue m’a bien anesthésié, je ne ressens aucune douleur.
Le bruit augmente tout autant que la rapidité du flux … Une cascade ! J’arrive à un chute d’eau et je suis incapable de me retenir …
Et je chute … les pierres et les branches arrachent de nouveaux lambeaux de peau jusqu’au choc final où j’ai l’impression que tous mes os se brisent.
Et puis le calme …
Je flotte sur le dos, les yeux grands ouverts sur le ciel. Il n’y a plus d’étoiles, une brume noirâtre recouvre tout.
Le courant me retourne, la-haut où j’étais une lueur rougeâtre illumine tout, mais je m’en éloigne.
Je suis bien à part cette sensation de raideur dans tout mon corps, je ne parviens à remuer aucun muscle, seuls semblent vivants en moi, mes yeux.
Ils sont grands ouverts dans leurs orbites et mes paupières semblent refuser de se fermer. Heureusement que, par moment, l’eau vient les irriguer.
Mais cette fois ça pique de plus en plus … l’eau … l’eau est salée, la rivière m’a emmené à la mer au moment où j’ai commencé à me poser des questions …
Je flotte toujours, raide comme un tronc d’arbre desséché … Maintenant j’entends des cris, des bruits de moteurs … Je vois la plage avec des gens qui s’y agitent … et des centaines de lampes bleues.
Ça y est, les flics sont venus les déloger et ils vont tous être arrêtés … Mais moi ils ne m’auront pas.
Je plane toujours …
« Là, il y a un corps encore ! »
On m’arrache à l’eau, on me palpe … J’espère qu’ils ne vont pas retrouver mon second joint !
« Il est mort … Pauvre type, il a prit cher ! »
Nooooooon ! Je ne suis pas mort ! Je suis vivant, écoutez-moi …
On me glisse dans un sac plastique et on m’y enferme. Nooooooooonnn !
Je suis incapable de bouger pour montrer ma présence.
« Quel drame ! On n’aurait jamais du leur permettre de faire leur fête là-bas. Tu as vu ces dégâts ?
Plus d’une trentaines de morts, de nombreux brûlés graves et des jours encore pour éteindre cet incendie … »
Mais moi je ne suis pas mort, sortez-moi de là !!! C’est pas ma fauuuuuteuh !
« En es-tu bien certain ? »
La voix est doucereuse bien que un peu rauque, le regard est rouge comme le feu … et ces cornes … Un vrai démon … UN DEMON ?
Nooooooooon ! Je ne fumerai jamais plus ! Je le jure !
« Trop tard … »
La nature + le diable…
Ça c’est du châtiment ! 🙂