Chapitre 2

5 mins

    Quelques jours plus tard, une étrange effervescence avait gagné la milice. Un brouhaha constant émanait de la salle commune, dans laquelle presque tout le monde était réuni. A peine arrivé, Lizt se fit aborder par un supérieur.
« Je te cherchais, Lizt. Des afélas ont été repérés vers Obarlyn. Je sais que c’est en dehors de ta zone, mais presque tout le monde a été mobilisé par le gouverneur pour retrouver un individu suspect, et il n’y a plus personne pour s’occuper de cette requête. »
Le jeune homme acquiesça de la tête et se mit en route. En sortant, il entendit quelques bribes de conversation.
« Un espion d’Ystria ? Ici ?…
–    …fouiner à la taverne…
–    …des cheveux roux…
–    …typique des gens de l’est… »
    Gaerwyn était en guerre avec Ystria, la ville principale de l’est de la région, depuis aussi longtemps qu’on s’en souvienne. Le plus gros du conflit se déroulait au centre du pays, aux alentours d’une ville du nom d’Amest. Il était donc possible de vivre une vie entière sans jamais voir ni entendre un seul combat. Cependant, les tensions restaient palpables, et presque tout le monde à Gaerwyn craignait l’envahisseur Ystrien. Il n’était donc pas surprenant que la milice entière soit mobilisée de temps à autre pour appréhender un étranger ou quelqu’un de suspect, et ainsi apaiser l’anxiété générale.
         
    Obarlyn était une petite ville située à l’est de Gaerwyn, au-delà de la forêt. Si elle était autrefois florissante et pleine de vie, il n’en restait aujourd’hui que des ruines. Des bâtiments délabrés et couverts de mousse, uniquement accompagnés d’un silence écrasant, vieux de plusieurs siècles. Lizt s’aventurait rarement aussi loin de la capitale, et ne connaissait donc pas bien les environs. Il grimpa au sommet d’une sorte de tour qui avait résisté tant bien que mal au poids des années et, après quelques minutes d’observation, il repéra enfin sa cible.
    Le jeune homme fondit sur l’aféla et s’en débarrassa rapidement. Il se releva et prit une grande inspiration pour reprendre son calme, quand soudain, quelque chose d’énorme tenta de le faucher. Il esquiva l’attaque de justesse, et se tourna pour faire face à son agresseur. C’était un autre aféla, mais celui-ci avait une taille que le milicien n’avait jamais observée auparavant. La chose possédait une carrure semblable à un gros ours, et était bien plus violent et rapide que ses pairs. De plus, en raison de l’aspect singulier de son espèce, il était ardu de suivre clairement ses mouvements. Le monstre approcha Lizt si vite qu’il n’eut pas le temps d’agir, et encaissa l’assaut de plein fouet. Il fut projeté une dizaine de mètres plus loin, et continua de rouler sur une petite distance. Par chance, il n’avait aucune blessure grave, mais le choc l’avait complètement sonné, et l’ennemi en avait profité pour repartir à la charge. Pourtant, alors qu’il s’apprêtait à achever sa victime, l’aféla s’arrêta net et se renversa lourdement, une lame lui ayant traversé la tête.
    Lizt, ayant enfin repris ses esprits, regarda frénétiquement autour de lui, cherchant celui qui l’avait sauvé. Une voix venant de la direction de la forêt se fit alors entendre.
« Une seconde de plus et tu serais mort. J’aurais dû arriver plus tôt, désolé. »
Lizt se tourna vers la source de la voix, et vit une jeune femme portant une armure légère. Elle avait l’air un peu plus grande que lui. Ses cheveux roux, typiques des populations de l’Est, lui arrivaient jusqu’au bas de la nuque, et mettaient en valeur ses yeux d’un brun si profond qu’ils semblaient presque noirs. Enfin, quelques légères taches de rousseur ornaient son nez et ses joues. Elle s’approcha du jeune homme, se baissa pour ramasser son arme, et l’accrocha à sa ceinture, aux côtés de quatre autres couteaux et d’une épée sobre. Lizt la regarda d’un air admiratif.
« Que viens-tu donc faire par ici ? C’est dangereux, tu sais. »
Elle tendit la main, aide que le jeune homme accepta. Lorsqu’il leva enfin la tête, il vit son sourire.
« Je m’appelle Svaria, et toi ? » dit-elle avec une innocence déconcertante.
Un instant passa, enveloppant la scène d’un silence singulier. Un silence qui aspirait à être brisé, mais restait tout de même inébranlable malgré lui. La jeune femme décida de reprendre la parole, mettant fin à ce moment étrange.
« Je comprends… Ça a dû être difficile… » Elle fit une pause, durant laquelle son visage s’assombrit. « J’ai quelque chose à faire ici. Si tu as réussi à venir seul, tu devrais pouvoir rentrer seul. »
Sur ces paroles, elle prit la direction du centre des ruines, mais fut aussitôt arrêtée par Lizt, qui la regardait, l’air implorant. Elle soupira puis, voyant la détermination dans ses yeux, l’invita à la suivre. Le duo entra ensuite dans une maison plus grande que les autres, probablement celle de quelqu’un d’important. L’intérieur était plutôt spacieux, mais accusait le poids de nombreuses années d’abandon. La jeune femme ne se fit pas prier et se mit à retourner chaque chaise, chaque meuble, à la recherche de quelque chose. Au bout de quelques minutes, elle appela Lizt, lui demandant de l’aider à déplacer une armoire aux dimensions imposantes. Sous cette armoire se trouvait une petite trappe qui donnait sur un sous-sol obscur. Svaria se munit alors d’une torche et descendit, invitant son compagnon à la suivre.
    
    Le sous-sol semblait encore plus grand que la demeure au-dessus, impression amplifiée de plus belle par l’absence totale de mobilier, à l’exception d’une sorte de statue au centre de la pièce. Elle représentait quelque chose qui ressemblait à un humain, mais dont les détails ne laissaient aucune place au doute. Une douzaine d’yeux avaient pris la place de son visage, et les proportions du corps donnaient un aspect cauchemardesque à cette œuvre. Rien ne semblait être à la bonne place, ou avoir la bonne taille, mettant Lizt dans un état de malaise déconcertant. Plus étrange encore, il avait la certitude que s’il la quittait des yeux, il oublierait jusqu’à l’existence même de cette statue. Svaria s’approcha et murmura quelque chose. Aussitôt, un mécanisme s’enclencha, ouvrant une porte dissimulée au fond de la pièce. Elle donnait sur une caverne qui s’enfonçait encore plus loin sous la ville.
    Étrangement, la caverne était bien plus lumineuse que la cave, au point où la torche de Svaria n’était plus nécessaire. Le groupe s’enfonçait de plus en plus dans cet endroit mystérieux, mais n’en voyait toujours pas le bout. Après quelques minutes, la jeune femme prit la parole :
« Tu as du le comprendre il y a un moment, mais je viens d’Ystria. Il y a beaucoup plus de ruines à l’est, tu sais. Certaines datent même d’avant la guerre ! Personne ne sait vraiment qui les a construites, et il se dit même qu’elles étaient déjà là quand les premiers humains se sont installés ici. Avec le temps, elles ont commencé à servir de refuge à un certain groupe, qui s’est peu à peu étendu jusqu’à avoir des membres dans toute la contrée. Je ne sais pas quel est leur objectif, mais on raconte qu’ils sont à l’origine d’un grand nombre de disparitions, en particulier dans la région Ystrienne. » Elle inspira profondément. « Je veux découvrir la vérité à propos de ce groupe. »
Le silence tomba encore une fois, plus épais que jamais. Un peu plus tard, la grotte s’élargit pour former un grand espace circulaire, dans lequel étaient entreposés une multitude de statuettes à la forme humaine, arrangées autour d’une sorte d’autel dressé au centre de la cavité. Une fois la surprise initiale passée, Svaria dirigea son attention vers une des sculptures. Aussitôt, son visage se vida de ses couleurs.
« Qu’est-ce que… dit-elle, éteinte. Vell, mon frère… Pourquoi ? »
La jeune femme resta ainsi un long moment, incrédule, peinant à comprendre ce qu’elle venait de trouver. Lizt s’approcha avec un air désolé, essayant au mieux de réconforter son compagnon. Son entreprise fut cependant interrompue lorsque Svaria se retourna en annonçant sèchement qu’elle rentrait à Gaerwyn.

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