Coucou, tu te souviens de moi ?
Non, je suppose que ce n’est pas le cas.
Sinon, tu me l’aurais peut-être montré.
Mais comme toujours, je suis responsable de m’être laissé aller.
Je vis dans un monde tout rose où l’amour est une vertu essentielle,
Et l’absence de sentiments romantiques un péché existentiel.
Je n’ai plus jamais aimé depuis que je t’ai connue,
Tout de façon, c’était une erreur avec toi, je n’aurais pas dû.
Mais ce qui est fait, est fait, et qu’est-ce que je pourrais espérer y changer ?
Quand je dis que je n’ai mes vues sur personne, ce qui est vrai,
La plupart de mes amis croient que je suis en train de blaguer.
Je suppose que je dois leur paraître gay, qu’ils commencent à douter
De mon équilibre mental, de ma santé.
Mais ne vous inquiétez pas, les gars, je suis juste désintéressé.
Sur quoi blâmer mes soucis ? Sur quoi pleurer mon anormalité ?
Sur mes mauvaises expériences avec le sexe opposé ?
Sur ma rationalité qui me laisse savoir que j’ai pas besoin d’aimer ?
Sur ma peur de l’amour, viscérale, qui me commande plus que je l’ai toujours commandée ?
Je n’aurais pas dû écouter ceux qui me poussaient à aimer,
J’aurais dû, comme toujours, jeter mes émotions par la porte.
Ma souffrance n’aurait rien eu de notable. Ma liberté aurait été assurée.
L’amour est une tragédie qui n’a pour conclusion que d’avoir une fin.
Mais je pense que le pire, c’est quand il n’a pas même de début, rien.
Tout le monde me dit que c’est comme ça qu’on apprend à aimer…
Mais la seule chose que mes pensées me montrent, c’est que j’ai juste peur.
J’ai peur d’aimer à sens unique et d’à nouveau être blessé.
Et même si un an passe, je ne sais pas si j’arriverais
Complètement à oublier ce qui m’est arrivé.
J’avance droit vers demain, la tête baissée,
A croire que regarder les fourmis me permettra de m’élever là-haut.
Je ressens, lointain, l’appel de la parenté.
Moi, fin de trentaine et marié, avec mes deux jolis marmots.
Je ressens, près, l’appel du célibat et de la liberté,
Moi, quasi la vingtaine, avec mes quinze personnalités qui le sont pour de faux.
