Chapitre 3

4 mins

    Lizt fut alerté par un tumulte inhabituel venant de la ville. Il arriva aux portes, où l’absence des gardes confirma les craintes du jeune homme. La panique avait atteint l’entièreté de la capitale. Les habitants couraient se réfugier chez eux, poursuivis par des hordes d’afélas particulièrement agressifs. Des cadavres jonchaient les rues, submergeant peu à peu le gris des pavés. Sans hésiter, le jeune homme partit en direction des quartiers de la milice, suivi de près par son partenaire.
    Malgré la résistance qu’ils rencontrèrent en route, Lizt et Svaria arrivèrent à destination indemnes. Le bâtiment semblait vide, à l’exception d’Assyl, qui était assis contre la porte, couvert de sang. Lorsqu’il remarqua son collègue qui s’approchait, il tenta de lever la tête, sans grand succès.
« Ce n’est que toi… Où étais-tu passé ? C’est une catastrophe… » Il toussa bruyamment. « Ils viennent du château… la moitié d’entre nous… Les autres… sur la colline… Rends-toi… utile… pour une fois… »
A l’instant où il prononça ces derniers mots, Svaria lui assena un grand coup de pied, lui faisant perdre connaissance instantanément. Lizt sursauta.
« Cet enfoiré ! fulmina la jeune femme. Même dans son état, il est capable de te traiter ainsi ! S’il n’était pas déjà mourant, je l’aurais… »
Lizt l’interrompit d’une main sur l’épaule, et se contenta de pointer le château du doigt.
« Tu as raison, soupira-t-elle, reprenant son calme. Il y a plus urgent… »
Le duo s’élança ensuite en direction du château surplombant la ville.
    La route la plus courte pour aller sur la colline passait par le quartier Ouest. Alors qu’ils arrivaient devant la porte donnant accès au sentier du château, Lizt et Svaria entendirent un cri provenant d’une ruelle toute proche. Une fois sur place, ils virent Tishaya encerclée par une dizaine d’afélas. Les deux compagnons s’attaquèrent au groupe sans hésiter. L’affrontement fut rude, en raison de la supériorité numérique des créatures. Ces dernières finirent néanmoins par céder après un long combat. Une fois son arme rangée, Lizt s’approcha de son ancienne cliente et lui tendit la main.
« Merci infiniment, commença la jeune femme en se relevant. Vous m’avez sauv… » Elle leva les yeux et s’arrêta en reconnaissant le jeune homme blond qui se tenait devant elle. « Mais c’est encore vous ! Décidément, vous répondez toujours présent quand j’ai besoin d’aide. Un véritable ange gardien ! »
Lizt la regarda sans dire un mot, puis après avoir exécuté un signe de la tête, repartit en direction du monument.
« Attendez ! cria Tishaya d’une voix hésitante. Vous allez au château, n’est-ce pas ? Je ne sais pas s’il y a un rapport, mais… Un peu avant que le chaos n’éclate en ville, j’ai vu le gouverneur passer par cette porte. Enfin… J’étais plutôt loin, et aurais très bien pu me tromper. Ça doit être ça. Jamais un homme droit comme lui ne pourrait provoquer une telle catastrophe.
–    Tout ira bien, la rassura Svaria, qui était restée en retrait jusque-là. Nous nous chargeons de tout. Rentre chez toi, c’est encore dangereux par ici. »
La Gaerwynienne eut un mouvement de recul lorsqu’elle vit les cheveux de sa sauveuse.
« Vous devez avoir une bonne raison, j’imagine, dit-elle en direction de Lizt. Mais prenez garde, ces gens sont de mauvais augure. »
Elle partit, laissant planer ses dernières paroles sur la scène. Svaria arborait un air désolé, ne sachant pas comment s’expliquer à son compagnon. Lizt, quant à lui, se contenta de la prendre dans ses bras en mobilisant toute la douceur dont il pouvait faire preuve. L’étreinte était un peu trop forte, mais pure et honnête. Il se remit ensuite en route vers le château, laissant derrière lui une jeune femme stupéfaite.

    La colline, d’ordinaire calme et immaculée, était désormais le théâtre d’une des batailles les plus féroces que la ville ait connue. De toute part, des centaines d’afélas étaient repoussés tant bien que mal par les forces de plus en plus maigres de la milice et de la garde du gouverneur. Pour chaque créature qui tombait au combat, deux autres apparaissaient aux portes du château, prêtes à en découdre. Lizt et Svaria avançaient vers le monument, décimant les bêtes qui bloquaient leur progression.
    Si l’extérieur du château était sobre, et dominait par sa taille sur le reste de la ville, l’intérieur écrasait les visiteurs par une surcharge de décorations toutes plus détaillées les unes des autres, et de meubles de valeur inestimable. Malgré le délabrement des lieux, on pouvait clairement y voir des traces d’une beauté antique, figée dans le temps. Le duo s’enfonça dans l’édifice, à la recherche de la source de l’invasion. La progression était difficile en raison des hordes d’afélas arpentant les lieux. Après un moment qui parut interminable, Lizt remarqua une pièce dont les meubles semblaient avoir été déplacés très récemment. A l’intérieur, il y trouva une porte qui avait été forcée. Elle menait au sous-sol du château, et une tâche de sang encore frais s’étalait de l’autre côté. Le jeune homme fit signe à son compagnon, et les deux s’engouffrèrent dans l’abysse de Gaerwyn.
    L’agencement du sous-sol était extrêmement simple, comme en opposition à la grandeur et la complexité du dessus. L’escalier se mua en couloir, puis en une grande pièce dont la décoration évoquait la salle des statues d’Obarlyn. De l’autre côté, un nouveau couloir s’enfonçait encore plus loin dans les profondeurs de la colline. Enfin, au centre se trouvait le gouverneur, adossé à une sorte de table. Il était grièvement blessé. Lorsque les deux compagnons s’approchèrent, il se mit à rire avec peine.
« C’est donc ainsi que tout se termine… Ça aurait dû se dérouler autrement… Amest… Le sanctuaire… J’aurais reconstruit le monde de mes propres mains… lui donner la forme que je voulais… Je serais devenu… un dieu… »
Sa respiration s’arrêta.
    Aussitôt, une brume sombre sortit de son corps et se condensa pour former un aféla massif. Désorienté par son apparition soudaine, il ne remarqua pas les deux individus qui en profitèrent pour l’éliminer rapidement. Svaria, abasourdie, ne trouvait pas les mots pour décrire ce qu’elle venait de vivre. Lizt la sortit de sa stupeur, lui rappelant l’urgence de la situation.
    Plus loin sous le château se trouvait une autre pièce, entièrement vide à l’exception d’une étrange marque dessinée en son centre. Périodiquement, un aféla apparaissait à l’intérieur de celle-ci. Certains décidaient de monter vers la surface, et les autres restaient, occupant petit à petit tout l’espace disponible. Lorsque les deux compagnons arrivèrent, ils furent accueillis par une marée sombre, dont les individus la formant peinaient à s’en détacher. Une par une, les créatures tombaient sous les coups de leurs assaillants, jusqu’à ce qu’il n’en reste plus aucune. Comprenant rapidement le fonctionnement de la marque, Svaria l’effaça, ce qui eut pour effet de mettre un terme aux apparitions.
« On a réussi ! » s’écria joyeusement l’Ystrienne.
    L’euphorie fut cependant de courte durée, arrêtée net par la scène qui accueillit le duo à son retour à la surface. Pratiquement toutes les forces de défense étaient tombées, et les afélas étaient devenus les nouveaux maîtres de la capitale.

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