Chapitre 4

5 mins

    « Que faire maintenant ? » demanda Svaria d’une voix éteinte.
Le paysage qui s’étendait autour des deux compagnons ne dégageait que désolation et ruine. Des monstres défilaient paisiblement dans les rues, s’attaquant à tous ceux qui avaient la malchance de croiser leur chemin. D’autres entraient par les portes de la ville ou escaladaient les remparts, comme attirés par la détresse des habitants qui se retrouvaient pour la première fois sans défense. Gaerwyn était perdue.
    Lizt s’était assis et regardait la ville. Son expression indiquait une sorte de désarroi, mais aucune tristesse. La jeune femme en prit compte et s’installa à côté de son compagnon.
« Tu n’as jamais connu autre chose que Gaerwyn… »
Elle se tut, laissant le silence les submerger, laver tous les tracas accumulés en ce jour funeste. Lizt se rapprocha d’elle, et de longues minutes passèrent ainsi, sans que rien ni personne ne perturbe la scène.
    
    Svaria se leva, réajusta ses armes et prit la parole.
« L’homme dans le château… Je ne sais pas pourquoi, mais il a mentionné Amest. Tu ne le sais peut-être pas, mais c’était le principal champ de bataille durant la guerre. Ce n’est probablement qu’une coïncidence, mais je n’ai aucune autre piste pour l’instant. Je pars demain. Ce fut court, mais je suis contente de t’avoir rencontré. Tu es quelqu’un de bien. »
Elle ébouriffa les cheveux du jeune homme, puis partit vers le pied de la colline. Celui-ci se leva d’un seul coup et, mobilisant tout ce qu’il lui restait de forces, rattrapa son compagnon et lui prit le bras. L’Ystrienne se retourna et dévisagea Lizt.
« Tu veux m’accompagner ? Mais ça ne te concerne pas du tout ! Quelle raison aurais-tu de… »
Son regard s’arrêta sur les yeux du jeune homme. Ils étaient verts, comme ceux de Vell, et brûlaient d’une passion étrange. Une flamme d’une puissance extraordinaire, mais risquant de s’éteindre si on ne l’entretenait pas assez. Svaria partit d’un rire franc.
« Tu ne me lâcheras donc jamais ! C’est entendu, retrouvons-nous demain matin à la taverne. Le voyage sera long, prépare-toi bien. »

    Le lendemain, le duo se mit en route. Amest était un des plus anciens sites du pays, situé à peu près en son centre. C’était une cité gigantesque, épicentre de la culture primitive avant l’éclatement de la guerre. La première partie du voyage se déroula dans un silence relatif. De temps en temps, Svaria prenait la parole, et racontait des anecdotes à propos de son frère, ou de sa vie à Ystria. À la fin de la journée, ils tombèrent sur une petite ville du nom d’Asdera, et décidèrent d’y passer la nuit.
    Une fois entrés, Lizt et Svaria furent accueillis par un vieil homme qui leur servit de guide. Sur la route de l’auberge, le groupe passa par une grande place, sur laquelle étaient exposés trois corps desséchés. Une fois proche, les deux voyageurs remarquèrent leurs avant-bras, tous ornés d’une cicatrice rappelant la lune. La jeune femme s’empressa alors de poser la question à leur guide.
« Eux ? L’histoire doit remonter à une vingtaine d’années, peut-être un peu plus… Quatre hommes s’étaient installés ici. Ils appartenaient à un culte, je crois. Ils avaient tous une cicatrice sur le bras et parlaient de manière étrange. Une femme d’ici s’est éprise d’un des hommes et lui a donné un enfant, mais elle a disparu peu après. Puis un jour, Ils ont essayé de prendre le contrôle de la ville. Heureusement, nous avons réussi à les arrêter. Ils ont ensuite tous été exécutés, à l’exception du père. Celui-ci a pu s’enfuir avec son enfant. Il doit être à Gaerwyn, aujourd’hui… » Il se mit à réfléchir pendant quelques secondes. « Tout ça s’est fini de manière curieuse. À peine quelques heures après l’exécution, les corps se sont flétri au point d’être méconnaissables, comme s’ils avaient été là depuis des années. J’en ai fait des cauchemars pendant des semaines. »
Une fois son histoire finie, le vieil homme invita le groupe à reprendre leur marche.
    L’auberge était de taille modeste, et l’ambiance y était plutôt calme en raison du nombre restreint de clients. Après s’être séparé de son guide, le groupe prit un repas copieux, puis alla se coucher. La chambre était assez grande, et les lits confortables comparés à ceux de la milice. Pourtant, Lizt ne trouvait pas le sommeil. Etait-ce parce que pour la première fois, il était loin de sa ville ? Parce que Svaria dormait à poings fermés dans la même pièce ? Il peinait à comprendre la raison de son insomnie, et pestait intérieurement son incapacité à se reposer malgré le besoin. Il se tourna vers la jeune femme et l’observa pendant un moment. Elle était allongée sur son flanc, et une partie de ses cheveux avaient été ébouriffés par son oreiller, lui donnant une apparence amusante. Elle ronflait légèrement et un fin filet de salive coulait de sa bouche entrouverte. Il remarqua également une petite cicatrice s’étendant verticalement sur sa joue gauche, et tenta d’imaginer sa provenance. Emporté dans son élan de fantaisie, il finit par s’assoupir.
    Une fois réveillés, les deux compagnons prirent un petit déjeuner, durant lequel ils entendirent l’aubergiste parler à quelqu’un.
« Non, il est parti hier matin. » Il ricana. « Tu voulais le convaincre de rester ? Quelle bonne blague, encore meilleure que les précédentes ! » Il reprit un ton sérieux. « Honnêtement, il ne m’inspirait pas du tout confiance, malgré sa gueule d’ange. Habillé comme ça, il ne pouvait que tremper dans des affaires louches. En plus de ça, comme j’étais curieux, je lui ai demandé où il allait. À Amest ! C’est ce qu’il m’a répondu ! Rien de bon n’arrive là-bas. Oublie-le, c’est pour ton bien. Les gens d’ici sont bien mieux, crois-moi. »
Son interlocutrice partit, la mine déconfite. Le duo lui emboîta le pas. Une fois dehors, Svaria interpella la femme, et l’interrogea à propos du mystérieux voyageur.
« Lui ? Il est venu il y a quelques jours à la recherche d’un endroit où dormir. Il devait être un peu plus vieux que vous, je pense. Il est tombé malade au même moment et est donc resté un peu plus longtemps. Je suis l’assistante du physicien, c’est comme ça que je l’ai rencontré. Je n’avais jamais vu de cheveux pareils. Ils avaient la même couleur que les vôtres, d’ailleurs. Mais ils étaient beaucoup plus longs. Il les attache, alors c’est difficile à remarquer, mais je les ai vus ! Si majestueux ! Son visage était si délicat, le voir affecté par ce mal en était d’autant plus captivant. La sueur gouttant de son front, coulant sur ses joues blanches pour atterrir sur son lit… Ce spectacle magnifique est à tout jamais gravé dans ma mémoire. De plus… »
Svaria la remercia promptement, puis se remit en route avec Lizt.

    La seconde partie du voyage sembla plus rapide, Svaria étant encore plus loquace qu’auparavant. Elle trouvait toujours une nouvelle histoire encore plus rocambolesque à raconter. Lizt savait bien qu’elles n’étaient pas vraies, ou du moins pas entièrement. Pourtant, il les écoutait toutes avec grande attention. Après quelques jours de marche supplémentaires, les plaines et forêts verdoyantes se muèrent en un paysage de désolation où la vie n’avait plus sa place, indiquant aux voyageurs qu’ils avaient atteint leur but.

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