PDV RYAN – Mardi 16 Mars 2137
Je range mes affaires dans mon sac, je le place sur mon épaule et m’en vais du bâtiment en saluant mes collègues. Nous avions cet après-midi, un gros tournage, tout le monde était stressé, surtout le patron, j’ai à peine eu le droit à des pauses, je récupère mon téléphone et l’allume. Je marche dans la rue et rejoins une station de train, je vois qu’Arthur m’a appelé, je veux le rappeler mais je n’ai pas de réseau. Je sors de la rampe et téléphone à Arthur, je tombe directement sur sa messagerie, j’enclenche son message vocal et porte mon appareil à mon oreille.
– La MCPV est là pour venir me chercher, je te jure j’ai pas le virus, entends-je d’une voix précipitée et inquiète.
– Voulez-vous réécouter le message ? Si oui, tapez un, pour le supprimer tapez deux, dit la voix mécanique de ma messagerie.
Je reste pétrifié dans la rue. Non, non ce n’est pas possible. Je n’y crois pas. Je ne peux pas le perdre, je tiens trop à lui, pour qu’on me l’arrache. Les gens me bousculent, râlent, me dévisagent.
– Voulez-vous réécouter le message ? Si oui…
La voix recommence et sors de ma léthargie et m’élance en courant à toute vitesse jusqu’à notre immeuble. Ce n’est pas possible, ce n’est pas possible… Je grimpe les marches de l’escalier deux par deux, je suis sur le palier et fouille mon sac pour trouver les clés, mes mouvements sont brusques et précipités, je réussis à les trouver en reversant la moitié de mes affaires devant la porte. Je l’ouvre enfin et rentre précipitamment dans l’appartement.
– ARTHUR ! ARTHUR ! Crié-je dans tout l’appartement.
Mais il faut se rendre à l’évidence il n’est pas là, il a été emmené par le MCPV. Et je m’effondre anéanti sur le sol glacé de la salle de bain, les larmes tombant en même temps que moi à grosse goutte.
– Arthur, murmuré-je.
XXX
Les yeux dans le vague, je reprends peu à peu conscience. Engourdi et la tête lourde, je tente de me lever tout en séchant les larmes qui ont coulé sur mes joues. Où est Arthur ? Il a sûrement été emmené. Il faut que je le retrouve, mais que se passera-t-il alors ?
Je passe de l’eau sur mon visage et ressors de l’appartement, direction le poste de la MCPV.
Je rentre dans le bâtiment et vais au bureau.
– Je cherche quelqu’un, j’aimerais savoir s’il a été admis ici, dis-je à l’officier.
– Porté disparu depuis quand ? demande-t-il sans me jeter un coup d’œil, concentré sur l’écran devant lui.
– Ce matin, je crois que la MCPV l’a emmené alors qu’il était à son bureau, il travaille à la Gazette des Sciences, dis-je.
L’officier me regarde enfin dans les yeux, surpris de ma réponse.
– Oui, il y a eu TAV hier je crois à la gazette, le nom s’il vous plaît ?
– Arthur Lemant.
– Oui, il a été admis aujourd’hui à 9h17 au poste de détention de la MCPV, il sera transféré à la ville 1bis au bâtiment général de la milice, TAV négatif, il avait les symptômes, dit-il. Quelle est votre relation avec Monsieur Lemant ?
– Non ce n’est pas possible, il y a erreur
– C’est écrit devant moi. Je peux vous arrêter pour non-respect des forces de l’ordre. Votre relation ?
– C’est mon compagnon, dis-je en grinçant des dents.
Non mais il se prend pour qui ? Arthur me l’a dit hier, son TAV était positif, il ne m’aurait pas menti.
– Vous allez devoir être testé aussi alors, je vous prie de vous rendre dans la salle derrière vous.
Je n’ai même pas le temps de me retourner qu’un autre officier m’empoigne le bras. La colère monte d’un cran quand on me force à rentrer puis, quand la porte est verrouillée.
– Putain, mais ils exagèrent ! Pensé-je les poings serrés.
La pièce est noire, sans aucune fenêtre. L’unique néon m’aveugle et me dissimule la table centrale et ses trois chaises. Résigné, je m’assois et espère revoir Arthur.
J’attends cinq minutes, dix minutes puis, me rappelle la phrase qu’il a dit « je suis sûr de ne pas avoir le virus », et il me l’a dit, le moniteur disait TAV positif, je le crois et je l’ai vu il n’a pas les symptômes, et moi n’ont plus, mon TAV d’il y a six mois disait positif.
Perdu dans mes réflexions, je ne remarque pas le médecin, suivi de deux soldats rentrer dans la salle.
On m’explique que je dois faire le test, on me prélève une goutte de sang et il la met sur un moniteur.
– TAV négatif, dit le médecin, et il repart aussi vite qu’il est venu, je n’ai pas le temps de réaliser quoi que ce soit que les deux soldats me menottent et me font traverser le bâtiment.
Nous longeons un grand couloir mal éclairé, ils ouvrent la porte et nous marchons encore quelque instant dans un couloir avec des portes à droite et à gauche, ils s’arrêtent devant la numéro deux et ils me poussent violemment dedans.
– Ryan, entends-je derrière moi.
Je me retourne précipitamment et vois Arthur debout à trois mètres de moi, je me jette dans ses bras, je plonge mon nez dans ses cheveux, et le sert si fort pour sentir qu’il est là avec moi, qu’il n’a rien.
– J’ai eu si peur de ne plus jamais te revoir, chuchote-il.
– Moi aussi.
Nous nous détachons et je l’embrasse d’un doux baiser pour lui transmettre toute ma tendresse et mon inquiétude pour lui. Nous nous asseyons sur un lit, la pièce est petite et sombre, deux lits superposés sont l’un en face de l’autre en acier, avec un maigre matelas. Une fille est allongée en face, elle semble dormir.
– Je… Qu’est-ce que tu fais ici Ryan ?
– Je suis venu te chercher puis, ils m’ont fait faire un TAV, je suis négatif, je n’ai pas les symptômes, je ne comprends rien à ce qui se passe…
– C’est normal, s’élève la voix de la jeune femme. Elle se retourne vers nous et avance dans la lumière et la reconnais directement.
– Alice !
– Je suis désolée pour toi, Ryan et toi aussi Arthur, dit-elle.
– Vous vous connaissez ? demande Arthur.
– C’est ma patronne, tu as été arrêtée quand ?
– Quand je suis rentrée chez moi, ils m’attendaient devant ma porte d’entrée, ils m’ont emmenée directement ici, j’ai croisé Ariane qui sortait, ils l’ont mise dans une autre salle,
– Ariane, comme la boss d’Arthur ? demandé-je.
Arthur hoche la tête, c’est bien le prénom de sa patronne.
– Oui c’est ça, nous avons travaillé ensemble pour quelque chose. Le système nous ment, la présidente nous ment, nous voulions prévenir les gens, elle a laissé des chiffres sur le dernier numéro du journal de la Gazette, j’ai laissé défiler ces mêmes chiffres sur une émission, ils menaient à un article comme quoi…
Elle n’a pas le temps d’en rajouter, que la porte s’ouvre, des soldats l’attrapent, elle essaye de se défendre, mais un garde bloque ces bras derrière son dos, nous nous levons d’un même mouvement pour faire quelques choses mais des gardes nous repoussent férocement.
– Ne faites pas… Elle veut continuer à crier mais le garde lui bâillonne la bouche et l’emmène aussi rapidement sans que nous puissions faire quelque chose d’autre.
– Qu’est ce qui vient de se passer ? dit Arthur en se rasseyant sur le lit, observant la porte où vient de passer Alice de force.
– Il se passe qu’ils font taire les gens qui les accusent de mensonges, sûrement sous les ordres de Angel.
– Très bien mais pourquoi toi et moi ? Nous n’avons jamais menti ou fait quelque chose contre le gouvernement…
– Tu fais la maquette des numéros de la Gazette, ils pensent peut-être que tu as quelque chose à voir avec ce que Ariane et Alice ont fait, l’idée à l’air de venir d’elles. Le soldat que j’ai vu à l’entrée à fait une de ces têtes quand je disais que je te cherchais toi, sachant que tu travailles à la gazette, et qu’il y a eu un TAV. Et ils ont dû voir que je travaille au plateau de News Jo’ et qu’Alice est ma patronne, alors me voilà aussi enfermé.
– Je sais que tu n’as rien fait, et tu sais que je n’ai rien fait, il ne peut rien nous arriver tant qu’on est ensemble, dit-il avant de prendre mes mains.
X
La nuit passe, la journée puis, encore une nuit, personne n’est venu nous voir, on nous a apporté des plateaux repas, ni Ariane ni Alice, sont revenues, nous sommes vendredi matin toujours endormis ensemble dans un petit lit, la porte claque si fort que nous nous réveillons en sursaut, deux soldats entrent.
– Arthur Lemant, veuillez nous suivre, dit l’un d’eux la voix forte et grave.
– Quoi ! non ! protesté-je, je me place devant lui, un soldat m’attrape et me balance sur le mur.
Je tombe par terre, je vois l’autre soldat empoigner Arthur, il se débat, je me relève mais je reçois une décharge électrique, je reste paralysé par la douleur par terre, me débattant dans tous les sens, quand elle se stoppe enfin, la porte claque de nouveau.
J’entends Arthur crier mon nom de l’autre côté, je crie à mon tour frappant contre la porte en acier puis, son cri devient plus faible, on l’emmène encore une fois loin de moi.