« Lydia ?
– je suis là, entre si tu veux ! »
Je me glisse silencieusement dans l’entrebâillement la porte et m’assied sur un coussin tombé au sol.
Face à son miroir, elle trace, au feutre, des motifs sur ses joues. De temps à autre, son regard croise le mien, accompagné, toujours, d’un sourire.
J’aime la regarder travailler, me laisser hypnotiser par ses mouvements. Ses cheveux, ses cicatrices, ses tatouages s’entremêlent et dessinent sur sa peau des formes éphémères qui me fascinent.
Elle le sait, d’ailleurs. Souvent, comme c’est le cas ce soir, elle travaille nue, autant par confort que pour mon plaisir.
Ni elle ni moi ne souhaitons parler et le silence s’installe, ponctué seulement de nos respirations et, parfois, du froissement du feutre sur son visage.
Au bout d’une dizaine de minutes, une arabesque orne sa joue droite. Constituée d’une unique liane, elle prend racine derrière son oreille, s’enroule et s’étend en motifs complexes vers sa fossette qui me plait tant, avant de remonter vers sa paumette et sa tempe.
« Est ce que tu veux venir voir de plus près, me demande t’elle en posant son feutre, j’aimerai avoir ton avis ? »
Je me lève et me place derrière elle, face au miroir, une main posée sur son épaule. Profitant de la lumière, je regarde les motifs de plus près, m’émerveille de leur profondeur et de leurs détails, suit leur tracé de mes doigts.
« Tu as toujours été douée pour les végétaux, mais tu t’es surpassée !
– Flatteuse, va ! »
Derrière son rire, j’entends son soulagement et sa fierté.
« Est ce que tu vas l’encrer ce soir ? »
Quelques secondes passent avant qu’elle ne me réponde, la voix légèrement tremblante : « Je ne vais pas l’encrer. »
Dans le miroir, son regard se détache du mien pour se poser sur sa table de travail.
Le matériel de tatouage qui s’y trouve habituellement a été remplacé par différents scalpels, des compresses, du désinfectant, plusieurs paires de gants, un pinceau reposant dans un bol d’encre verte. Mon estomac se noue subitement.
« Tu es vraiment capable de faire ça, toi même ?
– Seule, non. »
Il y a de la peur dans ses yeux et dans sa voix. Je la serre contre moi, sans rien dire. Notre étreinte s’éternise. Puis je fais pivoter sa chaise jusqu’à ce que son visage soit face au mien.
Le dos de mes doigts court sur ses joues. Je l’embrasse tendrement. Quand nos lèvres se séparent je murmure d’une voix rauque :
« D’accord. Montre moi. »