Chapitre 4 – L’interrogatoire
Un coup de poing américain, un revolver, quelques lames, l’officier maugréa en étalant le contenu des poches du souteneur. Le temps s’égrenait, Gerflynt n’en pouvait plus d’attendre.
Un agent s’approcha, l’air de se prendre pour Marlon Brando, les pouces dans sa ceinture. « Le détective va bientôt s’occuper de vous. » La môme bondit devant. « Officier, je n’ai rien fait de mal… » L’homme sentait l’eau de Cologne, un « Old spice» bon marché. Il tira son bloc-note. « Middletown, Connecticut…
— New York ! L’autre Middletown, …celui des « Green Mountains. » Gerflynt s’amusa de cette fausse bourde. Elle savait d’expérience que l’agent la réchauffait en vue de son interrogatoire. À sa première mise en examen, on lui avait offert un biscuit. « Ce couvent… Vous y êtes entrée jeune…
— La sœur Hortence vous a tout raconté…
— Treize ans, tout de même…
— Seize, la vocation… »
Accroché aux barreaux, Stewart pouffa. « Une mascarade, c’te pétasse ! » Le public de poivrots dans la cellule des hommes emboîta le pas. Brando poursuivit : « J’ai un cousin en génie à Cornell…
— Pas le même campus. Je voulais faire Philo. On m’a imposé quelque chose de plus …plus moral. Alors j’imagine que je devrais m’intéresser à l’Art classique.
— Et à l’Art de mon cul aussi, ma pute ! » grogna Stewart. Cette fois, les rires flicarts se joignirent au glapissement général. Tout ici respirait la débilité.
La jeune femme perdit patience. « À quoi cela rime-t-il ? Officier, je me suis égarée, je l’ai dit, j’ai pris la mauvaise porte… »
Une secrétaire harponna l’agent Brando. Une bousculade au comptoir de la TWA. L’agent tiqua, les bagarres c’était son rayon. Il salua la jeune femme. « Putain de journée… » ,dit-il en croisant l’inspecteur-chef.
Le limier en imperméable posa une valise sur son bureau. Gerflynt sursauta. Un ruban à moitié sortie montrait que son bagage n’avait pas été ouvert. La bombe était là, amorcée, en plein commissariat. Coup d’œil vers Stewart. Appuyé en oblique, l’homme avait l’air de jouir. Il cligna de l’œil et lui accrocha un sourire de rêve. Les détenues de la cellule des femmes s’approchèrent. Même avec une haleine de tord-boyau, puant de sueur dans une chemise souillée, ce mal rasé réussissait à dégager quelque chose.
Le haut-parleur crépita. L’orage venait de capituler. Le Commissaire sortit de son officine, rapports en main. Il pointa du menton la cellule des hommes. « Relâchez-les tous, sauf le truand. Et pour les femmes…»
Stewart l’interrompit : « Hey Gerf ! Je t’avais offert pas mal plus que cet Italien. Tu me déçois ma poule ! » Le détective emboîta le pas. « J’ai pas terminé avec celle-là Commissaire. C’est une délinquante juvénile reconnue. Je la soupçonne de racolage, et y’a aussi qu’on a trouvé du sang près du convoyeur. » Le limier aux relents de tourbe faisait virevolter ses lunettes. Le triomphe. La consécration. Gerflynt de son côté venait de virer au rouge. Voûtée comme un taureau, elle broyait les barreaux. « Stewart ! Un de ces jours je te ferai la peau ! »
Bon pas encore sortie de la…