Chapitre 8 – Le décollage
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En route vers le Nord, l’avion rattrapa la queue de l’orage et s’engagea bien malgré lui dans une lutte à finir avec l’atmosphère. La recherche d’un courant ascensionnel força l’appareil à louvoyer entre les colossales structures de nuages, encaissant quelques gifles de grêle au passage. Impossible de respecter les paliers. Les pertes d’altitude donnaient suites à des remontées violentes qui écrasaient les passagers dans leurs fauteuils. Certains vomirent, d’autres hurlèrent de terreur. « Flynt ! Calmez-vous. Ça ne va pas durer !
— Nos putains de vies ne tiennent qu’à votre plume fontaine et vous me faites la morale, » gémit la jeune femme, les griffes enfoncées dans son siège.
Ce chaos épuisant dura une demi-heure et alors le pilote annonça que le Constellation venait de gagner son combat : parvenu à dix-huit mille pieds, l’appareil dominait la tempête. Une odeur de cigare se répandit dans l’habitacle et le tintement des verres fit place aux larmoiements.
De son hublot, Gerflynt contempla le plancher nuageux. « Ce voyage n’est qu’une rafale de cauchemars…
— Quoi ? demanda Falsetti.
— Mais la b… »
Le regard de corbeau de la surveillante lui rappela le niveau de méfiance à son égard. « La b…, la bobinette, ma p’tite poupée…
— Votre ? » demanda Falsetti les sourcils froncés.
— …dans ma valise, avec des rubans… avec mon réveil-matin. Dois-je faire un dessin ?
— Vous vous inquiétez pour des broutilles. »
Gerflynt tira sur le bracelet de la menotte. Sa respiration venait de se couper, encore une fois. La contemplation du ciel ne fut d’aucune utilité.
Une hôtesse s’approcha. « Un Gin Tonic pour la demoiselle, lança l’Italien.
— Je… je n’ai jamais…
— Ça vous détendra. »
Falsetti lui offrit une cigarette. Les lèvres tremblantes, la jeune femme tira tout ce qu’elle put. À l’horizon le soleil couchant teintait les nuages de rose et de pourpre. Gerflynt cligna de l’œil. Elle voulut tirer le rideau, mais à nouveau, son mouvement fut entravé. « Bon sang… J’en ai marre de ce simulacre. Débarrassez-moi de ça ou foutez-moi la paix !
— Calmez-vous, Flynt. Parlez-moi plutôt de votre projet.