Chapitre 26 – Le prix de la protection
Novembre 1951
Nord de Marseille
363 mots
L’Italien n’avait pas fait deux pas qu’il se fit harponner par deux truands en imperméables. L’un d’eux échangea quelques mots. L’autre se tint à l’écart, le temps d’ajuster son feutre et le col de son imperméable. Sa pupille étincelante sous les phares projeta sur la môme un regard dénué d’humanité. Falsetti remonta à bord. « Notre escorte. Une question de territoire, dit-il en claquant la portière du camion.
— Ces deux-là, ce sont des assassins, des goons. Ils sont armés.
— Y’a pas à s’en faire.
— Laissez-moi descendre. Je refuse qu’on massacre des ouvriers parce que je visite mon entrepôt ! J’en ai ma claque de vos façons de faire ! »
Gerflynt actionna le levier de la portière, mais Falsetti l’agrippa par l’épaule. « Pour qui vous prenez-vous ? Vous n’êtes rien dans ce conflit.
— Rien que votre Trophy-Mistress, votre bijou d’oppression ! Laissez-moi sortir. Je refuse de m’associer à ça… »
La môme eut beau se démener, impossible de se dégager. « Vous cherchez à me mettre dans les dettes. Vous voulez me faire payer votre supposée protection… » Falsetti venait de déclencher la cascade si familière aux religieuses de Middletown. Un vide, une montée volcanique, une incandescence dans le regard, la môme perdit tout contrôle, méthode éprouvée. Mais cette fois elle eut beau se tordre dans tous les sens, impossible de se libérer de cette poigne qui enserrait la manche de sa gabardine. « Laissez-moi descendre, vous m’entendez ? Vous êtes exactement ce que je ne peux pas sentir. Vous travaillez pour des criminels violents, vous trahissez la confiance de ceux qui vous aiment. Je ne serai pas la putain de service d’une crapule dans vot’genre ! » L’Italien encaissa une volée de scories jetée à coups de petits poings à demi-fermés. Il réussit néanmoins à lui saisir les poignets. « Écoutez-moi ! L’entrepôt Sorensen se trouve au cœur de la zone CGT. Il faut ouvrir le passage et mes hommes feront le travail. Mais quoiqu’il arrive, votre gentil petit cul encore humide restera dans ce camion, au chaud et verrouillé.
— Ça ! Pas question ! Je ne serai jamais du côté des Fachos ! »
Elle tenta de le frapper à nouveau, mais Falsetti venait de lui ramasser la chevelure. La gifle la foudroya.
[Note : D’après les chiffres, vous seriez une douzaine à lire ce récit depuis le début. J’en suis très heureux ! ]
Quelques sources historiques :
https://www.cinearchives.org/Film-VIVENT-LES-DOCKERS-709-175-0-0.html
La grève des dockers de 1950
https://fresques.ina.fr/reperes-mediterraneens/fiche-media/Repmed00290/le-port-de-marseille-en-1956.html
Le port de Marseille dans les années 50
Sur les bidonvilles à Marseille après la guerre
http://desinroc.free.fr/vieux_quartier/demolition.html
Destruction des quartiers de Marseille par l’occupant Nazi