Le Corps – Partie 7b

5 mins

    Le Corps – Partie 7b

Acte 1 – Bloc 2 – Beat 4 : Réaction – Montée en tension

1020 mots

     Mes poussées de vitesses gagnaient des miles sur le temps, la terre se dilatait sous mes roues, mais rien n’y faisait, la douleur se moquait de ma fuite.

     Ma première découverte sur les anges se produisit lors d’un arrêt pour faire le plein. Ces êtres étaient disséminés au hasard dans les communautés. Je demandai au pompiste l’adresse du prochain motel, mais il ne m’offrit en guise de réponse qu’un regard compatissant. « Je suis désolé pour ton deuil, » dit-il. Je ne répondis rien, surpris de recevoir son état-d’être en retour : une lassitude, un découragement. Çà n’avait rien à voir avec des coups de sondes mutuels. C’est seulement que nos consciences-d’être se superposaient, sans référence aux pensées concrètes. « Va chez Betty’s Inn. C’est à quinze minutes d’ici. Sois prudent. Tu es épuisé, » ajouta-t-il.

    Le lendemain, la route me donna beaucoup à ressentir. L’impression de traverser la conscience des habitants apparaissait puis s’éteignait au fil de mon déplacement. Ces perceptions me firent prendre du recul sur ma douleur, sans bien entendu, la faire disparaître. Je dirais que je fus béni de recevoir quelques soulagements à cause de ces vagues d’affection que je recevais par simple superposition des consciences.

    Après trois jours, j’eus le sentiment d’être arrivé. Il n’y avait pourtant que le Grand-Canyon et son désert à perte de vue. Je fis un aller-retour à Carson City pour me procurer de quoi faire un bivouac. Les yeux plissés de l’ange aux cheveux blanc qui me servit me firent du bien, quoique je compris qu’il se sentait jeté aux rébus après une longue existence de services dans l’abnégation. Je lui parlai de mon projet d’aller me perdre dans le désert. « Rien à craindre, me dit-il. Tu as l’éternité pour revenir, et pour ce qui est des serpents, il n’y a pas de menace. Ils nous fuient, ne le sais-tu pas ?

— Je ne suis mort que la semaine dernière, » répondis-je, convaincu qu’il savait tout de moi, anyway.

   Je transportai mes affaires jusqu’aux abords de la falaise d’un canyon. Sa vue grandiose m’imposa le respect de la terre et de toutes choses vivantes, je sentis le passage du temps et sa succession de présents toujours infiniment brefs, ces petits morceaux d’existences impossibles à saisir et pourtant si réels. Je déployai mon panache et me sentit aspiré par le vent, emporté dans un vol libre, les ailes craintives figées grandes ouvertes comme celles des vautours. Je pris par le Nord et parcourus ainsi d’immenses distances, perdu dans la contemplation infinie des montagnes aux cimes blanches, de leurs glaciers souverains, des rivières froides et de leurs deltas poissonneux. Et puis, j’observai d’autres êtres volants, ceux-là capables de dompter l’air, de la mettre à leur service : les aigles puissants, dominateurs, les balbuzards précis comme des horloges et les falconidés, ces athlètes du ciel capable de dompter l’air selon leur volonté. Je les suivis jusque dans leurs piqués, dans leurs redressements violents et les accompagnai dans la folie de leurs vrilles serrées suivies par des chutes en décrochage qui se terminaient en récupérations acrobatiques. Ces maîtres réinventaient le vol, un coup d’aile à la fois. 

    Mon retour dans les canyons de l’Arizona me fit comprendre combien il est futile de croire en sa propre puissance. Les couloirs de vents dans ces falaises aux arêtes serrées furent mes derniers professeurs. Ce lieu qui n’admettait aucune marge d’erreur devint mon terrain de jeu quotidien pendant une période impossible à mesurer tellement je perdis le sens du temps. 

     Et puis un jour que je traînais sur une corniche, je vis passer une flèche noire, rapide comme un jet suivi par un flash de terreur. 

Image du Pen WikiPen

    Je m’élançai à sa poursuite au prix de puissants battements d’ailes, rasant les parois, frôlant la pierre dans un défilement hallucinant d’obstacles à contourner. L’Ange aux ailes noir accéléra et prit des virages toujours plus serrés. Je tenais bon, jusqu’à sentir sa conscience apparaître et disparaître au fil de nos rapprochements. Je perçus sa morbidité quand il plongea en rase-mottes à quelques mètres du lit de la rivière, son sillage soulevant les pierres comme autant de coups vicieux offerts dans le contentement de sa puissance. Il oscilla pour créer des turbulences, imposa des figures complexes dans des carrefours aux vents contraires, je me rapprochai au prix de provoquer en lui fureur et indignation. On ne défiait pas son éminence.

    Notre vol fulgurant se termina dans un coude aux parois de formes ambiguës. Je venais de le perdre dans le silence de l’air et le silence de l’être. Complets. Tous deux.

   Un coup d’aile et je me réfugiai sur un piton rocheux. Je sentis la cuisson sur mon visage buriné, mon esprit encore malmené par cette laideur. Je restai vide, le corps usé, impuissant à retrouver quelque jouissance à exister. Cet esprit blessait et dégradait ceux capables de l’approcher. À ses contacts la fibre même de la vie se refroidissait pour se réduire à n’être plus qu’un chiffon mortifié. 

   Du haut de mon perchoir, le soleil couchant inondait la pierre, allongeant les ombres qui peu à peu enveloppaient les canyons dans un manteau de nuit. Et puis une écharde scintilla au sommet d’une colonne de pierre. La silhouette noire se tenait droite, les mains jointes sur le manche d’une épée fichée en terre. Son corps était couvert de protections métalliques ciselées de motifs haineux. Plus bas dans le canyon, une volée de créatures griffues se rua hors d’une fente dans la roche, leurs ailes de chauve-souris battant l’air à toutes volées. 

     Et c’est alors que je les aperçus : cinq anges totalement étrangers aux dangers du Grand Canyon, cinq rameurs en formation livrés aux turbulences évoluant aux prix d’efforts infinis. La fatigue était évidente. Je compris qu’ils allaient se faire massacrer. L’un d’eux rata son appontement sur un escarpement. Je plongeai pour le rattraper et hurlai à ses pairs de prendre de l’altitude. Le troupeau de griffon passa sans nous voir. 

     Je regroupai les anges dans la plaine où nous reprîmes notre souffle. Nous fîmes un cercle debouts sous la voûte étoilée. Furieux de tant d’incompétence, j’imposai un recueillement silencieux, dissimulant mon identité par je ne sais quel moyen de la pensée angélique. Je pris finalement la parole, la capuche de mon manteau relevée.

   La chef du groupe entrouvrit la bouche, stupéfaite de me reconnaître. Pour Skylar, la surprise était complète. 

——————

O. veut oublier sa douleur

Mais elle le fait toujours souffrir

Alors il utilise ses ailes pour voyager et pour se griser dans la vitesse des vents du canyon 

O. veut savoir qui est cet ange noir qu’il vient d’apercevoir.

Mais l’ange vole très vite

Alors il pousse à fond

O. veut savoir qui sont ces anges dans le Canyon 

Mais ils vont être agressé par une nuée de griffons

Alors il bondit et les enjoins d’évacuer le secteur.

No account yet? Register

0 Commentaires
Commentaires en ligne
Afficher tous les commentaires
Lire

Plonge dans un océan de mots, explore des mondes imaginaires et découvre des histoires captivantes qui éveilleront ton esprit. Laisse la magie des pages t’emporter vers des horizons infinis de connaissances et d’émotions.

Écrire

Libère ta créativité, exprime tes pensées les plus profondes et donne vie à tes idées. Avec WikiPen, ta plume devient une baguette magique, te permettant de créer des univers uniques et de partager ta voix avec le monde.

Intéragir

Connecte-toi avec une communauté de passionnés, échange des idées, reçois des commentaires constructifs et partage tes impressions.

0
Exprimez-vous dans les commentairesx