Le Corps – Partie 8

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Le Corps – Partie 8

891 mots

     Ces anges me cachaient quelque chose. Nous nous tenions ainsi immobiles, les ailes à demi-fermé comme un manteau protecteur. Nos mains étaient jointes sur un bâton (j’avais choisi la M16, celle que le Corps avait commandée. La crosse était gravée à l’expression “Body & O. Forever”).  

    Le désir d’être ailleurs de Skylar était palpable, la méfiance de Vector, son copain et protecteur, était hurlante et les trois autres n’émettaient que de l’embarras.

    « Skylar, que fais-tu loin de ta protégée ?

— Je n’ai pas de comptes à rendre.

— Tu n’es ici que si elle t’a envoyée. Est-ce qu’elle me cherche ?

   Les yeux de Skylar étaient humides en permanence, leurs paupières tombantes à l’extérieur affinaient leurs formes. Sa bouche arquée s’ouvrait sur deux palettes blanches caressées par des lèvres un brin charnues. Cet ange féminin avait le paradis à offrir, mais son visage marqué par l’attitude du dernier combat, témoignait d’un passé brutal. Sa vie sur terre avait été courte. L’image d’un empâlement, une colonne de direction je crois, des cris, des flammes. Ma nouvelle condition d’ange ne cessait de m’étonner.

— Nous cherchons une porte. Grimmins croit qu’il y en a une par ici.

— Et l’Ange noir, celui qui parcours le Canyon, qui est-il ?

     Une onde de choc parcourut la communauté. « Si vraiment vous l’avez vu, vous êtes un des rares à avoir survécu pour le raconter, » répondit Vector le costaud. 

     Je les avisai de ne plus parcourir le canyon sans ma protection. Il était évident que leurs ailes n’avaient pas l’entraînement pour le vol à haute vitesse. Malgré que je fus athlétique, il m’avait fallu des mois pour y arriver. Vector était un rameur, Skylar une alouette, les autres ressemblaient à des corvidés, vifs, agiles, mais rien pour affronter ces courants d’air. Cette bande n’était que du menu fretin pour l’Ange noir. Je voulais en savoir plus sur leur mission.

    « Je vous offre un survol guidé, mais je vous interdis de plonger dans le canyon sans ma supervision directe. Il y a des créatures étranges ici, aucune qui ne soit sympathique. » Vector m’offrit un rire contenu. Je ne valais pas une bagarre à ses yeux. Les autres acquièscèrent.

    Je bondis vers la voûte céleste et arquai mon vol en direction du Grand Canyon. La visite commença par un corridor de pierre aux strates noires et oranges, c’était du moins, son apparence le jour. Je leur décrivis les conditions éoliennes extrêmes que l’on pouvait rencontrer, ce dont il fallait se méfier, ce qu’il fallait savoir pour en profiter. Je fis une courte liste des créatures qu’on y rencontrait. J’obliquai ensuite vers l’allée des joyaux, une enfilade sertie de pierres précieuses, visible seulement aux anges à ce qu’il parut. Je les préparais à tout m’avouer. 

   Pour cela, je les attirai vers un oblivion de vent qui s’enfonçait dans la noirceur de la terre et leur expliquai qu’il s’agissait là d’une route pour l’enfer. Je sentis leur intérêt. Nous poursuivîment sur une courte distance et alors je plongeai dans un courant d’air pour le traverser comme une flèche et me poser sur un plateau. 

   Ici, l’air violent grondait au-dessus de nos têtes comme l’eau d’une chute en forme de coupole. Il semblait impossible de s’échapper. Les anges comprirent le piège trop tard et se posèrent un à un, l’air inquiet. « Tout se termine pour vous, à moins de m’expliquer ce que vous cherchez. » Mes plumes se hérissèrent avant les leurs. J’étais prêt au combat. Skylar calma tout le monde. L’ange parla enfin. « Le Grand Conseil Céleste nous a délégué à la demande de Grimmins pour trouver une porte vers les enfers. Je n’en dirai pas plus. 

— Et bien, vous pouvez repartir par vous-mêmes, je vais contempler vos prouesses. »

     Skylar regarda les autres, l’air incertain. « Une porte accessible, d’où il est possible d’entrer et de sortir. 

— Suivez-moi. » 

    Je marchai sur le plateau jusqu’à une paroi d’où on pouvait sentir le repli du jet d’air. D’ici, il était facile de s’élancer, il fallait seulement éviter de se laisser happer par le flux. Nous émergeâmes dans l’air libre, perdus sous les constellations d’étoiles radieuses des ciels du désert. 

   J’ordonnai à nouveau qu’on me suive, désireux de leur montrer l’endroit où j’avais perdu l’Ange noir. Nous remontâmes la rivière Colorado pour obliquer dans une impasse, mais cette fois, c’est moi qui fus surpris. Nous nous posâmes derrière une saillie à flanc de falaise pour observer ce qui semblait être un rally de créatures maléfiques assemblées au fond d’une vallée. La lumière provenait de mille flambeaux accrochés à ses parois. L’Ange noir invectivait ses diables, les enjoignant de poursuivre leur travail de sape de l’humanité. « Ils nous rejoindront tous et deviendront comme vous, soumis dans une unité de puissance, soumis à mon autorité protectrice ! »

     Les créatures hurlèrent comme si leur gorges étaient en feu. « Le jour viendra bientôt, très bientôt, où les anges seront annihilés ! Ce sera notre triomphe complet, la terre nous appartiendra ! » ajouta-t-il dans la clameur gutturale de ces créatures mi-humaine mi-démon. 

     D’énormes tambours se mirent à battre la marche d’un hymne à la mort. Des créatures de toutes sortes, griffons et chauve-souris, s’envolèrent en flux giratoires compacts excitant cette foule diabolique soumise aux incantations et au déhanchement des harpies. Tout, en cet endroit, invitait à la bestialité.

   Ça devenait dangereux. Nous partîmes. Il me fallait tirer ça au clair avec Grimmins et le supposé Conseil céleste. Je n’allais pas abandonner le Corps, mais il y avait désormais d’autres enjeux. Nos moteurs grondèrent. Nous prîmes l’autoroute en direction de Salem.

———

Notes : Veut, Obstacle, Conflit

O. veut trouver ce que cherchent les anges 

Mais ils refusent de lui dire

Alors il les incite à parler en les retenant captifs.

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