Mandat d’arrêt contre Vladimir Poutine pour crime de guerre

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La Cour pénale internationale (CPI) a déclaré vendredi avoir émis un mandat d’arrêt contre Vladimir Poutine pour crime de guerre. Une étape sans précédent pour la CPI, créée en 2002 pour juger les pires crimes commis dans le monde. Néanmoins, cette procédure a peu de chance d’aboutir.

Qu’est-ce que la CPI et pourquoi a-t-elle lancé ce mandat d’arrêt ?

La CPI est une juridiction pénale internationale permanente, et à vocation universelle, chargée de juger les personnes accusées de génocide, de crime contre l’humanité, de crime d’agression et de crime de guerre. Elle siège à La Haye aux Pays-Bas et est composée de 18 juges élus par les États de la Convention de Rome qui a institué la CPI en 1998.

Le mandat d’arrêt contre Vladimir Poutine fait suite à une plainte déposée par plusieurs ONG ukrainiennes qui accusent le président russe d’être responsable des violations des droits de l’homme commises dans le cadre du conflit armé dans l’est de l’Ukraine depuis 2014. Selon les plaignants, ces violations constituent des crimes de guerre au sens du Statut de Rome.

Le Bureau du procureur de la CPI est un organe indépendant qui examine les situations dans lesquelles un génocide, un crime contre l’humanité, un crime de guerre ou un crime d’agression pourrait avoir été commis. Il sélectionne de façon indépendante et impartiale les faits susceptibles de relever de la compétence de la Cour afin de déclencher des enquêtes et des poursuites contre les individus responsables. C’est donc le procureur qui a décidé d’émettre le mandat d’arrêt contre Vladimir Poutine après avoir recueilli des éléments suffisants pour établir sa responsabilité pénale individuelle.

Quelles sont les chances que ce mandat d’arrêt soit exécuté ?

Le mandat d’arrêt contre Vladimir Poutine est une décision historique pour la CPI qui n’avait jamais visé un chef d’État en exercice auparavant. Toutefois, cette décision risque fort de rester symbolique, car elle se heurte à plusieurs obstacles.

Tout d’abord, la Russie n’a pas ratifié le Statut de Rome et ne reconnaît donc pas la compétence de la CPI. Elle a même annoncé son retrait du processus en 2016 après que le procureur eut publié un rapport préliminaire sur la situation en Ukraine. La Russie considère que la CPI est une institution politisée qui sert les intérêts des pays occidentaux.

Ensuite, même si la Russie était partie au Statut de Rome, elle pourrait invoquer l’immunité dont bénéficie Vladimir Poutine en tant que chef d’État. En effet, selon le principe du droit international coutumier dit « par in parem non habet imperium », aucun État ne peut exercer sa juridiction sur un autre État égal à lui. Ce principe s’étend aux organes suprêmes des États comme les chefs d’État ou les ministres des affaires étrangères qui sont considérés comme représentant leur État sur la scène internationale.

Enfin, même si l’immunité ne s’appliquait pas ou était levée par le Conseil
de sécurité des Nations Unies (ce qui est très improbable vu le droit
de veto dont dispose la Russie), il faudrait encore que Vladimir Poutine
soit arrêté et transféré devant la CPI. Or, cela suppose que soit il se
rende volontairement (ce qui est très improbable), soit qu’un État tiers
coopère avec la Cour et procède à son arrestation sur son territoire
(ce qui serait très risqué politiquement).

La CPI, une juridiction sans force d’exécution ?

La Cour pénale internationale (CPI) est la première juridiction permanente et universelle chargée de juger les crimes les plus graves commis par des individus : génocide, crimes contre l’humanité, crimes de guerre et crime d’agression. Créée en 1998 par le Statut de Rome, elle compte aujourd’hui 123 États qui lui reconnaissent sa compétence et s’engagent à coopérer avec elle.

Mais la CPI est-elle vraiment efficace pour lutter contre l’impunité des auteurs de ces crimes ? Peut-elle poursuivre et arrêter tous ceux qui sont visés par ses enquêtes ? Quels sont les obstacles et les limites auxquels elle fait face ?

Le cas Navalny : un exemple de l’impuissance de la CPI ?

Le 9 décembre 2020, la CPI a annoncé l’ouverture d’un examen préliminaire sur la situation en Ukraine depuis le 20 février 2014. Parmi les faits susceptibles de relever de sa compétence, elle a mentionné le cas de l’empoisonnement présumé du principal opposant russe Alexeï Navalny, survenu le 20 août 2020 lors d’un vol entre la Sibérie et Moscou.

Navalny accuse le président russe Vladimir Poutine d’être responsable de cette tentative d’assassinat au moyen d’un agent neurotoxique appartenant à la famille du Novitchok. Il a déposé une plainte auprès de la CPI en octobre 2020, invoquant le crime contre l’humanité de persécution.

La CPI peut-elle réellement enquêter sur ce cas et éventuellement délivrer un mandat d’arrêt contre Poutine ?

La réponse est non, pour plusieurs raisons.

Tout d’abord, la Russie n’est pas partie au Statut de Rome. Elle avait signé le traité en 2000 mais ne l’a jamais ratifié. En novembre 2016, elle a même retiré sa signature en protestation contre ce qu’elle considère comme un « biais anti-russe » de la CPI. Ainsi, la CPI n’a pas de compétence territoriale ni personnelle sur les actes commis par des ressortissants russes ou sur le territoire russe.

Ensuite, même si la CPI avait une compétence sur ce cas, elle devrait respecter le principe de complémentarité qui régit son fonctionnement.

La CPI peut-elle juger Vladimir Poutine pour des crimes de guerre en Ukraine ?

La Cour pénale internationale (CPI) a annoncé le 17 mars 2023 avoir émis un mandat d’arrêt contre le président russe Vladimir Poutine pour sa responsabilité dans des crimes de guerre perpétrés en Ukraine depuis l’invasion russe en 2022. Il s’agit du premier mandat d’arrêt de la CPI contre un chef d’État en exercice. Mais quels sont les chances et les obstacles pour que la CPI puisse effectivement juger Vladimir Poutine ?

Quels sont les crimes reprochés à Vladimir Poutine ?

Selon le communiqué de la CPI, Vladimir Poutine est présumé responsable du crime de guerre de déportation illégale de population (enfants) et de transfert illégal de population (enfants) des zones occupées d’Ukraine vers la Fédération de Russie. Les crimes auraient été commis sur le territoire ukrainien occupé au moins à partir du 24 février 2022.

Le procureur de la CPI, Karim Khan, avait déclaré plus tôt ce mois-ci après une visite en Ukraine que les enlèvements présumés d’enfants faisaient « l’objet d’une enquête prioritaire ». Le New York Times avait rapporté que la CPI s’apprêtait également à lancer des poursuites contre des Russes pour des frappes délibérées sur des infrastructures civiles en Ukraine.

Sur quelle base juridique la CPI peut-elle agir ?

La CPI est une cour permanente créée en 2002 pour juger les pires crimes commis dans le monde, notamment les génocides, les crimes contre l’humanité et les crimes de guerre. Elle est régie par le Statut de Rome, un traité international ratifié par 123 États.

Ni la Russie ni l’Ukraine ne sont membres de la CPI, mais Kiev a accepté la compétence de la cour sur son territoire et travaille avec le procureur depuis 2015. La Russie avait signé le Statut de Rome en 2000 mais ne l’a jamais ratifié et s’en est retirée en 2016 après un rapport critique du procureur sur son rôle dans le conflit géorgien.

La compétence temporaire et territoriale accordée par l’Ukraine permet donc à la CPI d’enquêter et de poursuivre les auteurs présumés de crimes relevant du Statut de Rome commis sur le sol ukrainien ou par des ressortissants ukrainiens depuis novembre 2013.

Quels sont les défis et les limites auxquels fait face la CPI ?

Outre son incapacité à agir sur tous les territoires, la CPI pourrait se heurter dans le cas de Vladimir Poutine à la lenteur de ses procédures. Elles sont en effet très longues : entre 2012 et 2021, la Cour n’a prononcé que cinq condamnations, toutes pour des faits commis en Afrique. Notamment celles des ex-chefs de guerre congolais Thomas Lubanga, Germain Katanga et Bosco Ntaganda, ce dernier ayant été condamné à la peine
la plus lourde (30 ans de prison).

Une série d’acquittements ou de revers a, en outre, fragilisé la CPI. Depuis 2014, les poursuites pour crimes contre l’humanité contre le président kényan Uhuru Kenyatta se sont heurtées à la vulnérabilité des témoins, dont beaucoup se sont rétractés, et ont été abandonnées faute de preuves. Un autre acquittement retentissant a été celui de l’ex-président ivoirien Laurent Gbagbo. Le fils de l’ancien dictateur libyen Mouammar Kadhafi,
Seif al-Islam Kadhafi, est également toujours hors de sa portée.

 Parmi ces défis et limites, on peut citer :

— Le manque d’universalité : la CPI ne compte que 123 États sur les 193 membres de l’ONU. Certains pays importants comme les États-Unis, la Chine ou la Russie ne reconnaissent pas sa compétence et peuvent s’opposer à ses enquêtes ou ses mandats d’arrêt.
– Le manque de coopération : la CPI dépend de la volonté politique et du soutien des États pour mener ses investigations, arrêter les suspects et protéger les témoins. Or, certains États refusent ou négligent de coopérer avec la Cour, ce qui entrave son action et favorise l’impunité.
– Le manque de moyens : la CPI dispose d’un budget limité (environ 150 millions d’euros par an) et d’un personnel restreint (environ 800 personnes) pour faire face à une demande croissante de justice. Elle doit donc faire des choix stratégiques et hiérarchiser ses priorités, ce qui peut susciter des critiques ou des frustrations.
– Le manque d’indépendance : la CPI est soumise aux influences politiques des États ou du Conseil de sécurité de l’ONU, qui peut saisir ou suspendre ses enquêtes. Elle doit aussi composer avec les intérêts divergents ou contradictoires des acteurs impliqués dans les conflits qu’elle examine.
– Le manque d’impact : la CPI peine à démontrer son efficacité et sa pertinence dans la prévention et la résolution des conflits. Elle n’a prononcé que neuf condamnations en près de vingt ans d’existence, dont six concernent le continent africain. Elle est accusée par certains d’être biaisée, sélective ou inefficace.

Ces défis et limites montrent que la CPI n’est pas une solution miracle ni une panacée pour faire face aux atrocités commises dans le monde. Elle doit être complétée par d’autres mécanismes judiciaires ou non judiciaires pour assurer une justice globale et durable.

En conclusion, la Cour Pénale Internationale (CPI) est confrontée à de nombreux défis et limites dans l’exercice de sa mission. Parmi ces défis figurent le manque d’universalité, le manque de coopération des États, le manque de moyens financiers et humains, le manque d’indépendance vis-à-vis des influences politiques et enfin le manque d’impact dans la prévention et la résolution des conflits. Ces limites montrent que la CPI ne peut pas être considérée comme une solution unique pour faire face aux atrocités commises dans le monde. Elle doit être complétée par d’autres mécanismes judiciaires ou non judiciaires pour assurer une justice globale et durable.

La CPI est une institution jeune et ambitieuse qui vise à mettre fin à l’impunité des auteurs des crimes les plus graves qui touchent la communauté internationale. Elle représente un progrès significatif dans le domaine du droit international pénal et elle contribue à renforcer le respect des droits humains et du droit humanitaire. Toutefois, elle ne peut pas agir seule ni remplacer les juridictions nationales qui ont la responsabilité première de poursuivre les criminels. Elle doit donc travailler en étroite collaboration avec les États au Statut de Rome, ainsi qu’avec les organisations régionales et internationales compétentes, pour garantir l’efficacité et la légitimité de son action. Elle doit également s’adapter aux réalités complexes et changeantes des situations qu’elle traite, en tenant compte des besoins spécifiques des victimes, des témoins et des communautés affectées par les crimes. Enfin, elle doit renforcer sa communication et sa sensibilisation auprès du public pour accroître sa visibilité et sa crédibilité.

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