Quand la voiture arriva devant la maison, la famille resta un instant sans bouger dans la voiture. Puis, Marie ouvrit la porte et attendit ses parents. Elle les vit discuter et son père sorti en répondant à sa femme de rentrer dans la maison. Evelyne ouvrit la porte et fut suivie de son mari et sa fille. La famille se réunit autour de la table de la cuisine. Arturo expliqua que son père lui avait expliqué qu’il ne servait à rien de s’enfuir car il ne voulait pas leur faire de mal. Cependant, par respect pour ses ancêtres et sa famille, il avait demandé à Arturo de se rendre à la fête foraine le lendemain soir pour s’expliquer sur ses agissements passés et aussi envisager une solution qui contenterait tout le monde. Evelyne était inquiète à l’idée qu’Arturo se rende seule au milieu de ces gens qu’il n’avait pas côtoyé depuis si longtemps et Marie aussi. Que voulaient-ils vraiment ? Et si aucun accord n’était possible ? Qu’allait-il leur arriver ? Comme ils ne pouvaient pas se sauver, ils décidèrent qu’il était tard et que le mieux était d’aller se coucher et d’en reparler le lendemain matin. La famille alla donc dans leur chambre, et Marie en profita pour prévenir Amélie de son retour et lui promit de lui tout lui expliquer demain après le déjeuner. Sur ce, elle s’allongea et s’endormit immédiatement, la peur et le stress ayant eu raison d’elle.
Elle dormit très mal cette nuit-là. Elle rêva de nouveau de cette vieille gitane, sauf que cette fois, la vieille femme ne la mettait pas en garde, mais se contentait de la regarder sans rien dire. Dans son rêve, Marie essayait de lui parler mais les mots avaient du mal à franchir ses lèvres, comme si on lui avait lancé un sort. La vieille gitane lui fit signe d’approcher et Marie s’avança vers elle. Quand elle l’atteignit, elle se rendit compte que c’était madame Irma. La gitane regarda le poignet de Marie et vit que la cordelette rouge y était toujours. Elle sourit à Marie et, contre toute attente, la serra un instant dans ses bras et lui dit : -Ne t’en fais pas, latcho chabo (gentille fille). Tout ira bien, mais un affront a été fait, et maintenant l’honneur doit être lavé. Il y a trop longtemps que ça dur. Il est temps d’y mettre fin. Marie voulut lui demander ce qu’elle voulait dire par là, mais la vieille dame commençait à s’éloigner et le rêve se termina ainsi. Pourtant, cela lui avait parût si réel. Elle pouvait encore sentir la sensation des mains de la gitane sur ses épaules et une odeur d’eucalyptus semblait envahir sa chambre. Elle se tourna vers son réveil et vit qu’il n’était que six heure trente. Pourtant, bien éveillée, elle décida de se lever et constata que ses parents étaient déjà levés aussi. Ils buvaient leur café en silence, les yeux cernés. Ils n’avaient pas dû dormir bien longtemps non plus. En voyant Marie, sa mère se leva et lui demanda si tout allait bien. Marie raconta son rêve à ses parents. Evelyne écouta et demanda à son mari ce que tout cela pouvait signifier. Arturo regarda sa fille et lui dit : – C’est simple, Marie. Madame Irma est ma mère. Chez les gitans, les pouvoirs sont transmis par les rêves et aussi par la parole. Ma mère se sert de tes rêves pour communiquer avec toi. Maintenant, je ne sais pas ce qu’elle voulait dire mais j’espère que c’est de bon augure. Sur ce, il se servit un bol de céréales et commença doucement à manger. – Comment arrives-tu à avaler quoi que ce soit dans une situation pareille, lui demanda tristement Evelyne. Arturo, le regard las, lui répondit qu’il préférait prendre des forces pour ce qui l’attendait ce soir. Tous trois restèrent silencieux le reste du repas. Quand ils eurent fini de déjeuner, Marie demanda à sa mère si elle pouvait aller un peu chez Amélie, histoire de se changer un peu les idées. Sa mère allait refuser mais son père intervint : – Laisse-là y aller. Elle ne risque rien. Ils ont promis de ne pas vous approcher si je venais les voir ce soir. Vas-y Marie, va voir ton amie. Si ça tourne mal ce soir, tu auras au moins l’occasion de lui dire au revoir. Marie observa son père un instant, puis se dirigea vers la porte d’entrée. Elle regarda néanmoins par la fenêtre avant de franchir la porte, mais ne vit personne, en dehors d’Amélie qui était assise sur les marches de la porte d’entrée de sa maison. Elle fit signe à Marie, et celle-ci la rejoignit en courant. Elle serra son amie dans ses bras, les larmes aux yeux. Elle lui expliqua tous les événements de la veille et quand elle eut fini, son amie la serra par les épaules et tenta encore de la rassurer. Mais cette fois, Marie n’arriva pas à se détendre. Son avenir, ainsi que celui de sa famille était incertain et elle n’avait aucune idée de ce qui les attendait. Elle resta quelques heures avec Amélie, se changeant les idées en jouant à un jeu de société, puis, sur le coup de dix-sept heures, elle rejoignit ses parents. Ils dînèrent en silence et quand Arturo se leva, Evelyne le retint par la manche de son polo. – N’y va pas, Arturo, c’est trop dangereux. Et s’ils te tuaient ? Qu’allons-nous devenir ? J’ai peur, tu sais. Arturo serra sa femme contre lui. – Je n’ai pas le choix, Evy, et tu le sais. Je ne sais pas comment tout cela se terminera mais je te promets que je ferais mon possible pour qu’ils vous laissent tranquille. Sur ces mots, il embrassa sa femme et sa fille et se dirigea vers sa voiture. Il prit la route menant à la fête foraine. Marie regarda les feux arrière de la voiture jusqu’à ce qu’elle ne les distingue plus et se demanda si c’était la dernière fois qu’elle voyait son père. Elle se mit à pleurer. Sa mère, les larmes aux yeux également, la serra dans ses bras. Maintenant, il leur fallait attendre. Le rendez-vous avait été fixé à dix-neuf heures. La mère et sa fille s’installèrent dans le canapé du salon et attendirent en silence.