Le lendemain, elle ne dit pas un mot de la journée. Elle pensait à ce que Mathéo lui avait dit mais aussi à ses parents et à Jacques car elle ne lui avait pas encore dit qu’elle avait retrouvé ses géniteurs.
Mathéo remarqua son mutisme et espéra qu’elle n’était pas fâchée contre lui à cause de la veille. Arthur et Manon pensaient, avec raison, qu’elle s’inquiétait au sujet de son père.
Mais ses professeurs, eux, s’en fichaient de ce à quoi elle pensait, elle devait suivre le cours. Alors elle récolta trois devoirs supplémentaires, un en anglais, un en technologie et un en mathématiques. Pour ce dernier Manon dit que c’était parce que cette professeure était vraiment méchante et horrible.
Cela dura une semaine. Une semaine durant laquelle Elleana récolta des tonnes de devoirs supplémentaires, des regards inquiets, curieux ou désapprobateurs. Une semaine durant laquelle elle ne dit presque pas un mot et songea à ses parents, à Jacques, aux Éléments, à ses amis, à Mathéo… elle pensa à tout ce qui faisait sa vie, tout ce qui la rendait heureuse, tout ce qui la rendait triste. Tous les soirs de cette semaine, Mathéo la raccompagnait chez elle pour lui parler, mais elle ne répondait rien, il parlait dans le vide… enfin, c’était ce qu’il pensait.
Les Éléments aussi trouvaient le comportement de la jeune fille inhabituel, mais ils ne posèrent pas de question car elle continuait à s’entraîner en s’améliorant.
Le premier jour de la semaine suivante, quand elle se réveilla, elle avait compris… tout.
Elle descendit avec un grand sourire, mangea avec appétit et parla de tout et de rien. Jacques n’en revenait pas. Au collège ce fut pareil, elle avait l’air de revivre et personne ne comprenait, mais personne ne lui demandait ce qui lui était arrivée non plus.
Après les cours, Mathéo ne dit rien sur le chemin. Mais arrivée juste devant la maison, Elleana s’arrêta et le regarda. Pendant un long moment ils se regardèrent sans rien dire. Puis Elleana se rapprocha et l’embrassa, ce fut un baiser doux. Lorsqu’elle recula pour s’en aller, Mathéo l’attrapa par le bras et l’embrassa à son tour, mais avec plus de passion et la garda serrée contre lui pour ne pas qu’elle s’échappe.
– Pourquoi tu es restée si silencieuse ?
Elle s’éloigna un peu pour pouvoir le regarder.
– Au début, j’étais en état de choc. Ensuite j’ai réfléchi, beaucoup. Et c’est finalement hier soir que j’ai compris.
– Qu’est-ce que tu as compris ?
– J’ai compris qu’Eau et Vide n’étaient pas mon père et ma mère. Je n’ai pas de mère et c’est Jacques mon père. Peut-être qu’un jour Eau deviendra ma mère, mais pour l’instant non.
– Tu as mis une semaine pour comprendre ça ? demanda le garçon avec un sourire.
– Non, bien sûr que non. Grâce à ça j’ai compris qu’il fallait que je combatte Vide, quoi qu’il arrive.
– J’espère que tu as aussi compris que tu ne pourrais pas te débarrasser de nous.
Elle rit.
– Oui. Mais j’ai aussi compris quelque chose d’essentiel. J’ai compris que depuis que je te connais, je ne te considère pas seulement comme un ami. Depuis tout ce temps, je t’aime, Mathéo. Et je suis contente de m’en être rendu compte.
– Moi aussi, je suis content que tu t’en sois rendu compte. Parce que moi je m’en suis rendu compte dès le début. Tu m’as fait attendre longtemps, mais ce n’est pas grave parce que, maintenant, je peux te le dire. Je t’aime, Elleana.
Et ils s’embrassèrent.