Cauchemar – 25

3 mins

                                VINGT-ET-UN — ALEXANDRE

 Les deux jours avant samedi furent tendus. Maëlle était stressée, je la soupçonnais de ne pas m’avoir tout dit sur sa famille, mais je lui faisais confiance. M. Bacheux nous regardait, inquisiteur. Il ne comprenait pas que j’ai changé en si peu de temps, il ne pouvait pas savoir que Maëlle était, en fait, une déesse tentatrice.

 Heureusement, je ne faisais plus rien en cours ce qui me permettait de me préparer psychologiquement à l’affrontement de samedi. En effet, je m’étais cassé la main droite et j’étais droitier, donc je ne pouvais plus plus écrire le cours. Maëlle photocopiait son cahier pour que j’ai quand même une trace écrite. Mme Chousse fit évidement une remarque à ce sujet :

 – Eh bien, tu n’écris pas le cours ?

 Je levai mon bras blessé.

 – Non, je ne peux pas.

 – Ah. Et comment t’es-tu fais ça ? Une bagarre ?

 Son insinuation était claire, elle me considérait comme un sang chaud bagarreur. Je la défiai du regard.

 – Non. Un accident pendant un déménagement.

 Je ne mentais pas, mais elle ne me croyait pas. Tant pis pour elle.

 Elle ne répondit rien et repris son cours. Je sentis le regard de Samuel sur mon bras, lui non plus ne me croyait pas.

 J’avais commencé à lire le journal de mon père. Il racontait ses mésaventures, Paul était très méchant avec lui et il n’arrêtait pas de lui jouer des tours. Mais seulement des plaisanteries enfantines, rien qui ne laissait présager un meurtre.

 Samedi matin, Maëlle était venue chez moi pour faire le point. Elle était très stressée.

 – Bon, euh… tu ne vas pas être content. Mais je ne t’ai pas tout dit sur ma famille.

 Je soupirai.

 – Je m’en doutais.

 Elle fit la grimace, contrite.

 – Il faut que tu saches que tout ce que tu feras en présence de ma mère sera minutieusement évalué.

 Sa tension était contagieuse. Tout ce que je ferai ?

 – Pendant le repas, ne parle pas si on ne t’as pas posé de question, continua-t-elle, sans remarquer mon trouble. Mange proprement.

 Je hochai la tête nerveusement.

 – Ensuite on va passer au salon, ils vont te proposer de boire quelque chose, tu es obligé d’accepter.

 – OK. Donc, je mange proprement, je ne parle pas et je prends un thé, énumérai-je.

 – C’est ça. Ensuite, on va jouer à un jeu de société, ce sera un jeu très connu, Monopoly, Bonne Paye ou un truc dans le genre.

 – D’accord. Je suis imbattable aux jeux de sociétés.

 – Alors, non, justement. Tu dois laisser mon père gagner.

 – Quoi ? Mais c’est n’importe quoi ! Pourquoi je ferai ça ?

 – Parce que sinon, mon père va être insupportable tout au long de la soirée. Et, pire, il risque de ne pas t’apprécier.

 – Mais, Maëlle… mon père nous disait toujours que seul quelqu’un qui mérite de gagner peut gagner. Je ne peux pas laisser gagner ton père.

 Elle me regarda, désolée.

 – Écoute, je sais que tu veux honorer la mémoire de ton père, dit-elle doucement, mais là, c’est un cas d’extrême urgence. Si tu ne laisses pas gagner mon père, ma mère ne t’acceptera jamais sous son toit.

 – D’accord, dis-je après un silence.

 Elle paraissait soulagée.

 – Merci. Je suis désolée de te demander une chose pareille.

 – Je comprends, c’est nécessaire.

 – Bon, derniers conseils : ma mère va te poser des questions que tu ne vas pas aimer, garde ton calme, elle te teste. Mon père va raconter des blagues pourries, ris ou au moins souris, je lui ai dit que tu ne riais plus trop mais que tu appréciais les blagues.

 – D’accord, je vais essayer de ne pas péter un câble. Ce serait dommage de casser le bras de ton père, n’est-ce pas ?

 – Oui, un peu. Surtout si juste après tu lui demandes de t’héberger.

 Je souris.

 – Bon, heureusement que tu seras là. Sinon je ne pense pas que je pourrais tenir le coup, lançai-je.

 Elle prit ma main et la serra.

 – Bien sûr que je serai là.

 Je hochai la tête, en lui serrant la main en retour.

 – Tu leur à dit quoi sur mes « problèmes » ?

 – Rien. Ils savent juste que tu as des problèmes familiaux et que tu n’auras plus de logements dans dix jours.

 Elle allait ajouter quelque chose, mais elle s’interrompit. Elle hésitait, mais elle finit par dire :

 – Mon petit frère sait que c’est un peu plus grave mais je ne pouvais pas faire autrement, et il ne te posera pas de problème.

 – D’accord. Comment il s’appelle ?

 – Nathan. Il est muet et ma mère en souffre alors évite de faire un commentaire.

 – OK. Je crois que je suis prêt.

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