La peur d’un libraire fou
TORI
Mes parents agissaient étrangement depuis quelques jours. J’avais dix-huit ans et cinq jours, et cet âge dépassé rendait mes parents étranges. J’avais l’impression d’être surveillée sans arrêt, ils me suivaient comme des animaux de compagnies et guettaient mes faits et gestes minutieusement. Je n’avais pas eu l’impression de grandir ces temps-ci, mais plutôt de revenir en enfance.
En rentrant du cinéma, j’avais fouillé mon téléphone de fond en comble, mais rien. Il n’y avait rien de plus ou rien de moins : pas de nouveaux contacts, ni de messages ou de notes, ou de photos. Absolument rien. J’étais quelque peu déçue, ce Grégoire avait éveillé ma curiosité. Et si j’étais têtue, j’étais autant curieuse et déterminée. S’il fallait que je retrouve moi-même cet homme, j’allais me gêner.
En ce début de mois d’août, je me baladais dans Chicago et déposais quelques curriculum vitae dans plusieurs échoppes ou magasins. En effet, j’avais décidé, en quittant le lycée, de passer une année sabbatique, avant de me lancer dans mes études ; ce qui avait eu le don de faire paniquer mes parents. Mais j’avais été claire avec eux, ce n’était pas une quelconque paresse ou démotivation qui me poussait à faire ce choix, mais surtout mon incapacité à entrevoir mon avenir. Je n’avais aucune ambition pour mon futur et si j’avais bien peur d’une chose, c’était de faire le mauvais choix. Alors ce stress s’était transformé en peur viscérale et je tentais le tout pour le tout afin d’éloigner le plus possible le moment où je devrais faire le choix fatidique de mes études. Je savais que c’était stupide et irresponsable, qu’à la fin, je n’aurais justement plus ce choix. Mais j’étais jeune, et butée. C’est pourquoi, trouver un emploi ne me dérangeait pas spécialement, néanmoins, je sais que je ne pourrais y rester longtemps. J’avais la bougeotte et mon besoin de changement, de voir et vivre de nouvelle chose me suivait. Il était très dur pour moi de rester dans un même poste durant des mois.
J’avais déposé mon CV un peu partout : dans des supers-marchés, des magasins de vêtement, des boutiques en tout genre… J’avais vite fait le tour cependant, arrivée à une intersection, une librairie se dessina sous mes yeux. J’adorais les librairies, puis les livres m’avaient toujours passionnée. Je trouvais alors l’idée intéressante de postuler dans cet endroit. C’était étrange, car je n’avais jamais remarqué cette bâtisse auparavant. J’ai pourtant passé des années à cartographier mentalement ces bibliothèques et librairies dans tout Chicago, pour ne pas en manquer une seule. Je me mis à penser qu’elle était probablement nouvelle dans le coin.
Je dépassais le porche et des cloches tintèrent lorsque j’ouvris la porte. Pour une nouvelle librairie, elle paraissait crouler sous les années. Effectivement, le magasin était étroit et poussiéreux. Des bibelots étranges et qui semblait venir d’autres siècles se mélangeaient dans la pièce, quelques toiles d’araignée ayant déjà recouvert la plupart. De gros bouquins sombres qui ressemblaient à des vieux grimoires étaient rangés pêle-mêle, sur des étagères ou tout simplement empilés sur le sol. Il n’y avait qu’une fenêtre qui laissait échapper un fin rayon de lumière de l’extérieur, éclairant la caisse : il n’y avait personne. Je me rapprochais doucement, en me faufilant à travers les piles de livres sans en faire tomber, une petite sonnette était placée au niveau du comptoir. J’appuyais dessus et dès que le son perçant brisa le calme effrayant de la pièce, la voix d’un vieil homme me fit sursauter.
Je me retournais, la main sur mon cœur qui battait la chamade. Il était complètement apparu derrière moi, comme par magie, il n’y avait aucune autre entrée à part celle que j’avais prise ou sinon, il avait laissé sa librairie sans surveillance, peut-être par manque de personnel, une raison de plus pour moi de postuler ici.
— Vous m’avez fait peur ! Ne puis-je m’empêcher de m’exclamer.
Le vieil homme fronça ses sourcils fournis, il possédait une énorme tignasse bouclée poivre et sel. Il était imposant et dégageait une aura qui m’intimidait presque.
— Qu’est-ce que tu veux ?
Sa voix était sortie d’outre-tombe, inqualifiable, elle me fit froid dans le dos bien que pour une fois, je n’avais rien à dire. Je semblais bien bête.
— Euh… J’ai… Je viens pour me présenter, je suis à la recherche de travail et…
— Je n’ai pas besoin d’employée, tu peux partir.
Il me montra la porte derrière lui.
— S’il vous plaît, je suis disponible toute l’année et puis cet endroit aurait besoin d’un coup de chiffon si vous voulez mon avis. Je pense être utile ici.
Sans que je n’en sache la raison, j’avais très envie de travailler dans cette pièce lugubre. Après tout, cela changerait de mon quotidien morne.
— Je n’ai pas besoin de toi, et surtout de quelqu’un comme toi. Sort de ma propriété, éleva-t-il la voix.
Il semblait de plus en plus en colère et je commençais à me demander ce qu’il m’était passé par la tête pour vouloir travailler avec ce vieux fou dans cette librairie inquiètante.
— Comment ça : quelqu’un comme moi ? Fronçais-je les sourcils, bouche bée.
— Va-t-en ! Démon ! Je ne le répéterai pas ! Brailla-t-il et levant ces mains, prise d’un réflexe, je me ruai vers la porte d’entrée en faisant basculer quelque pile de livre qui tenaient encore par je ne sais quel miracle. Je m’arrêtai de courir seulement après m’être éloignée le plus possible de cette librairie de malheur.
Je n’avais pas rêvé, il m’avait traité de « Démon », comme si j’étais un déchet. Sûrement, une vieille insulte de son époque, dans tous les cas, plus jamais je ne remettrais les pieds dans sa propriété. C’était simplement un fou qui avait besoin d’aide pour calmer ses crises de colère. Néanmoins, ma curiosité était piquée à vif. Je voulais feuilleter ces vieux livres, j’y pensais de plus en plus au fil des jours.
Lors d’un samedi soir, alors que je passais ma soirée à lire un livre, ce libraire me revint en mémoire. Sa façon de me rejeter avait été très violente, il est vrai. Je ne lui avais rien fait et pourtant, ce vieil homme avait eu de la haine rien qu’à ma vue. J’y avais réfléchi, il était probablement un ermite et ne supportait aucune compagnie. J’étais partagée entre le fait de ne plus jamais y mettre les pieds pour ne pas me faire assassiner – ce qui était rationnelle -, puis le fait d’y retourner, prudemment, sans trop le brusquer.
Il faisait une chaleur affreuse, et je restais devant l’entrée de la librairie, supportant avec peine le soleil qui me tapait en plein visage. Je ne savais pas ce qui était le plus désagréable entre ça et ce vieux libraire grincheux. Je finis par ouvrir la porte, comme la dernière fois, la boutique était laissée sans surveillance. Je m’approchais alors des étagères, quelque peu soulagée de ne pas le voir dans les parages. Je faisais encore attention de ne rien déranger et laisser ma main caresser le dos des livres poussiéreux. Une étiquette était accrochée avec un fil qui entourait le livre, le prix y était marqué à l’encre noire. J’en pris un au hasard, ne sachant pas par ou commencer, des centaines s’offraient à ma vue.
« Les Sceaux Protecteurs de la Grande Sorcière Turner »
Je me mis à ricaner. Ça m’avait tout l’air d’une histoire pour enfant. Avec le sourire, je me mis à le feuilleter et me rendis compte que c’était écris à la main, d’une écriture ancienne, je ne comprenais pas tout et certains mots me paraissaient inutilisable dans un simple livre pour enfant. Ce n’en n’était définitivement pas un…
— Dois-je me répéter, mécréante.
Je sursautais, bien sûr. Il avait le don d’apparaître comme bon lui semblait et il aimait s’adonner à lancer des insultes plus étranges que les autres.
— Je viens ici pour acheter, dis-je finalement après quelques secondes où je tentais de calmer les battements de mon cœur effrénés.
Il arrivait vraiment à me faire peur comme jamais je n’avais peur devant un simple vieillard. Je lui montrais le livre et il fronça ses sourcils broussailleux.
— C’est un exemplaire unique, écrit par la seule et l’unique Madalena Turner. Tu crois que j’ai envie de te le vendre.
— Mais c’est une librairie, non ? Il y a un prix, je lui montrais l’étiquette et soudainement, elle se désintégra dans ma paume et finit en poussière.
— Qu’est-ce que…
— Et il ne veut pas de toi, apparemment. Pas étonnant, railla-t-il comme si de rien était, en arrangeant sa caisse.
— C’était quoi, ça ? Soufflai-je, regardant avec incompréhension ma main remplis de poussière qui tombait sur le parquet.
Ma poitrine se levait au rythme de mes battements de cœur : rapidement. Ce n’était pas normal. Ce n’était pas habituel. Ce n’était pas possible. Ce n’était pas…
— Tu vas arrêter de regarder ta main comme si elle ne t’appartenait pas, Démon. Sinon je ferais en sorte de te la supprimer.
C’était une menace. Il voulait me trancher la main ?
— Quel est cet endroit ? Réussis-je à articuler, en me souvenant ou était la sortie.
Ma sortie de secours, je dirais même.
Le vieil homme soupira et sortit de sa caisse. Il était imposant, et même si la vieillesse avait attaqué ces traits, il avait la forme d’un jeune homme en pleine santé. Il s’approcha de moi et j’étais tétanisée, incapable d’un mouvement. La panique avait envahi mes membres durs comme du béton. Je respirais par les lèvres et peinais contrôler mon souffle.
— Toi, qui es tu, Démon ? Le libraire arbora un sourire et me surplomba de plusieurs centimètres.
J’avais été la stupide chèvre qui s’était rendu dans la gueule du loup et je ne m’en rendais compte qu’à cet instant, impuissante. Et stupide.
— Ton peuple est pourri jusqu’à la moelle ne t’attend pas à ce que je te laisse entrer chez moi et encore moins à ce que je t’offre un travail. Espèce de sale…
— Ça suffit Pierre, s’éleva soudainement un voix grave et ferme.
J’étais devenue muette. Complètement bloquée dans un mutisme qui trahissait ma peur. J’étais perdue, ne sachant pas quoi faire, quoi dire… C’était une première. Le vieux libraire, par ma grande surprise baissa le regard et disparu, instantanément, dans un nuage de fumée. J’avais réellement perdu la tête.
— Tori, viens avec moi.
Une grande main chaude prit la mienne et je me laissais faire, tel une poupée de chiffon. Mon corps qui était resté tendu un moment devint instantanément malléable. J’étais sous le choc.
L’homme que j’avais reconnu étant Greg, m’avait emmené un peu plus loin dans un parc, nous nous étions assis et je triturais mes doigts. Il prit la parole en premier :
— Tu vas bien ?
— Oui, dis-je rapidement. C’était qui ce malade ? C’est un magicien, un illusionniste ? Ou tout simplement un cinglé ! Commençais-je à m’énerver sans me rendre compte.
— Il est pas très commode, je te l’accorde.
J’avais envie de hurler devant son calme Olympien. Il cherchait quelque chose dans son sac à dos et me tendit une enveloppe. Prise de rage, je l’arrachai et la jetai dans la poubelle à ma droite. Greg souffla et se plaignit :
— Mais non ! Je n’en n’avais qu’une…
— Maintenant, tu vas m’expliquer, ordonnais-je, à l’oral. C’est toi qui m’a pris mon télèphone au cinéma, qu’est ce que tu as fait ?
Je n’avais rien à faire de sa stupide enveloppe, je voulais des paroles.
C’est drôle comme, du jour au lendemain, tout pouvait être balayé en quelques paroles. Le temps de certains mots prononcés, de plusieurs secondes seulement. La vérité, c’était qu’une vie entière ne suffisait pas, et ce n’était pas une question d’être plus ou moins impressionnable, non ; mais plutôt de savoir accepter l’impossible, ce qui n’était pas donné à tout le monde. La plupart en avaient peur.
— Le monde n’est pas comme tu le vois, Tori. Il est bien meilleur, plus grand, plus vaste, et plus peuplé. Il y abrite des Êtres Humains, et d’autre espèces. C’est…
— Va droit au but, Greg.
— Ne me presse pas, c’est compliqué, tu sais. Tu ne fais pas partis des Êtres Humains, Tori. Tu es différente en quelque sorte, comme moi, comme des milliers d’autres personnes.
Il semblait mal à l’aise. Je me mis à rire sans humour et sans vraiment savoir pourquoi.
— Je suis quoi alors ? Une extraterrestre ? Je viens de la planète mars ? Je suis Superman ?
Greg roula des yeux. Je me moquais de lui ouvertement, mais ce qu’il me racontait était vraiment à tomber par terre, je n’arrivais pas à être sérieuse et le sarcasme était mon arme de défense.
— Ne dis pas des bêtises aussi grosses que toi, Superman n’existe pas. Tu es une surnaturelle, une Demesse particulièrement. C’est plutôt rare d’ailleurs.
— Ne te moque pas de moi !
Je m’étais quelque peu énervée, il est vrai. J’avais presque craqué. C’est qu’il était agaçant, à se comporter si sereinement dans une situation qui anormale. Je voulais le secouer, le frapper pour qu’il m’annonce que tout ceci était une caméra cachée.
— Écoute Greg, tu me semble gentil et remplis de bonne volonté, mais il faut que tu comprennes que c’est juste… Je ne sais pas… Je ne sais pas quoi dire ou comment réagir, c’est invraisemblable, je veux juste… Rentrer chez moi, soufflais-je au bout de plusieurs respirations. Je veux juste oublier l’image de ce libraire cinglé, pour l’instant.
C’est ainsi que je me retrouvais dans ma chambre, mon dos contre la porte. J’étais rentré chez moi, dans un état second, Greg m’avait laissé partir sans un mot. J’avais l’impression que toute ma vie était un énorme mensonge, un décor qui venait de tomber sous mes yeux. Je ne savais pas s’il était sage de croire aveuglement les mots de Greg. Quel était le but ? Des centaines de questions se bousculaient dans mon esprit et je ne savais pas par ou commencer. Devais-je faire comme si rien de tous cela ne s’était passé ? Après tout, mon existence était plutôt plaisante. J’avais une vie normale à souhaits, lambda, sans artifices. J’allais faire de longues études, toucher un salaire convenable et qui sait, fonder une jolie petite famille.
Je me levais soudainement, le miroir de ma coiffeuse me montrant mon reflet. Une Demesse ? C’était étrange comme mot, et qu’est ce que c’était ? Qu’est-ce que j’étais ?
Je me regardais un moment, j’avais un corps d’Humaine. Greg aussi, pourtant, il m’avait certifié qu’il était différent, lui aussi. Était-il un Demesse également ? J’aurai dû lui demander au lieu de partir comme une voleuse, mais c’était plus fort que moi. J’avais besoin de temps et de réfléchir par moi-même. En vérité, je voulais fuir. Toutes ces questions n’avaient pas effleuré mon esprit lorsque quelqu’un était présent pour y répondre et je me maudissais pour ça. Mon regard se releva vers mon visage, vers mes yeux. Étranges, bizarres, originaux, magnifiques, et violets. Mes géniteurs étaient alors différents à leur tour. J’essayais de me souvenir d’eux, ou de leur visage, en vain.
Comment pouvais-je les oublier ? Je n’avais été adoptée qu’à mes sept ans, je devrai avoir des souvenirs, c’était grotesque ! J’avais une très bonne mémoire, soit aucune excuse pour oublier des personnes aussi importantes dans ma vie.
Mes mains s’accrochèrent dans mes cheveux, et je tirais, fort.
— Rappelle-toi, rappelle-toi, rappelle-toi, rappelle-toi, rappelle-toi. Idiote ! Hurlais-je soudainement sur mon miroir prise de colère par l’incapacité de mon esprit à fonctionner correctement, une longue fissure apparut sur celui-ci, en une fraction de seconde, il se brisa en milliers d’éclats sur le sol.
Je n’avais pas bougé d’un millimètre, mais avais fermé mes paupières par réflexe. Ma poitrine me faisait mal à force de respirer si rapidement. J’avais l’impression que mon cœur allait éclater. Rien n’allait, ce n’était pas normal. Ça m’apprendra à crier comme une idiote.
— Tori, tu vas bien ?
Ma mère déboula dans ma chambre tel un boulet de canon.
— Oh mon Dieu ! Tori, tu vas te couper. Ne bouge pas.
Elle hurla le prénom de mon père qui arriva aussi vite que ma mère, tandis qu’elle allait probablement chercher de quoi nettoyer ma bêtise.
— Pardon, je… Ce n’est pas.. Je n’ai pas fait exprès.
Je bégayais, ne sachant honnêtement pas ce qu’il venait de se passer. Comme lorsqu’un vieux libraire à fait disparaître l’étiquette entre mes mains.
— Ce n’est rien. Ça arrive, sourit faussement mon père qui était accoudé au chambranle de la porte, m’observant.
Ils avaient relâché quelque peu leur surveillance ces temps-ci, mais mon petit doigt me disait qu’ils allaient doubler leurs efforts après ce qu’il venait d’arriver. Et je venais même à me dire que ce n’était pas plus mal. Je ne voulais faire de mal à personne.
Oui, c’était moi qui avais fait ça, comme lors de l’anniversaire de Manon lorsque j’étais enfant, mes parents le savaient.
Mon père me regardait gravement, je me sentais honteuse d’un coup. Alors que ma mère ramassait les bouts de verre soigneusement autour de mes pieds, je marchais vers mon père en contournant les bouts de verre, et il baissa son regard sur moi tandis que j’arrivais face à lui. Il avait les bras croisés. Jamais je n’avais vu une telle lueur dans ses yeux, je ne savais pas à quoi il pouvait bien penser et ça me terrifiais.
— C’est moi qui ai fait ça, avouais-je le cœur au bord des lèvres, mais je ne sais pas comment.
Ma gorge se serra, c’était beaucoup pour une journée, mais je me refusais de pleurer, je n’aimais pas pleurer. Aucune larme ne coula, ma mâchoire était serrée. Les grandes mains de mon père se retrouvèrent de part et d’autre de mon visage.
— Je t’aime. Tu m’entends, quoi que tu aies fait ou quoi que tu sois. Je t’aime, d’accord.
Je hochai rapidement la tête en pinçant des lèvres. C’était ce que je voulais entendre, c’est ce que j’avais besoin d’entendre.
Nous n’en avons plus jamais parlé, c’était comme si rien n’était arrivé. Et je ne savais pas si c’était une bonne ou mauvaise chose. Il n’y avait également eu aucun autre événement étrange. Une aura étrange flottait dans la maison des Blake et je ne savais pas comment l’interpréter. Je déambulais dans les couloirs sans but, après tout, je n’étais qu’une entité en quête d’une identité.
J’avais réussi à me construire une vie après mon adoption, une nouvelle vie, même si au fond de moi, je sentais que là n’était pas ma place, j’avais appris à vivre avec. Cependant, ces derniers événements m’avaient terrassé un peu plus et m’avaient prouvés que je n’étais réellement pas une Blake et que je le serais sans doute jamais. Il fallait que je me fasse une raison, et même si mes parents étaient les personnes les plus bienveillantes et compatissantes que j’avais connues dans ma courte vie, je ne voulais pas être leur secret inavouable. Ma mère ne pouvait pas avoir d’enfants, c’est ce qui les avait poussés à l’adoption. Rare était les couples qui voulaient des enfants déjà âgés de quelques années et pourtant, Chris et Thérésa, mes parents, m’avaient acceptés. Néanmoins, je n’étais pas ce qu’ils voulaient. Pas Humaine ? Ils voulaient un enfant, plus que tout au monde, pas d’un problème ambulant. La culpabilité me rongeait et ce n’était pas un euphémisme.
Je comprenais, dorénavant, ce que Tante Gloria voulait dire. Elle voulait prévenir mon père du danger que je pouvais engendrer. C’était au-delà de ce qu’ils pouvaient comprendre, moi-même étant dépassée par toutes ces nouvelles choses. J’avais besoin de réponse, Grégoire m’avait contacté par téléphone. J’avais ensuite deviné qu’il avait dû récupérer mon numéro au cinéma. Nous nous étions donné rendez-vous dans un café, il m’avait juré de répondre à toutes mes questions, mais bien sûr, je me doutais que ça n’allait pas être aussi simple.
Alors que je m’apprêtais à sortir de la maison, ma mère apparut, une tasse de thé fumante dans les mains.
— Où vas-tu ? Me demanda-t-elle alors que je mettais mes bottes.
— Je sors, voir un ami.
— Camille ?
Ça faisait longtemps que je ne lui avais plus donné de nouvelle, je réfléchissais trop pour discuter d’un sujet banal comme on avait l’habitude de faire avec Camille. Puis je ne me voyais pas me confier à elle, on parlait de Camille.
— Oui.
— Je connais ma fille, Tori. Et elle ne sait pas mentir, rétorqua ma mère, ferme.
Je soufflai sans lever mon regard de mes lacets, je ne voulais pas voir son visage. J’entendis sa tasse se poser sur la commode de l’entrée.
— Rien d’intéressant, ne t’en fais pas, marmonnais-je en me retournant vers la porte, prête à sortir.
Cependant, ma mère me prit par surprise en s’accrochant à mon bras pour me placer face à elle. Je ne lui avais pas résisté, stupéfaite de son geste.
— Tu es tellement distante ces temps-ci et perdue. Tu sais, je suis déçue que tu ne nous fasses pas assez confiance pour te confier sur ce qui ne va pas. Nous nous inquiétons, ton père et moi. Et si nous pouvons t’aider, nous le ferons, tu le sais très bien. Alors sois honnête, je t’en pris. Plus de mensonges ou de secret.
Elle paraissait tellement tourmentée d’un coup, jamais je ne l’avais vu ainsi. Elle paraissait avoir cent ans. Ces traits étaient tirés et des cernes entouraient ses yeux. Je me sentais coupable de ne pas l’avoir remarqué plus tôt. Ma mère s’inquiétait réellement pour moi. Je me mis à lui sourire.
— Tout va bien. J’ai… Je respirais une grande goulée d’air, puis décidai d’avouer : je vais voir quelqu’un qui pourra répondre à mes questions.
Elle fronça les sourcils puis sa main se lova contre ma joue.
— Qui ça ?
— Un homme, il s’appelle Grégoire. Il dit qu’il est comme moi et qu’il pourra m’éclaircir sur… Ce que je suis ? Sans doute, je me mis à rire d’un rire sans joie alors que mon regard vissait le sol.
— Non, non… Je ne ne veux pas que tu y ailles, dit-elle et je restai abasourdie.
— Pardon ?
— Tu m’as très bien entendue. Tu ne le connais pas, il peut être dangereux ou il peut te mener en bateau. Les gens sont méchants Tori, et ils ne pensent qu’à leur propre intérêt. Tu n’iras pas le voir.
La colère monta, comment osait-elle me dire ça ?
— Comme vous, non ? Dis-je en serrant la mâchoire pour ne pas en dire trop mais c’était peine perdue.
J’enlevais sa main de ma joue et elle resta pantoise.
— Vous me surveillez sans cesse pour que je ne sache pas la vérité ! Vous avez déjà vu Grégoire, je le sais, Tante Gloria l’a dit. Vous voulez me garder pour vous, dans le déni. Mais jamais vous n’avez pensé à moi ? Je suis une parfaite inconnue à mes yeux et ça ne vous fait ni chaud ni froid, Crachais-je véhémente.
— Tori…
Je ne voulais pas continuer cette discussion, l’émotion me serra la gorge et je partis en vitesse, sans un regard en arrière. Je regretterai mes paroles plus tard, je devais d’abord aller voir Grégoire.
Moi je trouve très bien qu’un jeune se frotte au monde du travail avant de choisir sa voie.
Un an de boulot, ça donne envie de faire des études!!
Désolé de n’avoir pas tout lu, je suis un peu fainéant quand c’est trop long.
Serena, ton histoire est super.
Peux-tu diviser par 3 ce chapitre et le ré-éditer?
Moi je préférais les chapitres précédents, plus courts.
J’adore ta petite sorcière.
Pour me faire pardonner, j’ai lu tout le texte. C’est franchement bien écrit et riche. Tu as un vrai talent. Bravo.
???????????????????? Bravo. Oh et je suis de l’avis de Christophe. Ça rendrait l’histoire plus riche.
J’ai beaucoup aimé ce chapitre. Je trouve que tu écris vraiment bien.
J’ai hâte de savoir ce que Greg va lui avouer.
Merci beaucoup Gaëlle ! C’est gentil :))