(J’ai coupé le chapitre en deux pour que cela soit moins long, j’espère que ça ira ! (environ 10 min par partie, parfois moins) merci beaucoup pour vos retours, vous êtes adorables !)
De la colère à la fascination, partie 1.
TORI
— Comment vas-tu ?
Nous nous étions retrouvés dans un café, il n’y avait personne à cette heure-ci et je ne pouvais que m’en réjouir, il fallait que j’écoute Greg attentivement.
— Ça peut aller.
En vérité, une boule au creux de mon ventre me coupait l’appétit. Laisser l’un de mes proches suite à une dispute, en l’occurrence, ma mère, était ce que je détestais ; pour moi, il était important de pouvoir terminer une conversation sur des bons sentiments plutôt que des mauvais, de peur que ce soient les derniers mots qu’on puisse leur adresser. C’étaient des pensées sombres mais véridiques, je ne savais pas ce qui me poussait à y prendre autant d’importance, mais j’étais sûr au plus profond de moi-même qu’un homme de confiance m’ait déjà mise en garde par le passé.
— Tu disais ?
Grégoire fronça les sourcils, en ramenant le goulot de sa bière à sa bouche. Il était beau ainsi, la mine sombre, le regard profond. Il portait un tee-shirt simple blanc sous une veste en cuir. Accoutumé ainsi, il ressemblait à un motard. C’était la première fois que j’avais affaire avec lui aussi longtemps et cela m’avait permis de remarquer certains détails. Greg avait plusieurs cicatrices sur son visage, comme s’il s’était battu des centaines de fois : une à l’arcade, qui révélait probablement plusieurs points de suture ; et une longue barrait sa joue, comme si on lui avait entaillé lentement et d’une précision incroyable. Ses cheveux lui arrivaient sur la nuque, il avait tendance à sans arrêt y fourrer sa main pour les remettre en place, ne créant qu’au final, un amas de désordre. Ses yeux marrons, virant quelques fois dans une couleur plus claire, comme de l’or, je ne savais pas si j’hallucinais ou si c’était seulement la lumière de la pièce qui créait cet effet d’optique. Il avait le visage fermé, et ne tentait rien pour me mettre à l’aise, mais je sentais qu’il essayait. Ça ne lui coûtait pas, mais ce n’était pas dans ses habitudes d’être si compréhensif.
— Je disais que tu pouvais poser tes questions. Je pense que ça serai plus simple, il ne faut pas que je te déballe tout d’un coup. Si je me souviens bien ta réaction d’avant-hier, soupira-t-il.
— Je suis désolée pour ça, j’étais à cran puis le libraire…
— Pierre.
— Oui, il était dangereux.
— C’est un Psychic, me révéla Greg comme si cela justifiait tout.
— Un quoi ?
— C’est la créature surnaturelle la plus timbrée que tu puisses rencontrer, ricana-t-il.
Je me mis à sourire, et Greg ne comprit pas ma réaction. Avec le temps, j’ai pu réfléchir sur ce que cette discussion pouvait m’apporter. Au-delà du stress, il y avait une certaine curiosité qui avait frayée son chemin pour remplacer la colère. Ma réaction avait été plutôt naturelle et rempli d’anxiété. C’était égoïste, j’avais surtout peur pour moi et pour la personne que j’étais devenu, une personne qui n’existera plus, désormais. Un monde totalement inconnue s’ouvrait à moi et j’étais tellement impatiente d’en apprendre plus, quitte à me mettre en danger, qui avait dit que j’étais raisonnable ?
— Parle-moi d’eux.
Le jeune homme se redressa sur sa chaise et posa ses coudes sur la table pour se rapprocher, j’en fis pareil, comme s’il me mettait dans la confidence, j’adorais ça. Il prit une grande inspiration, et parla :
— Le Psychics est malin, fourbe mais talentueux, doté d’une férocité inhumaine, il est capable de faire souffrir une personne jusqu’à la mort, écarteler chaque membre un par un, lentement, puis faire bouillir son sang qui coule dans ses veines, rien qu’avec le pouvoir de l’esprit, il tapota sa tempe avec son index et son majeur, Greg chuchotait presque ses mots, me filant de long frissons le long de mon épine dorsale.
Tous compte fait, je n’étais vraiment pas préparée pour cette discussion.
— Ils sont implacables. Et capable de grandes choses, à la manière des Sorciers.
C’est lorsqu’il s’éloigna de moi en posant son dos sur le dossier de sa chaise que je me rendis compte que je retenais mon souffle. Les Psychics semblaient être des créatures du Diable. Et pourtant, une Tori cachée au fond de moi voulait en rencontrer, assoiffée d’une curiosité malsaine.
— Des Sorciers ? Tiquais-je alors, je pensais qu’il n’y avait que des Demesses, avouais-je.
Greg but une gorgé de bière et ria rapidement, sans se moquer de moi, mais en se rendant compte qu’il avait du pain sur la planche à m’expliquer tous ce que j’avais manqué.
— Tori, il y a de nombreuses choses que tu ignores de notre monde et je peux t’éclaircir sur quelque point. Néanmoins, il y a des questions auxquelles je préfère ne pas répondre. Turner t’expliquera mieux que moi, je pense.
Turner ?
— Madalena Turner ? Me souvenais-je du livre chez Pierre, le libraire fou.
— Ouais, la directrice d’Ecclésia. Une école, pas loin d’ici. Au Canada. Tes parents t’y ont inscrite.
Cela me parut tellement impossible que je me mis à rire, comme si c’était une mauvaise blague, mais Greg avait l’air totalement sérieux. Mes parents m’auraient jamais inscrite dans une école sans rien me dire et surtout une école de cet acabit, ils étaient beaucoup trop protecteurs pour simplement me lâcher dans ce monde inconnu et qui semblait dangereux, en plus de cela.
— Je pense que tu t’es trompé, soufflais-je.
— Fais chier que tu ais déchirer la lettre, j’en avais qu’une. Puis Turner m’arracherait la tête si je dois retourner là-bas pour en rechercher une nouvelle, se lamenta Greg en frottant ses deux mains sur son visage.
— Je suis désolée, tu te souviens peut-être de ce qu’il y était marqué ? demandais-je me sentant quelque peu coupable.
Il fit la moue et hocha la tête.
— Elle te félicitait pour ton entrée à Ecclésia et blablabla, elle me présentait comme étant ton Majeura et elle te donnait ta date de rentrée, récita-t-il, blasé. Un Majeura est un élève de deuxième année qui t’aide à t’intégrer dans l’école, m’expliqua-t-il en me voyant perdue. Et qui vient te chercher aussi. Ça, c’est le mauvais coté du métier, marmonna-t-il cette fois-ci, pour lui-même.
Je me mis tout d’abord à penser à une erreur sur la personne, après tout, j’étais profondément convaincu que mes parents n’auraient jamais mis les pieds dans cet endroit pour m’y inscrire et encore moins qu’une Sorcière puisse connaître ma simple existence. Tous ça me paraissait fou à croire et Greg n’avait pas la jugeote pour comprendre mon trouble.
— Ce n’est pas possible.
— Mais si, je t’assure. J’ai, on va dire, jeté un petit coup d’œil dans ton dossier et crois moi que tu es bien celle que tu es, en face de moi : Tori Blake. Ta mère t’y a inscrite à tes six ans, si je me souviens bien.
L’année de mon adoption.
— Elle était également élève à Ecclésia, une élève exemplaire d’ailleurs.
Je me figeais et regardais l’homme en face de moi avec des yeux ronds, complètement abasourdie.
— Ma mère ? Thérésa Blake ?
— Mais non, ta vraie mère. Pas tes tuteurs Humains, soupira-t-il.
— Ce sont mes vrais parents, Greg, répliquais-je, sérieuse.
— Tu m’as compris, Tori. Je parle de tes géniteurs.
Mon cœur battait vite, et fort.
— Calme toi, tu vas faire un arrêt cardiaque, ricana mon Majeura.
Je ne fis même pas attention qu’il ait remarqué mon cœur faisant des siennes et me rendit compte que j’avais une réelle identité, là-bas, à Ecclésia. Et si, le meilleur moyen d’en savoir plus, était de m’y rendre ? Je ne connaissais rien de mes géniteurs, peut être pourrais-je les retrouver ? Était-ce dans cette école, qu’était ma place ?
Je ne voulais pas les revoir pour remplacer mes parents, Thérésa et Chris Blake étaient ceux qui m’avaient élevé et je changerai cette vie pour rien au monde. Juste… J’avais des tonnes de questions à poser. Sur mon passé, et sur le pourquoi du comment de mon adoption car, en fin de compte, ils m’avaient abandonné, d’une certaine manière. Et même si je n’y pensais que rarement, ce sentiment d’abandon pesait sur ma conscience.
— Tori ? Une voix que je reconnaîtrais entre mille s’éleva dans le café et je me retournais vers Camille, l’esprit ailleurs.
Je lui dis bonjour tandis que Greg lui fit un léger geste de la main sans bouger d’un iota de sa chaise. Le message était passé, on s’éloigna et Camille me fit les gros yeux avec un sourire remplis de sous-entendus.
— Quel beau gosse ! Où est-ce que tu l’as trouvé, chuchota-t-elle en trépignant d’euphorie.
Je soufflai et pensai que s’il était capable d’entendre les battements de mon cœur, il était très bien capable d’entendre cette conversation.
— Ne dis pas de connerie, c’est un ami.
— Tu dis ça tout le temps. Tu sais, je vais t’apprendre quelque chose, mais les Humains ne font pas que partager de l’amitié, il partage aussi…
Je plaquai ma main sur sa bouche pour qu’elle se taise.
— Ce soir, viens chez moi.
Je sentis son sourire sous ma paume et elle hocha vigoureusement la tête. Bon, une bonne chose de faite. Camille fit un signe à Greg qui ne daigna même pas à lever les yeux vers elle et elle sortit du café sans n’avoir rien commandé. J’avais été efficace sur ce coup. Avant que j’eus le temps de m’asseoir, Greg déposa un billet sur la table et se leva.
— La rentrée est en début septembre, je t’enverrai les coordonnées par téléphone et viendrais te chercher.
Il s’éloigna sans un regard vers moi. Ce qu’il pouvait être agaçant. Alors je me mis à crier naïvement :
— Et si je refuse ?
Greg se retourna puis un sourire sournois apparut sur sa belle gueule.
— J’obéis aux ordres, et si je dois te tirer par la peau du cul, je le ferais, Tori.
Alors que je me mis à ricaner en secouant la tête, quelque peu embarrassée, il passa la porte du café. Me laissant planter là. La seule pensée qui me vint à l’esprit fut : que vais-je bien pouvoir raconter à mes parents ?
Superbe, le format idéal, et quelle imagination! Bravo Serena, je suis fan.
Greg me fait penser à quelqu’un que je connais. Sans le côté surnaturelle.. C’est déroutant.