Un choix déjà réfléchi, partie 2.
TORI
Ses trois dernières semaines avaient été rythmées de lecture et de bourrage de crâne pour ma part, Camille m’avait accompagné dans mon ascension pour cette passion que je me découvrais. J’avais toujours été curieuse par nature, cependant, jamais ce sentiment ne m’avait autant pris à la gorge pour que j’y passe nuit et jour, oubliant même le sommeil. Il fallait dire que je me vengeais du marchand de sable qui était si malveillant avec moi depuis ma tendre enfance.
C’était drôle comment j’arrivais à me souvenir de chaque chose que je lisais, comme si mon esprit était un disque dur, il stockait les informations parfaitement et j’adorais ça.
Greg m’avait rendu plusieurs fois visite, toujours en rentrant par la fenêtre de ma chambre. Il m’avait raconté la fois où il avait fait face à mes parents et il n’était pas prêts de recommencer. Se cacher était la meilleure solution pour lui.
Alors, on parlait de tout et de rien, pas que je n’aimerais pas entrer dans le vif du sujet – j’en mourrais à chaque fois d’envie -, mais je savais que Greg était têtu et que je ne pourrai rien lui soutirer de plus. Au fil des jours, je fis alors l’agréable connaissance de Grégoire Sontell qui était un Loup-garou, rien que ça. Il m’apparaissait comme étant amical et charismatique, j’imaginais déjà pas mal le genre de réputation qu’il avait à Ecclésia avec sa belle gueule.
— Et tu as une copine ? Avais-je demandé innocemment en mangeant mon yaourt, les jambes en tailleurs sur mon lit.
Grégoire raclait le fond du sien, assis sur ma chaise de bureau, le dossier sur son ventre. Il se mit à rire.
— Tu poses toujours autant de questions ?
— Tu réponds toujours par des questions ? Répondis-je alors, du tac au tac.
Greg secoua la tête sans se séparer de ce petit sourire de tombeur.
— Oui, j’en ai une.
— Oh, quel dommage ! Nous formerions un si beau couple ! Fis-je de manière théâtrale en m’allongeant sur mon lit.
Je sursautais lorsqu’un oreiller m’arriva dans la figure. Ni une ni deux, je lui relançais son dû.
Je n’entendis pas les bruits de pas se rapprochant dangereusement de ma chambre. Contrairement à Greg qui, de son ouïe super développée, se figea le premier. Néanmoins, trop concentré pour me liquider à coup de coussin, il n’eut pas le temps de sauter par la fenêtre pour s’éclipser. Si bien que mon père devînt rouge de rage à la vue du Loup.
— Vous ? Ici !
— Bonsoir, salua poliment Greg, quelque peu décontenancé par notre bataille.
Ça lui apprendra de m’attaquer par surprise, traître.
Brusquement, mon père se rapprocha de Greg et lui fit face, leur nez se touchaient presque. Mon souffle se coupa face à la puissance que dégageait Greg soudainement, comme une énorme vague. Mon père n’oscilla pas, néanmoins.
— Sortez de chez moi, immédiatement. Et laissez ma fille loin de vos spéculations, jeune homme.
Après quelques secondes, je reprenais contenance et agrippai le bras de mon père.
— Papa ! Laisse-le, tu ne comprends pas.
— Si je comprends très bien, au contraire. Tori, cet homme est un assassin.
Il montra d’un doigt accusateur mon Majeura, et je ne compris rien à ce qui suivait.
— Quoi ? Mais bien sûr que non, qu’est ce que tu racontes, protestais-je.
— Il est recherché, je travaille avec la police et je sais très bien quelles atrocités tu as commisses !
Je me mis à douter devant la sincérité de mon père. Il ne pouvait décidément pas jouer la comédie avec autant de hargne, surtout que son discours était cohérent. En effet, il était enquêteur au sein de la police de Chicago, depuis plus de dix ans aujourd’hui. Je me tournai vers Greg, cherchant une explication dans ses yeux dorés et je savais dorénavant que c’était à cause de son Loup qui était à la surface. Il m’avait expliqué son fonctionnement.
— Tori, je te l’ai dit. Notre monde est différent du vôtre, souffla-t-il.
Je fronçais les sourcils, il ne tentait même pas de nier. J’ouvris la bouche, mais aucun son ne sortit.
— Nous vivons des siècles, et tuer est dans notre sang. Je peux juste te dire que je suis un petit joueur en terme de meurtre dans mon monde, haussa-t-il les épaules, l’air désinvolte.
Et je devinais pourquoi il agissait ainsi. Car il savait, il savait que j’allais le suivre envers et contre tous. J’étais ainsi faite, à la recherche de merveilles et de secrets sombres. Quoi que je pourrais trouver derrière le rideau, ça ne pouvait pas être pire que ce monde, si terne, si fade, si Humain.
— Vous êtes un vrai malade, cracha mon père.
Sa main se leva, prête à attraper l’épaule de mon Majeura, cependant, elle resta en suspend avant d’atteindre sa cible.
— Qu’est-ce que…
— je veux aller avec lui, papa.
C’était moi qui contrôlais sa main, j’en étais consciente. Son visage se brisa sous l’effet de la colère alors que son autre main vint tirer celle coincée dans les airs. Je la figeais à son tour. Il ne pouvait plus faire aucun mouvement. Mon œil droit se mit à me faire souffrir d’une telle ampleur qu’une larme jaillit de celui-ci, mais je ne montrais rien d’autre. Je me rapprochai de mon père et réajustai ses lunettes avant de le prendre dans mes bras. Il ne pouvait toujours pas m’enlacer à son tour et je sais que ça lui coûtait alors je relâchais tout comme si j’avais retenu ma respiration, et ses bras retombèrent mollement contre son corps.
— J’ai besoin de réponse, papa, lui murmurais-je à l’oreille.
Sa prise se fit plus forte et je vis ma mère qui nous regardait, à l’embrasure de la porte. Les larmes ne cessaient de couler sur ses joues rouges et je l’incitais à s’ajouter dans notre câlin ce qu’elle fit avec empressement.
Je ne pouvais pas rester une semaine de plus, c’était trop dur. Je ne pouvais pas rester et les regarder dans les yeux chaque matin en sachant que j’allais les quitter, les abandonner.
Je fis mes valises le soir même, sous les yeux de mes parents. Mon cœur s’était brisé en mille morceaux devant les sanglots de ma mère qui partit de ma chambre avant que je ne finisse. Mon père se tenait sur la porte, le regard vide. Greg m’aida à prendre le nécessaire, mais le paquetage se fit dans un silence qui laissait de la place à ma culpabilité. Elle hurlait tellement fort dans ma tête, me rappelant que j’étais un monstre de faire ça à des personnes si bienveillantes. Arrivés à l’entrée, seul mon père me dit au revoir et les morceaux brisés de mon cœur furent de nouveau déchiqueter un à un alors que ma mère s’était enfermée dans sa chambre. Probablement pour me maudire à vie de la quitter, alors qu’elle m’avait offert l’amour d’une famille, d’un foyer. Jamais je ne la remercierais assez pour tout ce qu’elle m’a donné et pour cette jeune femme qu’elle a élevé et qui me représente aujourd’hui, je n’étais probablement pas Humaine comme eux, mais j’avais eu la chance de pouvoir porter leur valeur et leur nom, comme eux.
Quel monstre je faisais.
Mon père me regardait sans vraiment me regarder.
— Je t’ai déjà dit que tes yeux étaient magnifiques, Tori ?
Je me mis à sourire, ravalant mes larmes, je ne pleurerai pas. Je n’en avais pas le droit. Je lui sautais au cou et ses bras réconfortant se serrèrent autour de ma taille comme jamais il ne m’avait serré contre lui. Il m’embrassa le crâne une dizaine de fois, je ne comptais plus.
— Fais attention à toi, je t’en pris, mon Trésor.
Je crus voir ses yeux briller, mais il me relâcha enfin et je courrais vers la voiture de Greg, sans regarder en arrière, car je savais, je savais que si je le regardais dans les yeux, j’éclaterais en sanglots et je ne partirai plus de ses bras.
Nous savions tous que je ne reviendrais pas. Et j’étais consciente des efforts que faisaient mes parents pour me laisser partir avec un inconnu, c’était impensable. Mon père me laissait partir, avec un assassin. Et il en savait plus que moi, j’en étais sûr. Pas seulement à propos de Greg, mais sur le monde Surnaturel, il savait comment ça fonctionnait et c’était pour cette raison que me laissais partir revenait à me lancer dans la fosse au lion. Et pourtant, j’étais partie, parce que même si cette situation était surréaliste, il n’y avait pas d’autre recours possible, j’étais ainsi faite. Différente, à la recherche de réponses.
Ces adieux avaient été déchirants, ma poitrine était meurtrie par les battements de mon cœur qui ne cessaient de battre à une vitesse folle, résonnant dans mes oreilles. Je me mordais la lèvre jusqu’au sang. Ne pas pleurer.
Ne pas pleurer.
Ne pas pleurer.
Ne. Pas. Pleurer.
Ne.
Pas.
Pleurer.
« Personne ne doit avoir le droit de te faire pleurer, personne, tu m’entends. »
Pas même moi-même.
J’ai de la peine pour les parents adoptifs qui ont dû cacher beaucoup de choses.
Dure la séparation quand même.
Quelle histoire! Bravo Serena!
Très touchante cette partie là. J’ai de la peine aussi pour les parents adoptif. Et j’ai hâte de savoir ce qu’on leurs a dit sur le monde surnaturelle à l’adoption.
Merci beaucoup ! j’ai un peu eu du mal à écrire cette partie là, je ne voulais pas que ça soit trop rapide mais en même temps il faut faire comme on retire un pansement, j’ai essayé de faire qlq chose de touchant mais qui reste réaliste, c’était pas simple mais j’espère que j’ai un peu près réussi
Alors tu fais ce que tu veux, tu as toutes les cartes en main et nous on te suit!