Basil avait raison, partie 1.
TORI
Nous étions regroupés dans un amphithéâtre du deuxième étage. Tous les nouveaux étaient répartis dans deux salles qui comptaient plus de cinq cent places chacune. Un sacré brouhaha résonnait dans l’immense pièce là où les enseignants s’affairaient à préparer la séance sur l’estrade, un peu plus bas. C’est alors que Madalena fit sont entrée, toujours aussi gracieuse et magnifique. La salle se tut. Elle avait toute notre attention. La directrice portait une longue tunique bleue nuit qui cachait ses interminables jambes et ne faisait qu’apparaître le bout de ses bottes. Ses cheveux d’un orange unique, tombaient sur ses épaules dénudées. La Sorcière dégageait une puissance que je n’avais pas ressentie dans son bureau alors que celle-ci me frappait de plein fouet aujourd’hui. De là où je me trouvais, je vis qu’elle ouvrit grand ses bras et se mit à parler d’une voix forte, et je l’entendis comme si elle n’était qu’à quelques centimètres de moi.
— Les enfants ! Bienvenue à Ecclésia ! L’école de Surnaturel du Canada. En espérant que vous ayez fait bon voyage.
Personne ne répondit, devinant que ce n’était que de la rhétorique. Madalena se plaça derrière un pupitre et posa ses deux mains de part et d’autre de celui-ci. Les enseignants écoutaient sagement en étant quelque peu en retrait.
Je n’avais encore jamais rencontré de professeurs depuis mon arrivée et je pouvais dire aujourd’hui, qu’ils semblaient encore plus curieux que ce que j’ai pu apercevoir cette dernière semaine. D’ailleurs, en m’installant dans l’amphithéâtre, j’avais pu également remarquer la différence des comportements entre les premières et les dernières années. En effets, les plus jeunes, m’étaient apparus comme plus méfiants et sur la défensive. Comme si cette jeunesse les avait façonnées d’une telle façon que n’importe quelle chose inconnue se révélait hostile. Je pouvais le voir lorsqu’ils me lorgnaient comme une créature du Diable. Ça avait été beaucoup plus intense, contrairement aux élèves plus vieux qui s’étaient très vite habitués à mes yeux violets.
Cependant, je préférerais ne pas entamer les hostilités, je n’étais pas ici pour cela. Mais force est de constater qu’il arriverait un moment ou un autre qu’un petit malin tente de m’intimider, et je serais bien obligée de me défendre.
Madalena se racla la gorge et parla à l’assemblée de sa voix claire et limpide :
— La date de création d’Ecclésia s’est perdue dans les années. Le père fondateur a eu un jour, l’incroyable idée que toutes créatures surnaturelles devaient avoir le droit à un enseignement digne de ce nom, et le pouvoir de vivre en communauté sans craintes, sans discriminations. Alors que l’école vieillit, ces valeurs restent identiques et inchangées. Lorsque vous rentrez dans l’enceinte de ce château, toute protection vous est offerte et garantit. Vos droits sont égaux pour tous, sans distinction d’âge ou d’espèce. Je tenais alors à vous informer, que tout actes de violence et de médisance, que ça soit envers le personnel ou les élèves sera sévèrement punis, j’y veillerai personnellement. Il est important que vous sachiez que je suis honorée de pouvoir diriger Ecclésia et votre avenir est entre de bonnes-mains. Pour plus de questions, référez-vous à vos Majeuras.
Madalena ouvrit ses bras, s’armant de son sourire.
— Je laisse alors vos professeurs vous expliquer le déroulement de cette journée d’initiation. Merci à tous.
Puis elle s’éclipsa, sans un mot de plus. Un petit homme grassouillet avec une longue barbe blanche réajusta alors ses lunettes et prit la parole :
— Vous serez séparés par espèce afin de vous présenter à vos professeurs respectifs. Vos clés de chambre vous seront également données.
Un homme qui semblait avoir la trentaine (mais qui devait avoir bien plus) s’élança sur avant de l’estrade, à ma distance, je ne pus que remarquer ses cheveux blonds hirsutes qui tombaient sur ses épaules. Il portait le même genre de tunique que Madalena, toutefois, elle était noir avec des signes étranges en bleu, que je ne connaissais pas.
— Les Sorciers, suivez-moi, dit alors celui-ci, avant de sortir de la salle.
Une horde d’élèves se leva dans un vacarme assourdissant. Les Sorciers étaient une espèce très commune et je pariais qu’ils étaient probablement la moitié des premières années.
Ce fut le tour d’une femme qui avait les mêmes caractéristiques que Clara, la professeure appela alors les Elfes à la suivre. Je pensais que mon tour ne viendrait jamais, n’ayant pas de professeur attitré pour les Demesse. Néanmoins, alors que les Loups-garous et les Vampires furent appelés, ils ne restèrent que quatre personnes dans le vaste amphithéâtre, dont moi.
Une femme qui, contrairement aux autres professeurs, ne portait pas de tunique mais un ensemble de combat qui donnait une seconde peau à son corps fin et musclé, elle avait des cheveux noirs ébènes, coupé courts. Elle s’avança alors à son tour, ne restant plus qu’elle.
— Ceux qui restent, suivez-moi.
Nous nous levâmes à l’unisson dans un silence qui était incomparable par rapport à ce que l’on avait pu entendre juste avant. La femme nous emmena dans une autre salle et nous découvrîmes une jeune femme et… Basil.
Comme si j’avais besoin de le voir.
— Asseyez-vous, nous invita gentiment la professeure. Ce sera plus pratique en petit comité.
Effectivement, la salle semblait bien grande alors que nous n’étions même pas dix. Basil, comme à son habitude, fit comme si je n’existais pas. Il avait une fesse posée sur le coin du bureau tandis que la jeune fille blonde était debout, non loin de lui. Les bras croisés. Tout deux arboraient les mêmes yeux noirs et profonds, communs à leur espèce.
— Je vous présente Adélaïde et Basil. Les seuls Psychics de l’école avant votre arrivée. Et je suis Sybille Atkins, votre Maître spécialisée.
La professeure sortie un poignard de je ne sais ou et le planta dans le bureau, faisant sursauter une jeune fille à ma droite.
Adélaïde, c’était donc celle qui avait un de ses soutiens gorges qui pendait sur le lustre de la salle Principale. Je pinçais les lèvres pour éviter de rire. Ce n’était pas respectueux. Et puis je me sentais de trop dans cette salle remplis de Psychics, surtout que je ne l’étais qu’à moitié.
— J’aimerais ainsi vous faire comprendre que nous sommes peu nombreux et ça m’attriste beaucoup. Les deux derniers élèves sont partis à l’obtention de leur DESP, le Diplôme d’Être Surnaturel Professionnel. Ce qui est le diplôme le plus élevé que l’on peut obtenir à Ecclésia. Les Psychics sont des créatures incroyablement intelligentes et déterminées, alors je veux tous vous voir exceller dans chaque matière. Suis-je bien claire ?
Personne ne répondit, bien trop effrayé devant l’aura de supériorité qu’elle dégageait. Sybille Atkins semblait plutôt stricte et ordonnait un niveau exemplaire de notre part. Je cachais mes mains moites sous le bureau, ne voulant montrer aucun signe de faiblesse.
— Mais votre objectif d’aujourd’hui et d’avoir le DESA : Diplôme d’Être Surnaturel Apprentis. Mes élèves vont pouvoir vous expliquer certains détails, si vous avez des questions ? Ils passent tout deux leurs examens en fin d’année.
Je levais la main automatiquement.
— Quels sont les autres diplômes ?
Ce fut Adélaïde qui me répondit d’une petite voix, mais confiante :
— Il y a d’abord le DESA qui se prépare en quatre ans où les élèves sont capable de contrôler leur émotion maîtresse et l’utiliser à bon escient. Puis exceller dans la télékinésie ainsi que la télépathie. Et connaître l’Histoire des Psychics également. Vient ensuite le DESC qui se prépare en seulement deux ans, qui sont des études plus spécifiques où vous avez le choix à plusieurs options, en relation avec votre projet professionnel. Puis le dernier diplôme : le DESP qui se prépare les deux dernières années et livré lorsque l’élève est capable d’excellentes capacités en combat, de puissante télékinésie et de télépathie, ainsi que de parfaite connaissance du monde Surnaturel pour toute espèce et Humains depuis la Nuit des Temps.
Adélaïde semblait être une jeune femme très intelligente et brillante. Mais je n’avais presque rien compris à son charabia. Notre émotion maîtresse ? Je ne pris pas la peine de lever la main à nouveau et enchaînais :
— Contrôler notre émotion maîtresse ? C’est-à-dire ?
Basil pouffa tandis qu’Adélaïde fronçait les sourcils devant mon ignorance. Je n’osais regarder les autres élèves qui devaient se demander d’où je pouvais bien venir, surtout ce que je faisais ici avec des yeux tels que les miens.
— Tu as bien raison de poser la question, souligna Sybille. Basil, réponds lui, ordonna-t-elle, mécontente que son élève ait pu se moquer de moi.
Pourtant, j’étais bien heureuse qu’il réagisse enfin.
— Les Psychics ont de nombreuses capacités dont la télékinésie, télépathie voire de guérison pour les plus entrainés. Mais nous avons une particularité : c’est notre familiarité avec les émotions. Nous pouvons ressentir les émotions qui nous entourent, les changer, les contrôler, mais seulement lorsque nous arrivons à contrôler les nôtres. Notamment notre émotion, l’émotion maîtresse qui, lorsqu’elle nous submerge, nous rend plus puissant mais aussi plus dangereux et incontrôlable.
— Je t’ai dit de lui expliquer, Basil. Pas de la faire fuir, ricana Sybille.
— Je ne vais pas fuir, répliquais-je malgré moi, bien trop sur la défensive.
Elle fronça les sourcils à mon encontre, puis sourit.
— Je le sais très bien Tori Blake, Demesse abandonné à Chicago à des parents adoptifs Humains. Chris et Thérésa Blake, je ne me trompe pas ? Tu peux très bien jouer les courageuses avec qui tu veux, mais pas avec moi. Tu ne sais rien de moi mais je sais tout de toi, juste par le pouvoir de mon esprit alors ne t’amuses pas avec le feu. Tu vas te brûler les doigts, gamine. Si je dois t’enseigner une première leçon : fais toi silencieuse le temps d’apprendre les bases de ce monde.
Sybille avait été véhémente, comme pour me faire peur intentionnellement, et j’avais retenu ma respiration. Avait-elle lu tout cela dans mon esprit ? Sans que je ne le sente ? Incroyable.
— Tori est arrivée il y a quelques jours, elle n’y connaît rien. C’est toi qui vas la faire fuir, Sybille, intervint Basil qui n’avait pas baissé la tête contrairement aux autres élèves de la classe.
Je ne savais pas si c’était pour me défendre ou juste parce que cela l’amusait de défier l’autorité. Elle ne s’en formalisa pas, elle avait peut-être l’habitude. Si sa première leçon s’avérait vrai, elle voulait que ses élèves soient des Psychics hors-pairs avant d’oser arborer un air condescendant. C’était une façon plutôt violente pour me protéger après tous, il était important que je puisse me défendre si des représailles se présentaient un jour, or je n’étais qu’une biche lâchée dans la nature à l’heure actuelle.
Sybille donna les emplois du temps de chacun et les clés des chambres pour les nouveaux. La professeure prit une bonne heure pour expliquer le règlement intérieur et ça avait eu l’air de l’ennuyer autant que nous. Je pris alors le temps de jeter un coup d’œil sur mon emploi du temps qui était plutôt similaire à ceux du lycée. En effet, il y avait de nombreuses heures creuses. Peut-être que Madalena n’avait pas encore trouvé un professeur pour m’enseigner le Démonisme. Je vis également beaucoup d’heures de sport, que ça soit de défense, d’attaque au corps-à-corps ou simplement pour garder la forme. Mine de rien, cette école démontrait bien l’enjeu que représentait le monde extérieur, il fallait savoir se battre, c’était primordiale. Puis il y avait ensuite de nombreux cours d’Histoire et de pratique spécifique. Ces heures prenaient la semaine entière, du lundi au vendredi soir et je me demandais bien comment j’allais pouvoir suivre les cours de Psychisme et Démonisme, je n’allais pas avoir un seul moment de répit. Cette année allait être intensive.
Ensuite, Sybille nous libéra vers midi. Tandis que des visites guidées étaient organisées, je m’éclipsais vers ma chambre et vis Basil au coin du couloir. Je me mis à courir à sa rencontre.
— Hey ! Basil !
J’en avais assez que nous jouions au chat et à la souris. Et puis j’avais besoin de lui pour un détail.
— Oh non, pas toi, grogna-t-il.
Il ne se retourna pas, mais je lui agrippais le bras et il souffla fort. Ça me faisait bien rire les efforts qu’il faisait pour me snober.
— Apprends-moi à fermer mon esprit, lui ordonnais-je sans aucun tact.
Le fait que Sybille est pu si aisément lire à travers moi me dérangeais beaucoup, surtout en sachant que tous les Psychics pouvait le faire sans mon consentement. C’était une intrusion qui commençait à me peser sur la conscience.
— Oui, bien sûr, vous voulez un café aussi ? Répliqua-t-il ironiquement et je levais les yeux au ciel.
— Je ne comprends pas pourquoi tu mobilises autant d’effort pour m’ignorer. Je ne veux pas être dans la compétition, Basil.
Alors qu’il allait repartir, il se figea avant de venir vers moi, les dents serrées. Je l’avais mis en colère.
— J’en ai rien à foutre de ta compétition, Tori.
Il leva la voix. Je ne sus quoi dire sur le moment.
— Sybille a raison, arrête de croire que tout t’est acquis. Tu vaux pas mieux que n’importe qui, t’es une première année. Reste où tu dois être.
Alors qu’il allait tourner les talons, je fis le même tour que ce que j’avais fait à mon père. Bloquant les deux jambes de Basil au sol. Il se stoppa net dans sa lancée. Je me mis face à lui, contenant difficilement ma colère à mon tour.
— C’est audacieux de ta part de croire que tu vaux mieux que moi en étant en quatrième année. Sache que ce n’est pas facile d’être à ma place, j’essaie de m’intégrer du mieux que je peux et si tu ne veux pas m’aider, c’est ton choix, mais ne me juge pas, Basil. Puis, je ne serais jamais autant narcissique que toi.
Je m’étais tellement rapprochée de lui qu’il était obligé de baisser la tête pour me regarder. Son regard noir était neutre et le bloquer de cette façon était plus difficile que le faire pour mon père. Basil était puissant, je n’étais rien à côté. Etrangement, mon œil droit se mit à me brûler.
— Tu feras attention, un Démon avec des pouvoirs de Psychic en est déjà mort, tu sais. Tu n’as pas mal à l’œil ?
— Comment tu sais ça ? Soufflais-je alors que je relâchais ses jambes.
— Ton iris change de couleur, il s’assombrit. C’est plutôt impressionnant.
Je passais mon doigt sur ma paupière fermée. Je ne le savais pas. Je soufflais, et tentais de ravaler ma colère. Nous n’irons pas loin si nous continuons à agir de cette façon.
— Basil, je te le demande : s’il te plaît, aide moi.
Il fronça les sourcils. Se demandant ou était bien partis ma fierté, mais j’étais fatiguée d’être énervé contre lui. C’était un con, j’en étais certaine, mais j’allais devoir faire avec.
— Je vais y réfléchir, grogna-t-il.
Et il s’éloigna en me bousculant l’épaule. Je me mis à sourire. Oui, c’était une petite victoire. Maintenant, il allait falloir le faire capituler.
J’aime vraiment le personnage de Basil. Il fait parti des mauvais garçons qu’on a envie d’aimer.
Tu as l’art de créer des environnements crédibles, chapeau pour le système de l’école.