Une nuit mouvementée, partie 1.
BASIL
Tori finissait son dernier tour de terrain. Je me sentais idiot de venir plus tôt juste pour la croiser, surtout que le seul échange que nous avions était lorsque qu’elle terminait et qu’elle me laissait le stade avec un petit sourire. Mine de rien, c’était déjà incroyable.
Aujourd’hui, le ciel était couvert, la légère brise et la température relativement basse rappelaient que l’automne était sur son chemin. Quoi qu’il en soit, la petite Demesse ne semblait pas être dérangée par le froid et continuait ses tours de stades tranquillement, rouge et suante d’effort. Alors que je pensais qu’elle allait seulement me sourire, comme à son habitude, elle vint alors vers moi.
— Salut.
Je lui souris alors pour lui répondre, je n’étais pas un sans manière comme Aiden, voyons.
— Tu fais quelque chose cette après-midi ?
Tori me prit de court. Nous étions samedi, alors à part si j’étais un petit intello binoclard qui passait son week-end à réviser tous et n’importe quoi, non, je n’allais rien foutre cette après-midi.
— Non, pas que je sache.
— Super ! S’exclama-t-elle en me perçant un tympan par la même occasion. Tu peux m’apprendre à fermer mon esprit ?
Je soufflais. Elle n’allait donc jamais me lâcher. Étrangement, je sus que c’était plus une affirmation qu’une question sans même me faufiler dans sa tête.
— Si j’accepte, tu me laisseras en paix ? Soupirais-je, prêt à capituler comme un bon chien-chien.
— Oui ! Je te le promets.
— Qu’est-ce que j’en ai à foutre que tu le promettes, je promets beaucoup de choses moi aussi.
Elle fit la moue avant de répliquer :
— Je tiens toujours mes promesses, idiot de Psychic. Et, qui sait, peut être que ça sera à toi de me laisser tranquille en fin de compte.
Je ricanais.
— Oui, bien sûr. Quatorze heures, au Défouloir. Va te laver maintenant, tu empestes.
Tori sauta de joie. À rien ne pouvait la faire sourire, c’était incroyable, pour ne pas dire agaçant.
— Merci !
Et elle s’engouffra dans le château.
Alors que je discutais avec Aiden dans la salle Principale, je reçus un message de la secrétaire qui m’informait que j’avais du courrier.
— Je pensais qu’ils avaient tous clamsé dans ta famille, s’étonna Aiden.
Il s’était penché derrière mon épaule, lisant ledit message.
— Et c’est le cas. C’est ça qui est bizarre, dis-je en fronçant les sourcils.
Je me rendis au secrétariat en traînant des pieds. La Vampire de l’accueil nous avait dans le collimateur, Aiden et moi, depuis que nous avions fait entrer toutes sortes d’oiseaux dans son bureau en première année. Ça nous avait bien fais marrer à l’époque, Madalena nous avait passé un savon mais il fallait dire que la secrétaire était détestable, elle l’avait bien mérité.
— Moran, c’est pour vous, dit-elle alors d’une voix dénuée de toute émotion.
— Merci madame ! Lui souriais-je gaiement et je pouvais entendre sa mâchoire grincer sous l’effet de la colère, c’était plutôt grisant.
Je pris la lettre et quittai son bureau avec le sourire. Cependant, lorsque je reconnus l’écriture qui tâchais grossièrement l’enveloppe, mon sourire se dissipa aussi vite qu’il était apparu. Je changeais de cap et optais pour les jardins qui étaient baignés dans la lumière du soleil matinale. Je m’asseyais sur un banc et fixais cette lettre. L’adresse de l’expéditeur était écrite à l’encre noire et en majuscule : LE CENTRE, CHICAGO.
Je n’avais pas envie de l’ouvrir, et encore moins de la lire. Elle avait été écrite par Wilkins en personne, je pouvais reconnaître cette marque entre mille vu le nombre de lettres que j’avais reçu lorsque j’avais quitté le Centre, où il était directeur, pour Ecclésia. Je savais très bien ce qu’elle renfermait, et ça me faisait chier de devoir répondre toujours la même chose.
Contre toute attente, lors de ma deuxième année, Wilkins m’avait oublié, pour mon plus grand bonheur et c’était sans compter grâce à mon snobisme implacable. Il a fallu que je passe ma dernière année obligatoire à Ecclésia pour que Wilkins me refasse sa putain de pub. On pouvait dire qu’à ce stade, ça relevait à du harcèlement. Il voulait que je réintègre le Centre, car en effet, à l’obtention du DESA, il était possible de s’orienter dans une autre école, notamment le Centre qui était une toute autre sorte d’école qu’Ecclésia. J’y avais passé deux années de ma vie après la mort de ma sœur, et même si j’avais adoré les cours, ces murs et ces étudiants sentaient beaucoup trop la mort, nourrissant le monstre enfoui en moi, faisant même partis de moi dorénavant. Pourtant, je commençais à me dire que je n’avais pas le choix si je tenais un tant soit peu à la vie. Wilkins était un vieux Vampire doublé d’un psychopathe qui était prêt à tout pour arriver à ses fins et du haut de mes quinze ans, me contrôler, le monstre et moi, avait été facile pour le directeur du Centre qui prenait ma malédiction pour un don tombait du ciel. Cet homme avait vu en moi l’Assassin parfait avec l’immense puissance que le monstre me dotais. Pourtant, au bout de deux ans, je m’étais rendu compte à quel point, j’avais perdu tout libre-arbitre ; puis les élèves étaient des fils à papa qui étaient tout à fait exécrables. Alors, lors de mes dix-huit ans, j’avais fait mes valises et j’étais parti, sans laisser personne derrière moi, vu que je n’avais personne.
Je ne voulais plus jamais y mettre les pieds. Et si je devais laisser ma malédiction me tuer, je me laisserais faire, tout simplement. Rien ne me retenait ici. Nous étions tous de passage de toute manière sur cette terre.
— Tu vas faire exactement ce que je te dis, d’accord ?
Tori hocha la tête, concentrée.
— Imagine un mur, il peut ressembler à ce que tu veux mais imagine-le toi bien. Il doit presque être palpable.
Les yeux clos, ses paupières vibraient doucement. Tori fronçait les sourcils. J’avais beau lui expliquer clairement les consignes, son esprit me restait accessible.
— J’essaie vraiment, Basil, me confia-t-elle.
Je soupirais, j’essayais de garder mon calme, mais j’avais une patience aisément faillible.
— Et tu y arrives très bien, je suis étonnée, se mit-elle à sourire.
Je levai un sourcil, venait-elle de lire dans mes pensées ? Sans avoir besoin d’un contact ? Elle progressait.
— Bravo, dis-je, sincère.
— C’est étrange, parce que ton fil est plus épais, moins stable. Du coup, je le repère plus facilement que les autres, m’expliqua-t-elle.
Je savais de quoi elle me parlait, c’était une métaphore pour expliquer aux jeunes Psychics qu’ils avaient un accès spécial à l’esprit de n’importe qui. Au fil des années, nous ne voyons plus de fil, n’en ayant plus besoin. On lisait avec un automatisme acquis grâce à l’expérience et la pratique. Cependant, j’étais curieux. Je me mis alors à imaginer ce fameux lien et il apparut sans que je ne fasse trop d’effort. Il était enseigné que l’univers était en réalité un tout, une immense toile assemblant toute la matière qui le constituait. Et à travers des milliers de fil que je pouvais apercevoir et utiliser à cet instant, celui de Tori se différenciait par sa couleur, mais aussi sa taille. Le fil, normalement noir, avait de magnifiques reflets violets et comme elle le disait, il était largement plus conséquent que les autres.
Je rapprochais mes doigts de celui-ci, j’avais l’impression que Tori retenait sa respiration en me voyant faire. Touchait un fil était dangereux dans le sens que ce n’était pas donné à tous les Psychics, et qu’ils étaient normalement trop fins, mais Tori n’était pas au courant. Mes doigts caressèrent la corde et elle se mit à vibrer. Tori eu un hoquet de surprise et recula.
— Arrête ça, souffla-t-elle.
— Désolé, juste, tu as raison. Je n’avais jamais vu ça.
— Tu sais s’il y a une signification ?
Je haussais les épaules, me rendant compte que j’étais resté figé un moment.
— Tout n’a pas une signification, Tori. Les choses n’ont parfois aucun sens, dis-je enfin.
— Ou nous voulons juste ne pas le connaître, répliqua-t-elle et je ne sus quoi dire car elle n’avait pas tord.
Je n’avais jamais vu ce genre de fil, il était si simplement à ma portée. Il fallait que j’en parle à Sybille. Que je lui demande si elle voyait ce que je voyais, parce que c’était incroyable.
Nous nous entraînions comme ça durant quelques heures, et Tori réussi enfin à bloquer son esprit le temps de quelques secondes, ce qui était déjà un progrès en soi. Je lui conseillais de s’entraîner avec Sybille, car tout le monde n’avait pas le même esprit, et si elle arrivait à bloquer mes intrusions, elle pourrait avoir plus de mal à bloquer celle de Psychic plus puissant.
Quelle histoire! Je suis surpris à chaque fois. Passionnant.
Merci beaucoup !
Ah Basil… J’aime quand il est là !