Une nuit mouvementée, partie 3.
BASIL
Après plusieurs minutes de route, nous étions rentrés. Gabriel et Élise, au côté de Greg qui avait refusé de la laisser seule, étaient à l’intérieur de l’infirmerie tandis que Tori, Oswin, Aiden et moi-même étions en train d’attendre sagement dans le couloir. Les minutes passaient lentement, le soleil commençait son ascension sur Ecclésia. Tori n’avait pas pipé un mot depuis notre retour. Je ressentais fortement le sentiment qu’elle avait à mon égard, comme si je ne captais que ça. C’était étrange cette facilité que nous avions à lire à travers l’autre, j’espérais seulement que ce n’était pas juste à sens unique sinon j’aurai l’air bien bête.
— Quelqu’un peut m’expliquer ce qu’il s’est passé ? Demandais-je.
Tori ne laissait filer que quelques images, si bien que je n’arrivais pas à recoller les morceaux. Elle avait son front sur ses genoux, entêtée à me faire la gueule. C’était Aiden qui me répondit :
— Nous étions en train de chasser avec Gab, on s’est enfoncé dans la forêt. Et on a été pris par surprise, je pense que les deux Démons ne s’attendaient pas à nous voir.
— Et qu’est-ce que les filles faisaient là ?
Le Vampire haussa des épaules.
— Je me baladais, lança Oswin soudainement, je suis tombée sur eux un peu après et il se trouve que Tori et Élise m’avaient suivi, fit-elle sur un ton de reproche vers Tori qui ne releva toujours pas la tête.
Elle semblait concentrée sur une mince couche de glace qui commençait à faire son ascension sur la tapisserie. Elle devait la retenir.
— Qu’est-ce qu’ils foutaient là ? Me questionnais-je en parlant des Démons.
— Ils cherchaient probablement quelqu’un, dit soudainement Tori en sortant de son mutisme.
La glace reprit son chemin plus rapidement et Aiden fronça les sourcils avant de s’éloigner doucement.
— Le premier qui est mort, c’est moi qui l’aie tué, avoua-t-elle.
Nous nous lancions alors un regard équivoque. C’était son premier meurtre.
— Je ne voulais pas le tuer, c’est lorsqu’il a envoyé cette flèche sur Gab que je me suis attaquée à lui. Je ne sais pas ce qu’il s’est passé, la flèche s’est mue seule et a atterri entre ses deux yeux. Moi qui n’arrive pas à soulever une plume avec mon esprit, je suis plutôt douée pour assassiner des gens.
Tori se frotta les yeux. Et je compris que ce n’était pas à moi qu’elle en voulait, mais à elle-même.
— Il l’a mérité Tori, il allait nous tuer si nous ne nous défendions pas, répliqua Aiden en posant sa main sur son épaule avant de l’enlever une seconde après. Putain, mais t’es gelée !
— Désolée.
Plusieurs jours passèrent avant que Gab ne se remît complètement de sa blessure qui avait été bien profonde. Tori passait beaucoup de temps avec lui, à le veiller ou à lui rendre visite. Élise s’amusait à l’embêter sur ce rapprochement, moi, je me taisais. J’avais l’impression qu’ils avaient déjà oublié cette nuit. Comme si rien ne s’était passé et pourtant, je me remémorais chaque détail que j’avais vu ou su, et quelque chose clochait. Sans parler du fait que deux Démons se baladaient autour d’Ecclésia en pleine nuit, ils avaient forcément une idée derrière la tête. Ce n’était pas du hasard.
Madalena avait pris à part chacun de nous, nous avait questionné en long et en largeur. Je ne lui avais pas dit grand chose, après tout, j’étais celui qui était arrivé au dernier moment. Et c’était aussi pour ça que Tori ne me parlait plus depuis des jours. Ce n’est pas dérangeant en soi, mais c’était énervant de ne pas pouvoir lui poser des questions sur ce qu’il c’était passé dans la forêt.
Lors d’une après-midi où je n’avais pas cours, je me dirigeais automatiquement à la porte de la chambre de Clara, elle s’ouvrit sans que je n’eus besoin de toquer. Elle me servit son thé si délicieux et je m’installai sur son lit. L’Elfe avait l’habitude de notre routine et savait que je venais souvent pour ses conseils. Elle était ce qui me rapprochait le plus d’une grande sœur ici, et me faisait parfois rappelé la mienne.
— Je n’avais jamais eu une connexion si forte avec un autre Pyschic. Je veux dire, même son fil est différent, et elle a beaucoup plus de mal à fermer son esprit au mien contrairement à ceux des autres. Elle a réussi à faire barrage avec Adélaïde, et même Sybille ! Mais si je me concentre suffisamment, je peux entrer dans sa tête, comme elle peut le faire avec moi. J’ai demandé à Sybille, elle voit son fil comme celui de n’importe quel Psychic. Je n’arrive pas à penser à autre chose depuis, me plaignais-je presque.
Clara souffla sur sa tasse, se racla ensuite la gorge.
— Il arrive que certaines personnes se sentent plus à l’aise avec une autre personne, ça ne veut pas dire qu’il y ait essentiellement une réponse à ce phénomène. Enfin, si, il y en a un mais je ne pense pas que tu veuilles l’entendre.
Je levais les yeux au ciel, sachant d’ores et déjà le baratin qu’elle allait me sortir.
— On ne se sent pas à l’aise ensemble, ricanais-je en pensant à toutes les fois où l’on s’était insulté. Ça fait trois semaines qu’elle ne me parle plus, ne puis-je m’empêcher de rajouter sans pouvoir cacher ma déception.
Bon d’accord, je n’appréciais pas qu’elle me laisse sur la touche.
— Pourquoi ?
Je haussais les épaules. Pas sûr moi-même de la raison.
— Elle m’en veut de ne pas être arrivé plus tôt, ce soir-là, dans la forêt. Elle pense sûrement que si j’avais été là, elle aurait pu s’empêcher de tuer le Démon, mais c’est idiot.
J’avais expliqué l’histoire à Clara, en espérant qu’elle puisse m’éclaircir sur certain point cependant, elle n’avait pas plus d’idée que moi là-dessus. Elle m’avait cependant expliqué que les Démons commençaient à sortir de Rowenam ces temps-ci. Le Conseil avait de plus en plus de mal à étouffer l’affaire, mais une surveillance plus assidue avait été ordonnée au Surnaturels.
— Déjà, cela nous apprend qu’elle t’a appelé en premier. En cas de danger, tu es la première personne dont elle s’est souvenue. Je ne vais pas te faire un dessin, Basil.
J’acquiesçais sans être réellement d’accord. Cela ne voulait rien dire, elle m’avait appelé parce que j’étais la seule personne qui pouvait recevoir son appel télépathique.
Le silence ne s’éternisa pas et Clara reprit :
— J’ai fait des recherches sur ce que tu m’as dit à propos de Clarisse. Il existe une Demesse qui s’appelle Clarisse Guera. J’ai mes sources.
— Quoi ? Explique-moi.
Je faillis lâcher ma tasse. Clara se gratta la nuque.
— Je n’ai pas beaucoup d’infos, je sais juste qu’elle existe, et elle est en cavale, disparu de Rowenam, depuis plusieurs années, alors ça ne peut qu’être elle.
Je baissais les yeux sur le sol. Comment pouvait-elle commander une équipe de Démon en étant une Sang-Mêlée. Elle devait être très persuasive et puissante dans ces cas-là.
Clara posa sa tasse et me serra l’épaule, compréhensive.
— Je pense que tu devrais éviter de ressasser cet épisode, Basil. Vous n’avez pas eu de chance cette nuit-là, vous étiez au mauvais endroit au mauvais moment, mais vous avez tous survécu et c’est le principal. Soit heureux d’être en vie, et ne sort plus si tard.
Alors que je me rendais dans ma chambre, je vis Gab qui discutais avec Tori devant la porte. Elle riait et lui, souriait comme un idiot. Elle me sentit plus qu’elle ne me vit. Son sourire disparu et elle s’écarta de l’entrée sans me lancer un regard. Gab fit la moue à mon encontre, je me retins de lui faire mon plus beau doigt et rentrais dans ma chambre.
Clarisse Guera, je n’allais pas oublier ce prénom de sitôt.
Ah ah, Basil et Tori.
Je crois bien que le fil qui les relie a un nom.
Sauf si je me trompe.
hmmm tu penses a ce que je pense ? :))