Deux Joyaux Violets. Chapitre 18.

6 mins

Une évidence si évidente, 1er partie.

BASIL

 Seul le son de mes pas sur la moquette comblait le silence assommant des couloirs. Les élèves dormaient, bien au chaud, emmitouflés sous leur couette, tandis que la pluie se déchaînait à l’extérieur. Les dimanches matin étaient toujours reposants à Ecclésia, comme si les élèves avaient conclu un accord commun, celui de se reposer dans un calme appréciable. Même dans la salle principale, l’atmosphère était propice à la détente. Bien évidemment, ce n’était pas mon cas, et ce calme m’ennuyait considérablement. Je n’aimais pas les dimanches. Malheureusement, Tori n’était pas là pour me distraire, elle rentrait dans la journée. Je me demandais bien comment son voyage se passait, appréciait-elle ? J’aurais bien aimé voir Enki durant ma première année, mais tout le monde n’avait pas la même chance.

 En plus de cela, la pluie affectait mon moral. Durant mes voyages avec ma grande sœur, nous avions pour habitude de descendre vers le sud en hiver, pour éviter le plus possible le mauvais temps. Être enfermé ici durant cette saison me frustrait pas mal.

 Je me dirigeais vers la salle principale, Greg et Aiden ne pouvait être que là-bas. Et j’avais raison, une fois de plus. Alors que je m’installai sur leur table, les deux hommes furent soudainement silencieux. Leurs regards étaient fuyant et un sale climat de malaise imprégnait mon maudit cerveau de Psychic. J’arrivais au mauvais moment.

— Je vous dérange, peut être ? Vous savez que je peux lire dans vos têtes, n’est-ce-pas ?

 Aiden ricana en buvant sa mixture horrible. Il faisait le malin de service, mais quelque chose clochait. Il voulait changer de sujet. Greg semblait douter, garder un secret n’était pas dans ces cordes.

— Je me fais juste du souci pour Gabriel, finit-il par sortir, comme une délivrance.

 Je haussais les sourcils, amusé, ce n’était que ça ? Aiden souffla, maintenant agacé.

— De quoi vous parlez ? Riais-je devant leurs mines déconfites.

 Mon envie de piocher dans leur esprits était très tentante mais je m’abstenais, par pure décence.

— Il est assez proche de Tori, c’est pas nouveau. Mais ils sont sortis ensemble en ville, apparemment, ricana le Vampire.

— Sérieux ? Mais il joue à quoi ? Je m’emballais d’un coup. Il est complètement inconscient.

 Gabriel essayait vraiment de sortir avec elle ? Je savais qu’il y avait eu un rapprochement, mais je ne pensais pas qu’il irait si loin, ce baratineur.

— Bon, oui, pas besoin de crier comme ça, Aiden se mit à râler en se massant les tempes.

— Il lui a dit ? Demandais-je alors, conscient d’avoir posé un froid.

 Silence, puis Greg me répondit, mal à l’aise :

— Justement, non, et je sens que ça lui pèse. Je crois même qu’il évite Tori depuis quelques jours, sûrement car il s’est attaché à elle.

 Quelle histoire merdique, Gab semblait être un ange mais si on creusait un peu plus, il cachait très bien son jeu. Il désirait beaucoup Tori, depuis qu’elle était arrivée, c’était une évidence. Il m’en parlait peu, il était difficile de cacher des choses à un Psychic. Je sentais son esprit divaguer vers cet amour. Il avait fini par mettre Greg dans la confidence, car oui, ces sentiments étaient un problème. Les couples entre espèces n’étaient pas faits pour durer dans notre monde, c’était une triste réalité. C’était un comportement considéré comme déviant, anormal. Bien que possible, c’était mal vu, donc compliqué à vivre. Il fallait être préparé. Et qui plus est, Gabriel était un futur Gamma, il était alors hors de question qu’il ramène une Demesse dans sa meute familiale. Les Loups étaient vieux jeu, un Gamma se devait de donner l’exemple et donc, éviter les relations trop étranges. La tradition voulait que chaque Loup rencontre son âme-sœur pour ensuite diriger la meute pour qu’elle perdure dans le temps.

— Ce n’est pas Gabriel qui est à plaindre dans l’histoire, marmonnais-je, sans pour autant calmer mes nerfs.

— C’est notre ami ! Évidemment qu’on s’inquiète pour lui, s’emporta Greg en posant ses deux mains sur la table.

— Greg ne voulait pas t’en parler à la base, il disait que t’aller surtout être jaloux, railla Aiden, pas du tout impressionné par la colère de notre Loup.

 Je m’étouffais à moitié, cette blague.

— Gabriel baise avec qu’il veut, j’en ai rien à foutre. Le problème c’est qu’il n’assume rien et Tori croit, à tort, qu’ils vont être un joli petit couple. Ami ou pas, Gabriel est un putain de lâche, et Tori perd son temps.

 Grégoire accusa le coup, les yeux baissés, je ne sais pas s’il m’ignorait ou s’il n’acceptait pas l’évidence. Aiden se mit à me sourire doucement et j’entendis ses pensées qui m’étaient destinées.

 « Tu as raison, mais Gab est un Loup, je pense que Greg le considère déjà comme un Loup de sa meute, il le protégera toujours contre l’extérieur, et tu le sais. »

— S’il ne lui dit pas, je me gênerais.

 Alors que je me levais pour quitter la salle, une poigne forte agrippa mon bras gauche. C’était Greg, ou son Loup, je ne savais pas.

— Ne te mêle pas de ça, Basil, ce ne sont pas tes affaires, me menaça-t-il.

 Grégoire protégeait un Loup de sa meute, ça se voyait comme un nez au milieu d’une figure. Mais j’en avais rien à foutre de ses principes à la con, j’avais les miens.

— Lâche-moi, et je ne me répéterai pas.

— Bon, les gars, calmez-vous. Je pensais pas qu’un jour, vous vous engueulerez pour une femme, la vie est rempli de surprise, vous ne trouvez pas ?

 Alors qu’il blablatait, Aiden se leva et plaça sa main sur l’épaule de Greg, qui se détendit instantanément sous son hypnose. Je m’éclipsais alors. J’avais d’autres chats à fouetter, dont un petit Loup en peine de cœur.

 La journée fut longue jusqu’à l’arrivée de Tori, je m’ennuyais sévère. J’avais décidé de fouiller les dossiers de l’école et de ces élèves, dans l’espoir de voir une « Risse » apparaître comme par magie. Je n’avais, bien évidemment pas le droit, mais la sécurité de cette école était une véritable passoire. Je connaissais Ecclésia comme ma poche, les heures et emplacements des rondes des surveillants, les archives toujours au même endroit et la secrétaire toujours aussi sénile et exécrable.

 Cette école me rendait fou, j’avais l’impression d’y être depuis des siècles, j’étais si vieux et pourtant si jeune. Je voulais sortir d’Ecclésia, ironiquement cela signera également mon arrêt de mort. Ma malédiction n’avait aucune pitié, ne me donnait aucune liberté. Wilkins voulait posséder ce monstre que j’étais, me gardant assez conscient pour me manipuler. Ma liberté contre un peu de répit, oui. C’était ça mon destin. J’avais trop tué, pour moi-même mais aussi pour les autres ; j’ai vu trop de gens mourir, mes parents, mes amis, ma grande sœur. Esméralda savait ce qu’était la vie ici-bas, elle en avait payé les frais, elle voulait m’en protéger, c’est ce qui avait causé sa perte. Je vis aujourd’hui grâce à elle, et pourtant je veux me tuer, je me marrais devant ces archives qui ne se finissaient plus.

    Tori était sacrement idiote, j’étais jaloux d’elle, de sa condition. Ses parents étaient sûrement morts et enterrés depuis des années, ils représentaient les pires fardeaux de ce monde. Ils ont pourtant veillé à ce qu’elle vive, à ce qu’elle ait d’autres parents qui l’aiment et qui prennent soin d’elle. Que foutait-elle ici ?

— Quelle erreur Tori Blake, soufflais-je en cherchant machinalement les B inscrits cette année.

 Je n’avais jamais vu son dossier, seulement Greg et cette fouineuse d’Elise y avait jeté un coup d’oeil, il y avait plus d’un mois.

    J’y arrivais facilement, mais il faisait pâle allure face à celui des autres élèves. Je pouvais y lire que quelques lignes timidement écrites.

 Nom : Blake.

 Prénom : Tori.

 Sexe : féminin.

 Date de naissance : 3 août 1996.

 Âge : 6 ans, éligible à Ecclésia dès 18 ans.

 Espèce : Demesse.

 Tuteurs légaux : Chris et Thérésa Blake, 4 novembre 2002, à Chicago.

 Parents : 

— Putain, mais quoi ?

 Je me levais de ma chaise, le souffle court. Il y avait les noms de ses parents. C’était évident, je n’y avais pas pensé ? C’était moi l’idiot, c’était si évident.

 

Je sortis tard de la salle des archives, le soleil s’était couché.

 Tori.

 Je me précipitais vers la salle principale, ignorant la vieille secrétaire qui pestait à mon encontre. Je vis une foule à l’entrée, les premières années étaient rentrés. Je poussais les élèves, la plupart me lançaient des regards noirs et d’autre m’ignoraient. Je m’en foutais pas mal. Malgré mes recherches, Tori restait introuvable.

 J’attendais quelques minutes que la foule se disperse vers l’étage. Je tentais de ressentir l’énergie de Tori, je la connaissais bien, son fil était le plus beau de tous, comment le rater. Il ne me fallut pas plus de temps pour la trouver, elle était dans la salle principale.

 Je la vis près d’Oswin et Élise. La Vampire avait sa main sur son épaule. Alors que je tentais de m’approcher, je sentis la tristesse de Tori m’atteindre. Je reculais d’un pas, je n’avais pas contrôlé cette entrée, c’était étrange, j’en étais pourtant capable. Parmi toute les personnes présentes ici, c’était l’émotion de la petite Demesse qui me transcendait de tout part. Elle était triste. Élise fit une moue désolée, avant de tourner les talons, l’air meurtrie à son tour. C’est lorsqu’elle s’apprêtait à sortir de la salle qu’elle me vit.

— N’en veut pas à Grégoire, c’est un idiot qui essaie de bien faire. Je lui ai dit, à propos de Gab, tu n’as pas à t’en faire. Bonne nuit, Basil.

 La Louve disparut ensuite. Elle lui avait dit.

 « Je suis fatiguée Basil, on se voit demain ? » La voix de Tori semblait douce mais en proie d’une déception que je ressentais à mon tour. Je l’entendais dans ma tête et nos regards se croisèrent, je hochais la tête, je comprenais.

 J’aimais communiquer ainsi, avec elle, c’était plus simple, plus rapide, plus apaisant.

Tori était apaisante, rien de comparable à ce que son futur pressentait.

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Je pense que vous avez deviné ce que Basil a lu ! :))

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3 Commentaires
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bbbbbbb ccccccccccccc
bbbbbbb ccccccccccccc
2 années il y a

Euh, le nom de ses parents?
Toujours passionnant cette histoire.
Bravo!

Galindo Gaëlle
2 années il y a

Gab c’est peut être son frère ? Même si c’est interdit… Impossible démon psychic lui un loup…
Je veux la suite ! Viiiiite !

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