Témoignage anonyme paru sur un forum inconnu mis en ligne le 21/07/2009 à 19h43 par “MalyciousABC03” :
“J’ai longuement hésité à partager mon histoire sur internet parce que déjà à l’époque je passais pour un fou quand je racontais ce qui m’était arrivé. J’ai décidé de sauter le pas aujourd’hui parce que mes souvenirs m’empêchent de dormir la nuit. Depuis cet évènement, je ne suis plus moi-même. J’ai l’impression de nager dans un tourbillon de folie tous les jours. Je sors le moins possible. Je n’ai plus de vie sociale. Ma femme m’a quitté il y a quelques années, après 9 ans de mariage, à cause de mon comportement qu’elle jugeait “inquiétant”. On m’a proposé à maintes reprises les rendez-vous chez des psychiatres et j’avoue avoir séjourné quelques jours en HP mais ça n’a rien donné. Je ne suis pas fou et je le sais tout au fond de moi. Je trouve que c’est tellement frustrant de savoir que les gens continuent à vivre sans même se soucier de mon histoire.
À l’heure où j’écris ce témoignage et à l’heure où vous le lirez, plusieurs années se sont écoulées depuis “mon accident”. Libre à vous de me croire ou non, mais j’imagine qu’écrire dans ce forum perdu au milieu d’internet me permettra de me soulager.
Je m’en souviens comme si c’était hier. À cette époque, j’étais préparateur de commande. On devait réceptionner la marchandise jusqu’à tard le soir pour espérer être dans les temps pour les expéditions. Il devait être aux alentours de 21h et j’étais exténué. Exceptionnellement, je devais prendre les transports en raison d’un problème avec ma voiture. L’île-de-France est assez bien desservi, bien que les trajets en dehors des murs de Paris peuvent être pénibles pour certains. Je devais prendre le RER puis la ligne J vers Boissy l’Aillerie, Santeuil par-là. J’ai cru que j’allais raté le dernier train (ces lignes cessent le traffic assez tôt), ça m’a beaucoup stressé sur le coup. J’ai finalement pu le prendre.
Il n’y avait pas beaucoup de monde à cette heure. Après 15 minutes de trajet, le train s’est arrêté et est resté bloqué à une ou deux gares avant mon arrivée. On nous a fait descendre en raison d’un problème technique avec un soi-disant bus de remplacement qui couvrirait le reste du trajet. Ça m’a un peu foutu dans la merde mais je me suis résigné. Certains avaient appelé des taxis et on n’était plus beaucoup en gare. On a dû attendre prêt d’une heure, sans réseau et dans le froid surtout. Les éclairages étaient très faibles, un peu comme une ambiance de film d’horreur mais moi ce qui m’avait frappé c’était le silence de mort qui y régnait à ce moment-là.
Après une attente désespérée pour un bus qui ne semblait pas venir, un nouveau train est entré en gare avec une lenteur déconcertante. Il y avait clairement un truc qui clochait mais je ne savais pas quoi. Le train ne ressemblait pas à celui de la ligne J habituel. Il semblait rouillé, usé par le temps, complètement rongé avec un bleu ayant presque disparu. Je n’ai pas eu le temps de voir le conducteur mais je me souviens être monté dans le dernier wagon. J’étais tout seul cette fois. je ne sais pas trop ce qui m’a pris. je voulais juste en finir et rentrer chez moi.
En plein trajet, les lumières se sont éteintes. C’était pas normal mais j’ai pensé que c’était pour des économies. C’était le raisonnement le plus stupide de ma part. Le train ne s’était pas arrêté aux arrêts suivants et j’ai commencé à paniquer quand on a dépassé mon arrêt. Il était clair que j’étais monté dans un train qui se dirigeait vers le dépôt. J’étais terrifié à cette idée. Vous savez dans les transports, il y a des sonnettes d’alarme en cas de problèmes. Je me suis acharné sur l’une d’entre elles sans succès et personne n’est venu me chercher. Il faisait tellement noir que je voyais à peine mes doigts. Je n’avais que la lampe torche de mon téléphone qui était encore à 16% de batterie, toujours sans réseau. J’ai hurlé, frappé les vitres, j’ai même essayé de les briser à un moment. Je ne peux pas vous dire combien d’heure je suis resté enfermé là dedans. Le jour ne voulait pas se lever.
Le train de la ligne J est sur deux étages. Il y a des places au niveau du quai et d’autres en hauteur. Je pensais être seul dans le wagon et je l’étais effectivement mais à un certain moment, j’ai entendu des bruits à l’étage. C’était plus comme quelque chose qui grince que le bruit que pouvaient faire des pas sur le sol. J’ai été voir ce que c’était mais bien entendu je n’ai trouvé personne. Je me souviens néanmoins de ces traces de griffures sur les sièges et des dizaines d’affaires de toutes sortes éparpillées dans tous les sens. Il y avait des vêtements de femmes et d’hommes tachés de sang, des chaussures déchiquetées, bijoux brisés, mèches de cheveux arrachées. J’étais horrifié de voir parmi les tissus ce qui me semblait être des bouts de chaire imbibées de sang. J’ai vomi lorsque j’ai vu la main coupée sur la marche d’escalier. Je devais certainement halluciner. Ce n’était qu’un cauchemar, je croyais que j’allais me réveiller sur mon oreiller à côté de ma femme.
C’était impossible qu’un truc pareil puisse arriver dans la réalité. J’ai continué à m’acharner sur les portes et finalement elles se sont ouvertes toutes seules. Je peux vous dire que j’ai couru à en perdre à haleine. En descendant du train, je me suis fais mal aux jambes à cause de la hauteur de la marche avec le sol. Je ne savais plus où j’étais et il ne restait plus personne dans les wagons. On était pas vraiment dans un dépôt de train mais au milieu de nulle part. Je voyais rien, à part une route déserte qui ressemblait à celle qui sillonnent les champs de tournesol en campagne. J’ai donc marché pour voir si je tombais sur une voiture ou une station service mais il n’y avait vraiment rien. Épuisé et saisi par le froid, je me suis laissé tombé au sol. Je voulais abandonné quand des phares blancs de voitures m’ont éclairé. Pour la première fois de ma vie, je n’ai jamais été aussi heureux de voir du monde. C’était un homme assez vieux qui rentrait chez lui et qui m’a trouvé sur le bord de la route. Il m’a demandé ce qui m’était arrivé mais je peinais à articuler le moindre mot. Il m’a emmené à l’hôpital le plus proche et c’est là qu’on m’a pris en charge.
Des officiers de polices sont venus me voir dans ma chambre le lendemain pour me dire qu’ils me recherchaient depuis très longtemps mais pas pour avoir enfreint la loi. J’étais porté disparu depuis le 21 janvier 2005, la date exacte où je rentrais chez moi. Ils m’ont dit que le vieil homme m’a trouvé sur la route en 2007 soit 2 ans après ma présumée disparition. C’est complètement insensé ! Je ne suis même pas resté une journée entière dans ce train.
Quand j’ai essayé de leur décrire ce qui m’était arrivé, ils ne m’ont pas cru. Il n’y a eu aucune image de vidéo surveillance, aucun témoin (alors que je savais que je n’étais pas le seul à être monté dedans) et aucun problème de train ce jour-là non plus. On m’a diagnostiqué une schizophrénie peu de temps après et à partir de cela, ma vie a été une descente aux enfers. Personne n’a voulu me croire. J’ai même pensé qu’il s’agissait d’une simple démence de ma part. Je vis actuellement dans la peur que tout recommence. J’ai l’impression d’être isolé des autres, du monde, de moi. Je ne sais plus du tout ce qui est vrai et ce qui ne l’ai pas. Les souvenirs de cette nuit sont quand à eux toujours aussi nettes après quatre ans. Je me souviens dans les moindres détails des aspects de ce dernier wagon…
J’ai cherché sur internet toutes les explications possibles et j’ai consulté l’enquête sur ma “disparition” mais je n’ai trouvé aucune réponse. Savez-vous à quel point c’est dur de vivre avec une telle chose sur la conscience ? J’ai disparu pendant 2 ans alors que j’étais simplement coincé dans un train pour rentrer chez moi.
Pourquoi le temps est-il passé aussi vite ? Est ce que j’ai réalisé un saut temporel ?
Il y a encore de nombreuses questions qui resteront sans réponses. Forcément, dans mon esprit c’est le chaos et je ne peux compter sur personne…”
Fin de l’extrait du témoignage.
Retranscris sur Wikipen.fr par Anonyme Anonyme, le 31 octobre 2022.