Je me rappelle ce jour comme si c’était hier. Papa était en déplacement. Mes aînés travaillaient et ne se trouvaient donc pas là. Arthur était malade (une grippe il me semble) et maman se tenait près de lui.
Quand je suis rentrée du collège, il dormait. Je me suis donc dirigée prudemment vers la cuisine pour y prendre mon goûter. Maman est arrivée quelques minutes après. Elle avait ramené ses cheveux dans un chignon immonde qui la vieillissait de dix ans. Ses yeux semblaient fatigués, épuisés même. En me voyant, elle a sourit et m’a embrassé.
Le téléphone a sonné et elle s’est empressée d’y répondre.
-allo ? Ah oui bonjour Ana ! Non, vous ne me dérangez pas. Mais il vaut mieux que je vous passe à Estelle. Après tout, c’est elle qui va vous côtoyer le plus.
Maman m’a donné le téléphone et est partie rejoindre mon frère. Sur le moment, je suis restée silencieuse. Je ne connaissais aucune Ana !
-Estelle ?a résonné une voix dans l’appareil.
-Oui ?j’ai fini par répondre.
-Comme je suis heureuse de t’entendre ! Je m’appelle Ana et je serai ta professeure à domicile.
-Quoi ?
C’est sorti tout seul. Je ne comprenais plus rien ! Depuis quand j’avais besoin d’un prof ?
-Je pensais que ta mère t’en aurait parlé mais je vais le faire puisque ça n’est pas le cas. Dans un peu plus d’un mois, tu déménages à la campagne. Le collège sera loin alors pour te faciliter la tâche, tu feras tes cours chez toi, à distance. Et je t’aiderai.
Heureusement qu’une chaise n’était pas loin. J’ai d’abord pensé qu’elle me faisait une blague. Mais quand j’ai vu que maman m’observait en souriant, j’ai compris. Je me suis tournée vers mon sac. Ce jour là, je me suis vraiment rendue compte de la perte que ce déménagement allait engendrer. J’aimais mon école ! D’accord ma timidité me privait de quelques plaisir, mais j’adorais y aller ! Les retards, les exposés, les spectacles de fin d’année, les travaux de groupe…je détestais ça mais cela faisait parti de ma vie, et je ne voulais pas m’en séparer. Peut-être que papa et maman souhaitaient bien faire, sans doute même. Sauf que moi, je ne le voyais pas ainsi…