Timide. Ce mot est partout. Sur mes bulletins, sur les lèvres des gens, parfois même dans leur regard. J’aimerais bien savoir de qui je tiens, connaître la personne qui m’a offert cet autocollant que je semble avoir. Le dictionnaire dit que c’est un manque d’assurance, d’hardiesse. Je définirais plutôt ça comme une capacité de renfermement supérieure à la moyenne.
Je suis une fille comme les autres, rousse aux yeux noisettes, avec une jupe et des sandalettes. J’ai cette voix aiguë et ces yeux qui se plissent quand je rigole, ces rubans que j’enlasse autour de mes tresses, ces frous-frous qui dansent au rythme de mes pas. Mais il y a quelque chose qui me sépare des autres, une petite chose qui s’est construite autour de moi. J’ai comme une forteresse, un mur, une bulle qui me garde à l’intérieur, pour me protéger. Je ne me souviens pas de sa date de fabrication, je crois même qu’elle a toujours été là. Je vis, mais sans échos. Le monde tourne, plus ou moins vite selon les jours, mais j’ai comme l’impression que mon véhicule est en panne. La peur que les nouveaux nés ont pour l’univers, je ne l’ai jamais perdue. Et même après douze années de cohabitation avec le monde, il me semble toujours aussi étrange.
La seule personne qui me paraisse relativement compréhensible, c’est Théo. Il est mon meilleur ami depuis maintenant…douze ans. Nos mères se sont rencontrées dans un parc. Il m’avait volé ma pelle, et je n’avais rien dit. Un garçon d’une patience parfois inquiétante, si bien que je me demande quand il cessera d’attendre son père, parti à sa naissance. C’est un peu le contraire de moi. Brun aux yeux bleus, extraverti, toujours à raconter une anecdote ou une histoire inventée. Tout nous oppose: la vision pessimiste des autres que je me fais, sa façon d’aborder l’imprévu, le rond dans lequel je danse, cette piste qu’il s’approprit quand bon lui chante.
Je n’ai jamais su pourquoi il reste avec moi. Les filles lui tournent autour et les garçons l’envient. Avec ses cheveux bruns et sa mèche de travers, il domine ses journées. Pourtant il ne répond pas aux cartes glisées dans son casier et refuse les parties de foot. Ses récréations, il les passe sur un banc, à lire par dessus mon épaule. Parfois il retient une page, rit sur un mot, d’autres il se tait.
Quand le temps n’est pas à la lecture, il appartient à l’écriture. Théo aime les citations, et son plus grand plaisir est d’en construire, mélanger la beauté avec le présent. Il regarde le ciel, un arbre, une personne, parfois moi, et il laisse couler les mots. De sa voix, on croirait entendre les rouleaux de la mer, le bruit du vent dans le sable, l’écume blanche contre un rocher.
Merci à ceux qui me liront.
Ce court texte est le début d’une nouvelle que je dévoilerai chaque semaine (si je le peux).
Tous les commentaires sont bons à prendre, je suis loin d’être une experte en la matière.
À bientôt j’espère !
C’est léger et la fin est poétique c’est agréable
Pas mal. Idem pour la fin.
Très beau texte. On ne le lis pas, on le vis. Superbe
(juste attention, le dernier mot c’est rocheR et non rocheT)