J’ai décidé de donner un nom au chat que j’ai vite considéré comme un jeune femelle. Baïni. Ça veut dire petite soeur dans une langue orientale. Et c’est un peu la manière dont je la vois, comme s’il me fallait la protéger, de tout, même si je sais que c’est le contraire. À sa façon de me regarder, j’ai plutôt l’impression que c’est elle qui m’apprend la vie, ou la nature, les deux sont reliées. J’ai tout raconté à Jean-Marie. Il a sourit en haussant les épaules. Je lui ai aussi avoué ma rencontre avec un cerf. Mais là, il n’a pas rien dit.
– C’est un chevreuil, Clémentine. Les cerfs, ça n’est pas par ici. Mais tu as raison, ils se ressemblent. Ton jardin est un refuge. Il y a la chasse, pas loin. Ici il sait qu’il ne risque rien.
J’étais un peu vexée de la banalité de l’évènement mais je n’en ai rien dit.
– Il a quel âge, Simon ? Me demande-t-il
– Six ans. Bientôt sept.
– Je lui en aurais donné presque neuf. Vous avez choisi d’être ici ?
La question me surprend. L’envie de mentir me prend. Comment lui expliquer que j’ai haï cet endroit, parce qu’il vaut une perte monstre, qu’il a tout détruit, que j’aurai préféré ne jamais le connaître ? Je ne peux pas. Mais cela fait trois mois. Trois mois que je dors dans le même lit dur, trois mois que passe mes journées dans le même jardin. Et j’ai appris. Appris à regarder les choses, à les accepter. À aimer, peut-être aussi. Parce que je ne veux plus dire que je n’aime pas cette maison. Ça sonne faux. Pas vrai non plus, mais faux. Comme si cette réponse n’était plus tout à fait valable.
– Non, je réponds calmement. Non, les parents ont tout fait.
Il reste silencieux.
– Mais au final, ce n’est pas plus mal, j’ajoute. Si notre avis comptait toujours, il y aurait tellement de choses qui nous passeraient à côté.
Bravo, on adopte pas un chat, il vous tolère tout au plus. J’aime ce personnage solitaire qui se cherche des amis. Celui à qui il veut mentir n’en fait pas partie.