– Regarde, suis mon doigt.
Il pose sa main contre mon épaule, je sens sa tête près de la mienne. Dans le champ d’à coté, deux oreilles sortent de l’herbe.
– C’est un lièvre. Probablement que je lui ai fait peur avec mon tracteur. Tu vois comme il reste figé ?
Je hoche la tête.
– Il croit que nous ne le pouvons pas le voir. Un peu comme les enfants qui se cachent derrière leur cahier, sourit-il.
Soudain la bête semble avoir compris. Elle court vers nous, j’observe ses grandes pattes prendre appui sur la terre et s’élancer plus loin. Je crois deviner les contraction de ses muscles à travers son pelage. Tout est maîtrisé, calculé, un léger décalage, il rectifie, et reprend sa course.
– Admire comme il va vite. C’est une des différences avec les lapins. Il a des pattes plus grandes, il peut pousser sur ses jambes plus facilement. Tu sauras les reconnaitre maintenant ?
Je hoche la tête.
– Aller, je continue mon travail. J’ai encore du chemin.
Je le regarde partir tranquillement vers son tracteur, moi je reste là. Simon est déjà loin, appliqué à imiter son nouvel idole. Jean-Marie a repris son travail. Le véhicule tréssautte à chaque caillou, et je devine à travers sa détermination un brin de nostalgie. C’est la première fois depuis trois semaines qu’il tond. Le cantonnier fidèle a repris ses bordures. Sa droiture. L’animal a disparu. Je ne le reverrai plus. Le gout salé de la fin dégouline de mes joues.
Nostalgie de la campagne et de l’émerveillement.
Qui sait encore regarder?
très joli