Quand il eut six ans, on le fit rentrer à l’école primaire. Louis ne fut pas mauvais élève. S’il n’excellait pas en calcul, les lettres n’avaient aucun secret pour lui, et il acquit la lecture en à peine un mois. Devant un tel progrès, la maitresse hésita à lui faire sauter une classe. Louis s’adaptait parfaitement, il ne tarderait pas à rattraper les plus grands. Cependant, la décision fut prise de le laisser dans sa classe. Le garçon, jugé trop peu sociable pour risquer une nouvelle intégration, finit l’année au fond de la salle, la table pleine de livres pour combler l’ennui. Mais Louis ne s’ennuyait pas. Si pendant les heures de lecture, il jugeait le débit trop lent, il se concentrait sur la voix de son camarade et en déduisait chaque émotion. Il apprit ainsi à reconnaitre l’agacement, l’intérêt, l’incompréhension et l’enthousiasme dans le timbre, ce qui pour un enfant comme pour un adulte, est une bien jolie qualité. Malheureusement, dans le cas de Louis, cela ne plaida pas en sa faveur. Timide, soucieux de ne faire aucun bruit, il s’en allait de lui-même lorsqu’un ton trop lourd venait à se montrer. Le maigre paquet d’élèves curieux n’eut aucune chance, la pitié étant parmi les sentiments les plus reconnaissables à l’oreille d’un attentif. Des toute façon il ne s’intéressait guère aux jeux de ballons, préférant dorer sur un banc à la récré. Être seul ne le dérangeait pas, et il finit sa primaire comme n’importe quel autre enfant, à l’exception de son silence de plomb, douce qualité aux conséquences amères.
8) Quand il eut six ans…
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