J’avance d’un pas léger dans les rues froides de Lyon. A mesure que la musique défile dans mes oreilles, je me rapproche de plus en plus de mon point de rendez-vous. Mon point de départ également.
Tout va commencer lorsque je vais lever la tête et qu’il apparaîtra en plein centre de mon champ de vision. Attablé à la terrasse d’un petit bar café de la vieille ville, un verre de vin rouge posé devant lui.
Comme d’habitude il est déjà là et je suis en retard.
Il me regarde avancer dans sa direction, un demi sourire se dessine peu à peu sur son visage. Je soupçonne qu’il ai fait exprès de choisir un verre de vin rouge plutôt qu’un verre de vin blanc.
Je crois qu’il commence à connaître mes goûts.
Je me suis préparée avec soin. J’ai mis mon parfum préféré, auquel je me suis un peu trop habituée. A présent, je ne le sens presque plus mais je sais que l’on me suit à la trace. Je sais que d’où je suis, il me sent déjà.
Il se retient, mais je lis la joie dans ses yeux.
Nous sommes tout proches à présent. Je le serre à demi dans mes bras, tout en l’embrassant sur la joue. Comme une étreinte, un minuscule câlin.
Il fait de même, me serrant plus fort contre lui. Il m’embrasse doucement sur la joue, plus longtemps qu’avant, lorsque nous n’étions que de simples amis.
Je me recule légèrement, baisse la tête tout en replaçant une mèche de mes longs cheveux. J’esquive son regard en lançant un ” ça va ? ”
Il me répond d’un petit oui, de sa voix grave mais douce. Il m’invite à m’asseoir, ce que je fais immédiatement.
Je me racle légèrement la gorge, touche une seconde fois mes cheveux, d’un geste inconscient. Je place mes mains sur la table, consciente cette fois ci que je ne sais plus quoi en faire.
Je lui demande ce qu’il boit.
Un serveur vient rapidement prendre ma commande :
“Je prendrai la même chose que Monsieur, s’il vous plait”.
Je ne sais plus vraiment si j’ai envie d’être là, avec lui, maintenant. Je ressens une sorte de gêne qui s’atténuera rapidement au fur et à mesure que mes lèvres goûteront le vin.
Je m’oblige à lever les yeux, et enfin je le regarde. Je n’oscille pas, je n’ai plus envie. Il sourit, et je sens qu’il est un peu gêné lui aussi, qu’il se sent presque bête. Il me pose quelques questions : depuis quand suis-je rentrée, est-ce que mon escapade dans mes terres natales s’est bien passée, quels sont mes futurs projets. Je réponds en laissant une porte ouverte à la discussion. Néanmoins j’ai peur d’entrer dans le vif du sujet et qu’il me questionne un peu trop.
Le serveur arrive et dépose le verre de vin sur la table, je le remercie sans lever les yeux. J’ai envie de sourire.
Je pose les coudes sur la table tout en jouant à caresser le verre du bout des doigts, je regarde mon geste, puis lève les yeux brusquement pour les plonger dans les siens.
Ils sont bleus foncés, tirant légèrement au vert. Ses longs cils lui donnent un air doux et quelque peu féminin.
Il est troublé mais sourit également.
J’approche mon visage, me mordille la lèvre inférieure, un petit tic anodin.
J’aime lui plaire, j’aime à posséder ce jeu qui s’est installé entre nous deux. J’aime qu’il me dévore des yeux comme si il me regardait pour la première fois.
Je lui ai manqué, même si il s’y est habitué. Il s’est questionné longtemps. Il a presque fini par oublier mon parfum, le contact de ma peau, ma voix, mes expressions faciales.
Ces petites détails qui nous définissent, tout un chacun.
De mon côté, j’ai l’impression de le redécouvrir. Malgré mes tentatives pour me remémorer, j’avais fini par oublier la plupart des traits de son visage. Au bout d’un mois, est-ce vraiment possible ? Est-ce le fait de ma propre volonté ou mon inconscient qui voudrait l’occulter ? J’avais également oublié son odeur. Il ne porte pas de parfum, ni même celle d’une lessive. Il sent juste lui, l’odeur de sa peau, sa transpiration. Il sent bon.
Il sort de sa poche les bagues en argent que j’avais oublié chez lui. Il est un peu fier de les avoir gardées si longtemps, dans son endroit secret, à l’abris des regards indiscrets. Elles sont intactes. Je les repasse dans mes doigts, d’un geste simple mais délicat.
Elles ont chacune leur place, en totale harmonie les unes avec les autres. La bague à la pierre de lune est ma préférée, visiblement la sienne aussi. C’est un cadeau de ma meilleure amie, pour mes 20 ans. Un petit bijoux dont la valeur sentimentale est inestimable.
Je me souviens encore du jour où elle me l’a offerte.
L’espace d’un instant, je m’imagine qu’il les a minutieusement observées, presque nostalgique du moment passé. Si je ne les avais pas oubliées, après cette nuit là, est-ce que nous nous serions revus ?
Je me rappelle de son SMS du lendemain, lorsqu’il m’a dit qu’il avait envie de me revoir.
Il semblait un peu triste et perdu, et moi d’avantage. J’avais répondu que ce serait le cas, mais pas tout de suite. Ce à quoi il avait simplement écrit :
” Je sais, j’ai tes bagues. “.
Ni lui ni moi n’osons nous lancer dans cette longue discussion qui se dresse devant nous. C’est pourtant tout l’enjeu de ce rendez-vous : se remémorer.
J’attends qu’il fasse le premier pas. Je n’ai pas encore assez bu pour provoquer la situation.
Nous continuons de nous regarder, jusqu’à ce que le silence finisse par s’installer entre nous.
Il rapproche sa main de la mienne et la caresse du bout des doigts, joue avec mes bagues, entremêle ses doigts aux miens. Il fait ce geste inconsciemment, comme si il avait besoin de rétablir un contact physique entre nous.
Enfin, il fini par se jeter à l’eau. Sa voix grave vibre légèrement,
” Hm, tu veux toujours savoir ce qui s’est passé le matin où on est rentrés chez moi ? ”
Hâte de lire la suite …