L’héritage du Zénith – XXII

6 mins

Les jumeaux se regardèrent un moment : avaient-ils été sentis par l’infernal canidé ? Ils n’avaient pas prévu la présence de la bête et cela leur compliquerait grandement leur tâche d’espionnage, voire d’assassinat. Tout tomba à l’eau à cause de lui.

Pourtant, ils en étaient convaincus : le cerbère avait repéré quelque chose c’était certain, mais pas eux. Du moins, il ne leur avait pas donné la priorité car, ils savaient aussi que l’odorat de la bête était tel, que même la discrétion et le sens du placement des jumeaux n’auraient pu lui échapper. Cependant, entre leur odeur, et celle de la forêt profonde, il avait choisi cette dernière comme centre de toute son attention…

Le duo se retira. Ils n’avaient finalement pas appris grand-chose, et la sanction de leur prince qui les attendrait pour être partis sans autorisation, et n’avoir rien rapporté d’intéressant, serait sévère. Ils l’accepteraient, comme toujours. Et chercheraient à se racheter plus tard.

***

Hachbanmeraug quant à lui, avait quitté Horgia avec une poignée de soldat. Il se dirigeait vers un petit royaume aux limites du territoire de l’Empreinte, qui vouait une dévotion totale à cette dernière depuis bien des générations. L’ancien roi était mort récemment, emporté par la vieillesse, et son fils, que ses sujets estimaient peu, avait voulu montrer son autorité en proclamant l’indépendance du royaume vis-à-vis d’Horgia. Le prince guerrier devait vite ramener le jeune impudent à la raison, ou en faire un exemple.

Arrivé aux abords de la cité, il trouva porte close, tandis que, perchés sur le chemin de ronde de l’enceinte, à l’abri derrière un épais muret crénelé, des dizaines d’archers, qui faisaient la fierté de ce royaume, tenaient leurs arcs bandés, prêts à tirer.

Hachbanmeraug fit stopper sa troupe hors de portée des flèches. Il aurait laissé une chance au jeune roi idéaliste… Plus maintenant.

Belpath avança en trottinant jusqu’au pont-levis, et la nuée de flèches argentées noya le ciel sous leur scintillement.

L’aîné de Lucifer continua à progresser, sa monture avançant sous les dards métalliques comme s’il ne s’agissait que d’une douce pluie. Il laissa les pointes s’écraser vainement sur son armure, celle de son destrier, et frôler son réseau de cornes faciales. Aucune n’entama pourtant jamais sa peau.

L’averse acérée cessa. Il faisait désormais face à la gigantesque porte. Il aurait pu se servir de Belpath pour survoler l’enceinte et piétiner tous les archers, mais il se devait d’agir lui et de n’user que de sa propre force pour parvenir à ses fins.

Il mit donc pied à terre, fit les derniers mètres le séparant de la fosse ceinturant la cité, s’arrêta, et clama d’une voix forte, portant loin au cœur de la ville, un ordre très simple :

— Ouvrez.

Il n’y avait aucune rage dans sa voix, juste une pointe de dépit de devoir encore montrer à ces humains qu’ils ne faisaient pas le poids face à lui…

Une nouvelle salve de flèches fut la seule réponse venant de la cité. Cette fois c’était trop. Comme précédemment, il laissa le plus gros du tir tomber inutilement autour de lui, mais pour celles qui menaçaient à nouveau son visage, il les attrapa cette fois à mains nues, les brisant à la force de sa poigne.

Une fois le tir cessé, il se saisit de sa hache monumentale à laquelle était attachée une longue chaîne dorée à la base du manche. Il entoura quelques maillons autour de son poignet, fit tourner l’arme dans les airs et la propulsa violemment contre le bois qui se fendit largement sous la pénétration brutale de la lame dentée s’y rivant profondément. Et il tira.

Toute la porte se mit à trembler. Au sein des murs, les soldats se ruèrent sur les poulies, incrédules face à la situation. Mais leur nombre ne suffit pas : les rouages se mirent en branle et finirent par céder, blessant atrocement les plus tenaces des hommes essayant de retarder l’inévitable. La porte commença à s’abaisser, et les poulies abîmées ne purent soutenir la masse de bois qui s’écrasa violemment, se brisant partiellement à cause de la fissure géante ayant affaibli sa structure, ouvrant la voie au prince…

Hachbanmeraug, tira sur la chaîne, et récupéra son arme sereinement, sa troupe l’ayant rejoint pour pénétrer tous ensemble dans la cité…

Sur la place principale, les habitants se divisaient en trois catégories : les plus courageux, des soldats principalement, firent face au groupe. D’autres exprimaient une colère contre cette folie de s’être rebellés, comme s’ils espéraient, qu’en les entendant, le prince les épargne, et enfin, les derniers fuyaient dans un chaos absolu de cris et de courses folles.

Le fils de Lucifer se stoppa au centre de la place :

— Montre-toi, roi… Je n’ai pas que ça à faire aujourd’hui…

Entouré de sa garde personnelle, ou du moins ce qu’il en restait, le souverain s’approcha avec crainte sous le regard froid du prince d’Horgia… Il était aussi chétif qu’on le lui avait décrit, même sa couronne, s’affaissant ridiculement sur ses oreilles, semblait trop grande pour sa tête… Tout son corps transpirait la peur, et les atours royaux dont il se parait pour se donner un peu de la prestance qui lui manquait cruellement, le noyaient plus qu’autre chose.

Hachbanmeraug soupira. Un temps, il avait eu l’intention de le pulvériser sur place pour faire la leçon aux autres mais, devant un tel spectacle, il ne sentit qu’une mauvaise pitié à son égard…

— Ton père était un homme plus avisé que toi… Si nous tolérons ton royaume si près du nôtre, c’est uniquement parce que vous nous êtes soumis… Et toi, tu veux remettre ça en cause pour quoi ? Pour dorer une image bien terne ? Tu serais prêt à sacrifier ton peuple pour que l’on mentionne sur ton épitaphe « a tenu tête à l’Empreinte » ? Tu n’as même pas de descendants pour assurer ta relève…

Dans la foule un brouhaha monta, les pro-Horgia appuyant les dires du prince, conspuant leur propre roi.

— Je vais me montrer magnanime. Tu es un jeune roi. Je vais passer cette fois sur ta bêtise… Agenouille-toi, et prête-moi serment de nouveau.

Une fois encore dans la foule, une clameur s’éleva, le prince Hachbanmeraug offrait une porte de sortie, il fallait la prendre à tout prix. Mais lui, le savait, le jeune roi ne prendrait pas cette main tendue. Preuve de courage ou de folie, il ne ferait pas machine arrière… C’était trop tard. S’il acceptait, il passerait pour plus faible encore, et longtemps on lui reprocherait d’avoir risquer la sécurité du royaume inutilement. Mais en refusant, le peuple ne comprendrait pas ce rejet de pardon… Et c’est uniquement pour ça qu’il le proposa. Sans être l’égal de son père ou d’Evysciel, le prince savait comment marchait l’esprit de ces humains qui mettent leur destin dans les mains d’autrui.

Le roi tenta de se donner un air intransigeant, mais tremblait de tout son être :

— Jamais je ne me soum…

Il ne termina pas sa phrase, Hachbanmeraug lui décocha un violent coup de poing le mettant directement au sol, mâchoire brisée, quelques dents jaillissant de sa bouche avec un rejet de sang. Sa garde personnelle, bien loin d’intervenir pour défendre leur roi, se recula tandis qu’un silence choqué s’imposa dans la foule, bien que quelques sourires discrets et sadiques fussent tout de même lisibles sur certains visages… Il releva la tête, son regard embrouillé par le choc, ne discernant que peu la silhouette colossale du prince face à lui :

— Puisque tu ne veux pas te mettre à genoux, alors tu vas t’aplatir…

Il leva le pied, le posa sur le dos du roi et commença à faire pression… Le souverain hurla mais personne n’intervint, dans la foule certains détournèrent le regard, d’autres non. C’est finalement dans un craquement répugnant, que les cris du monarque cessèrent et que ses côtes, ainsi que sa colonne, cédèrent…

Le cadavre, gisant toujours sous son pied dans une mare de sang s’étendant de plus en plus, le prince balaya la foule et repéra dans un coin de rue une mendiante tenant un bébé dans ses bras. Il la héla :

— Toi, là-bas. Veux-tu devenir reine ?

La mendiante, étonnée, ne comprit pas de suite qu’il s’adressait à elle, et ne comprenait pas plus ce qu’il voulait dire :

— M-Moi ? Reine ?

— Celui-là ne sert plus à rien et il n’a pas d’héritier. Il faut donc un nouveau régent à ce lieu, et tu as un enfant… Alors, veux-tu devenir reine, humaine ?

La mendiante acquiesça plus par réflexe que par réflexion profonde. Hachbanmeraug avertit la population que cette femme et son enfant étaient désormais sous sa protection et que s’il devait leur arriver malheur, il reviendrait et n’épargnerait personne. Puis, il fit agenouiller la mendiante devenue reine face à lui pour qu’elle lui prête serment de dévotion. Il exigea de même de la foule envers elle, précisant que c’était la seule occasion pour ceux voulant partir de le faire. Très peu en profitèrent… Où pourraient-ils aller ? Enfin, il laissa la moitié du petit groupe de guerriers l’accompagnant sur place pour garantir la sécurité de la nouvelle reine. Cette dernière ne savait que trop bien à qui elle devait d’être passée de la rue au palais. Sa dévotion envers Hachbanmeraug serait transmise à ses descendants bien longtemps avant qu’un n’ose remettre l’autorité de l’Empreinte en question. Ainsi, ce petit royaume qui vivait jusque-là librement en entente avec l’Empreinte, était désormais pleinement sous sa coupe.

Sur le chemin du retour, un de ses soldats se moqua des humains, Hachbanmeraug renchérit :

— Ce sont les créatures vivantes les plus stupides… Même les meutes savent donner le commandement au plus fort… Eux, se laissent guider par un nom ou un sang…

Et pour lui, il était évident qu’il était le plus fort de sa fratrie… De plus, c’est lui qui était chargé de la sécurité du cœur de l’Empreinte, tout comme de mater les tentatives de rebellions comme celle-ci. Pendant ce temps, que faisaient Evysciel et Lisithia ? Non, il ne tolérerait jamais que le trône de Lucifer lui échappe…

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1 Commentaire
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Annick Smits
6 mois il y a

La force n’est pas toujours la solution … ^^

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