Contes d’Andromède – Incipit

7 mins

Il faisait si chaud en ce moment au palais d’été, que toutes le fenêtres étaient grandes ouvertes, et les rideaux flottaient au vent comme des drapeaux blancs. C’était sûrement le palais le plus prestigieux des quatre, surplombant l’immense capitale de Nostrokhod. Cet immense édifice contenait nombre de salons, pour la plupart inoccupés, des colonnes finement sculptées qui s’élevaient jusqu’en haut d’un chapiteau de tuiles. La seule structure qui égalait ce château dans le ciel était le navire spatial qui ressemblait à une immense bûche, posé ici depuis des siècles, attendant désespérément la main de l’homme pour repartir vers les étoiles. Mais nous n’avons pas parlé des plafonds ce somptueux palais. Au delà des fenêtres, du sol en mosaïque, les plafonds étaient gravés et peints, ornés, ce qui donnait tout un contraste des plus riches, une mise en perspective tellement magnifique, qui devait égaler tous les artistes de cet univers aussi grand soit-il. Car tous ces plafonds étaient l’œuvre d’une machine. Dans « le salon de la débauche » comme aimaient l’appeler certains de la cour, était représenté Zorastranimus, d’une façon plutôt divine, le premier gouverneur qui fonda toute cette civilisation il y avait environ neuf-mille ans de cela. Il tenait un livre où était inscrit la proclamation de la sélection, nous y reviendrons plus tard dans notre récit. Il portait une ample robe sur laquelle se dessinait les représentations de nébuleuse, et de l’univers en son tout. Il faisait un geste étrange de son autre main, comme si il tenait un verre inexistant. Et au dessus de lui paradoxalement, se dressait un ciel nuageux et l’étoile qui illuminait ce monde, qui se plaçait au dessus de sa tête. Il faut imaginer tout ça avec les dorures, les contrastes de lumières, le jour toute cette représentation apparaissait comme un flambeau, et la nuit comme une constellation phosphorescente perçant l’obscurité. Et ce n’était qu’un plafond parmi tant d’autres, certains représentait le nuage de Salamanda qui au début n’était qu’une lumière éblouissante visible en plein jour, et qui avait finit par envelopper ce monde d’une teinte bleutée. Certains plafonds avaient d’ailleurs été refaits, par le nombre de gouverneurs qui s’étaient succédé et qui voulaient leur propre fresques. Dans un coin de la chambre gouvernementale se représentait la dernière gouvernante, Maria Zorastre, et son mari, Janer Zorastre. En réalité, tout deux étaient frères et sœur et avaient donné naissance à toute une fratrie : l’aîné étant Zomiris Zorastre, qui s’était fait représenté tout le long du plafond de la chambre gouvernementale qu’il occupait. C’était désormais lui au pouvoir, ses oncles et parents avaient rendu l’âme cinq ans auparavant.  

Zorastre, (nous appellerons le gouverneur ainsi, étant l’aîné et que tout ses proches l’appelait tel quel) se tenait devant le balcon qui donnait sur une vue splendide sur la capitale et sur l’immense cargo spatial. Il signa son papier et le referma convulsivement, comme si il en avait honte et le tendit à Canielli, un jeune homme d’une trentaine d’années, son ami, son confident, qui lui était toujours d’une extrême confiance et loyauté.

« Ceci doit-être exécuté au plus vite, avant que je ne change d’avis.
– Mais… Puis-je savoir pourquoi prenez vous cette décision si brusquement ? Demanda Canielli en lisant le papier sans aucune gêne.
– Parce que, c’est ainsi. Je serais le dernier gouverneur de ce monde misérable et j’irais rejoindre l’empire spatial rencontrer l’empereur, pour montrer que la flotte de Zorastranimus est renée de ses cendres et revient plus forte que jamais servir l’empire.
– Ne serait-ce pas plutôt parce que cet enfant n’est pas de notre chère gouvernante ? Zorastre fit un geste de la tête interrogateur, presque menaçant. On raconte un partout dans notre cour que votre fils est né d’une prostituée.
– Tais-toi ! Qu’est-ce que cela peut bien vous faire ? N’écoutez pas trop les commères de cette cour si vous voulez garder votre santé mentale intacte. Exécutez vous ! Envoyez ça à qui voudra bien le faire de son mieux, et je serais enfin débarrassé de ce fardeau. Soyez discret. »

Canielli partit aussi vite que possible, laissant Zorastre seul, admirant la vue. Il commençait à faire tard, le bleu de Salamanda devenait plus foncé, et à l’horizon des lueurs rougeâtres annonçait la disparition du soleil sur l’horizon. Sur des écrans géants qui surplombaient les immeubles de la ville était diffusés les images de Zorastranimus lorsqu’il avait prononcé l’avenir de la civilisation. Ce film de quelques minutes était diffusé plusieurs fois dans la journée depuis des millénaires. Il avait été enregistré sur une platine de métal d’un mètre de diamètre, une ancienne technologie : aujourd’hui on utilisait des platines en titanes qui ne mesurait qu’un centimètre, pour quelques heures de films. Jusqu’à un certain temps, on n’avait pas pensé à faire une copie de cette archive, (la seule que l’on ait de Zorastranimus soit dit en passant) et de ce fait le premier gouverneur était méconnaissable, les couleurs étaient quasiment absentes, avec un contraste prononcé, de tel sorte que son visage était totalement blanc. Ce film, tout le monde le connaissait par cœur, soit par éducation, soit par un viol de conscience qui s’opérait tous les jours sur ces écrans géants.
Zorastre se rendit au salon principal et se servit du thé auquel il mélangea un peut d’alcool blanc. Il soupira un long moment, pensant à l’ennui que lui inspirait ce palais, cette oisiveté, ces gens qui prenaient cet endroit comme un hôtel ouvert à tous, et ces soirées qui n’en finissaient jamais… Ses pensées se coupèrent par l’arrivée d’Alfridius dans la pièce, accompagné de Lina, sa compagne. Alfridius, qui était le second de la fratrie de Zorastre, était un jeune homme d’une vingtaine d’années, qui semblait faible, parfois triste, et qui craignait son frère comme la peste, si bien que lorsqu’il passa dans le salon, il sursauta presque à la vue de celui-ci. Il semblait mou, titubant.

« Tu es encore ivre c’est ça ?
– Je… Oui. Oui, oui… répondit-il en ayant comme l’envie de se cacher. Le bal est-il toujours maintenu pour ce soir ?
– Comme toujours. Comme tous les soirs !
Alfridius sortit la bouteille qu’il cachait derrière ses amples habits et se mit à boire du fait qu’il était démasqué par son ivresse.
– J’ai invité Artyavius au bal de ce soir, dit-il en baissant la bouteille.
– Fais comme bon te semble, mais ne t’avise pas de venir me parler dans ce cas. Surtout en sa compagnie ! Misérable !
– Ainsi voilà comment se tiennent les gens de cette ignoble noblesse ! » Cria Lina en s’éloignant avec Alfridius qui semblait essayer de la faire taire, dans sa terreur qu’il portait toujours en la présence de son frère.

Dans l’ennui le plus extrême, le gouverneur se rendit dans la chambre de Almeria, le benjamin de la fratrie Zorastre. Il occupait la plus petite chambre du palais, et restait dans son lit à lire des contes des légendes qui colorisait un tant soit peu sa vie morose. Quand Zorastre fit irruption dans la pièce, pas un seul des deux engagea la conversation, ils se contentèrent d’un regard froid. Almeria était accablé depuis la naissance par toutes sortes de maladies, qui le laissait sans forces, et sans souffle. Il passait ses journées au lit, à respirer difficilement, peu de personnel s’occupait de lui, et, alors qu’il n’avait qu’une dizaine d’années, savait pertinemment que la maladie aurait bientôt raison de sa personne. Il restera durant toute cette soirée à la même place.

La salon avait été envahi par nombre de familles nobles, la famille du gouverneur, et même certains serviteurs s’enivraient eux-mêmes, au milieu de leur nombreux maîtres. La pièce était couverte d’un nuage alimenté par tout un tas d’individus fumant toutes sortes de pâtes, brunes, noires, blanches, jaunes ou vertes. On servait à boire, tout un buffet était à disposition des convives, tous étaient affalés sur les canapés, toute la noblesse de cette civilisation se rendaient aussi grossiers que n’importe quel vagabond qui arpentait les rues. « Qu’importe, tout ces fainéants ne seront pas retenus à la sélection » se disait Zorastre chaque fois que cette scène se produisait devant lui. Dans un coin de la pièce, Zorastre se tenait en compagnie de Zonia, sa compagne avec qui il semblait s’ennuyer. Parfois, on lui adressait la parole pour avoir son avis sur un sujet quelconque, il répondait qu’il ne voulait pas en entendre parler, et se replongeait dans ses pensées chargées de haines et de mépris. Zonia semblait elle aussi taciturne et triste, la vérité était qu’elle manquait cruellement d’attention. De l’autre côté de la salle, Alfridius était en pleine discussion presque ivre mort, entouré de toute la jeunesse de la cour gouvernementale, Artyavius à sa droite, et sa compagne Lina à sa gauche. Il était plongé profondément dans une synergie de toutes sortes de substances qu’il avait absorbé, aussi bien le matin que le soir même. Parfois il exposait une idée, et ne pouvait ne plus rien dire pendant une heure, pourtant il semblait être le centre de l’attention du groupe. Lorsque le dîner fût servi, Navili Tacnirtch, un poète de la cour lui aussi assez jeune, monta sur une scène contre un mur de la pièce, se mit à déclamer, alors que la plupart de l’écoutait pas.

Aussi bleu que soit Salamanda,
Je reviendrais dans les étoiles te voir
Et cette fois-ci je ne te mentirais pas,
Et je récolterais tes larmes afin de les boire

Ce fût les seuls vers qui furent entendus, l’ivresse était telle que les autres n’écoutèrent rien de plus. De toute façon, toute la soirée passa à la cohue, plus rien n’était ordonné, certains même se rassemblaient dans un autre salon ou dans une chambre, faire ce qu’ils pouvaient pour couvrir l’ennui de cette monstrueuse soirée. Ce fût très tard dans la nuit, lorsque les aurores vertes sillonnaient le ciel, que Zorastre et Alfridius se retirèrent en même temps.
Zorastre avait laissé Zonia dans le salon, où les gens s’endormaient ici et là, si bien qu’on croyait que des cadavres jonchaient le sol, et avait pris la main de Milda pour s’enfermer avec elle dans sa chambre. Alors que Milda, les yeux rayonnants s’apprêtait à déshabiller son amant, celui-ci la repoussa, semblant les plus soucieux possible. Il lui caressa les cheveux, et finit par lui dire ce qui pesait sur son cœur.

« J’ai donné un ordre qui sera exécuté au plus vite. Je ne peux pas laisser Zadka vivre plus longtemps. C’est trop dangereux pour le pouvoir, et pour toi.
Elle laissa tomber son regard sur la couverture du lit.
– Si jeune… Oh, comme je m’en veux, je n’aurais jamais dû continuer à te fréquenter, je ne t’apporte que des ennuis. Je crois qu’il faudrait mieux que je parte.
– Non ! Reste… Si tu pars je ne suis rien. Si tu pars, je mettrais fin à ma vie, et le second prendra la place, et toute notre société sombrera dans le décadentisme dont l’embryon se trouve déjà dans ce palais morose.

Les larmes vinrent en premier de Zorastre qui enfouit son visage dans la poitrine de Milda, qui pleura avec lui de longue minutes, avant de s’adonner au plus tendre des plaisirs. Zorastre était hypnotisé par sa beauté, toute sa personnalité semblait s’effondrer devant elle, il la respectait plus que tout, tandis qu’il avait de nombreuses fois été indigne et violent envers Zonia, sa compagne officielle. Milda était pour ainsi dire la seule à avoir vu Zorastre pleurer de son vivant, même lors de ses premières années il ne laissait passer aucune émotion hormis le mépris.

Alfridius était parti s’enfermer avec Artyavius, qu’il avait dévoré du regard toute la soirée sous le regard consentant de Lina. Il était toujours autant sous l’emprise de substances diverses, et était comme guidé par la main du second. Il s’affalèrent sur le lit.

« Comment peut-tu encore te laisser marcher dessus de cette manière par ton frère ? Ne vois-tu pas que c’est un tyran ? Demanda Artyavius.
– Je… Je ne sais pas. Il m’effraye voilà tout. Il serait prêt à faire décapiter tout le palais si il le voulait.
Il parlait avec nonchalance, comme absent de la discussion.
 – Il faut que l’on organise le soulèvement du pouvoir au plus vite. Ne fais pas l’aveugle, tu es le seul qui puisse influencer toute cette tyrannie. Tu sais que j’ai de très bon amis qui y pensent, et qui se préparent déjà. Les ouvriers n’en peuvent plus. Les forces de l’ordre travaillent dans l’optique de finir leurs jours ici. Réagis ! Par dieu, regarde moi ! »

Alfridius leva la tête, le yeux mi-clos, comme si un violent accès de déprime venait de l’emporter. Il soupira un long moment, et enlaça son amant avec toute l’insouciance et la force qu’il pouvait encore.

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2 Commentaires
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Marco Samantha
3 années il y a

Bien le bonjour ! Je viens de lire ton texte, déjà merci du partage, ensuite voilà ce que j’ai personnellement relevé :

"La boisson ne faisait plus rien sur lui, les longues gorgées qui lui brûlaient la gorge, le foie, tout cela le laissait simplement dans un sentiment de lassitude, faisait ralentir ses pensées et l’ivresse se faisait attendre, mais ne venait pas, restait au fond de la bouteille"

= Je trouve la phrase un peu longue mais c’est sûrement un effet de style auquel je ne suis pas sensible

"de nuances de verdâtres"

= La seconde préposition "de" ne me semble pas nécessaire : chargé de nuances verdâtres hétérogènes

"au même moment d’une certaine décadence de la société"
= J’aurai plutôt dit : Au même moment qu’une certaine décadence

"Aurores aussi splendideS que cauchemardesqueS"

J’aime beaucoup le parallèle "Théoricien" et "Théologien" ( ça met encore plus en valeur leurs différentes racines : Théoria pour la première (spéculation ) et Théos pour la seconde ( Dieu ) )

Revoies tes dialogues par contre car j’ai eu beaucoup de mal à comprendre qui parlait et ce qui était de l’ordre du discours direct. Tu pourrais organiser ces dialogues comme ça :

" Tu es ivre ?
— Non. Je réfléchissais à la sélection.
— La sélection ?

Je trouve Canielli un peu trop familier avec Zorastranimus… Il est certes un confident mais l’autre est "supérieur".

Quelques soucis de conjugaison et de concordance des temps mais ça se remarque surtout à la relecture. En définitive je trouve que tu as déjà un univers bien à toi, les personnages ont l’air succulents ( je ne peux pas trop m’avancer car ce n’est qu’un début ce que je lis ). Mais il y a quelques soucis de construction et j’ai eu, personnellement, du mal à me retrouver avec les prénoms. Mais c’est les dangers d’utiliser des appellations qui rappellent la SF. En tout cas j’espère que tu continueras !

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