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Aeris Daserion
Un mois c’était écoulé depuis le départ de la garnison pour le front Est. Le général Telrym et ses soldats étaient partis environs deux journées après la cérémonie d’adoubement. Pouvoir enfin respirer librement me faisait un grand bien. Il n’était plus sur mon dos pour toujours me dire quoi faire en me toisant de son regard sévère et dur. J’étais presque adulte et lui continuait de me traiter de gamine. Ces dernières semaines ont passées si rapidement que j’en avais presque oublié son retour. Ce n’étais que dans encore quelques jours voir plus, mais j’avais encore le temps d’en profiter pleinement. Malgré son absence – qui ne me manquait pas du tout – mes entrainements quotidiens étaient restés. Pas parce qu’il me l’avait ordonné avant qu’il ne parte, mais c’était tout simplement une habitude depuis mon plus jeune âge. Exécuter quelques heures à tirer à l’arc ou manier une lance m’étais plutôt profitable. Pas aussi intensif qu’avec Daserion, mais assez profitable tout de même. Il fallait bien que je gagne un peu de muscles sur mes membres aussi maigres que des cure-dents.
Heureusement, j’avais été en mesure de passer du temps avec mes amis, car nous ne pouvions plus nous voir autant qu’avant. Avec nos mentors partis sur les fronts de guerre, il était facile d’organiser nos horaires de fait que tout coïncide ensemble. Nous avions tous convenu de faire quelques heures d’entrainement de l’aube jusqu’à midi et de passer le restant de la journée à notre guise. Chacun utilisais l’arme qu’il le souhaitait le matin, mais il fallait alterner avec les différentes sortes pour avoir une certaine expertise avec chaque équipement. Nous avions tout de même droit à nos préférences bien-sûr. Je préférais les armes courtes, Elize elle choisissait toujours l’arc par-dessus les épées ou autres tandis que Kaleb avait une préférence pour les lances ou les tridents. Nyra, quant-à-elle, était aussi une habile archère comme l’elfe, mais n’aimais pas se battre malgré qu’elle souhaitait rejoindre l’armée. L’autre jour, elle m’avait avoué qu’elle irait au temple de guérisseurs pour y appliquer. Elle disait qu’elle serait probablement plus utile en tant qu’infirmière qu’en tant que chevalier et j’étais totalement d’Accord avec la fée. Je ne voudrais pas la retrouver dans une pile de soldats tombés au combat.
Entraînements après entrainements, ma force se développait, mais ma destinée par rapport à la prophétie restait de marbre. Rien n’avançait. Je me souvins que si je la suivais correctement, aucun mal ne me serais fait. Ce qui voulait dire que si je ne l’exécutais pas, il y aurait des conséquences et elles ne seront pas particulièrement agréables. Pour éviter cela, je décidai de me rendre à la bibliothèque de Mhala pour tenter de trouver un ouvrage portant sur le sujet. Peut-être qu’un livre saura éclairer ma lanterne éteinte par mon ignorance ? Après un diner auprès de Nyra et Elize dans un restaurant servant principalement de la soupe et du poulet pour pas trop cher, je me dirigeai vers les archives après avoir dit au revoir à mes deux amies. Elles avaient voulues m’accompagner, mais je dû insister pour qu’elles retournent chez elles. Je ne leur avais pas encore avoué que j’étais une Asura et je ne souhaitais pas qu’elles le découvrent lorsque je serai absorbée par la lecture de certains livres. Le moment opportun n’étais pas encore arrivé.
En pénétrant dans le bâtiment, je fus surprise par l’énorme quantité d’ouvrages qu’il renfermait. Du sol au plafond, tout était couvert d’une très grande quantité de savoir auquel j’avais toujours rêvé. Une forte odeur de papier et de vieux tapis vint titiller mes narines. Pour une certaine raison que j’ignorais, elle me rendait heureuse. J’humais une dernière fois avant de me rendre devant un comptoir où tous les visiteurs devaient se présenter avant d’aller plus loin à l’intérieur. Une vieille dame, une nymphe semblait-il, m’accueillit d’un léger sourire. Elle avait l’air d’une femme sage à l’âge vénérable. Avant même que je puisse ouvrir la bouche, elle me tendit une étiquette en bois où était accroché une petite clé en fer.
— Voici votre clé mademoiselle. Veuillez la retournée au comptoir lorsque vous aller quitter la bibliothèque, m’indiqua-t-elle en me montrant un petit panier en osier à ma gauche.
Une dizaine d’étiquettes et de clés, pareilles à celle que j’avais dans ma main, reposaient dans le fond. Je hochai la tête à son intention, puis je m’approchai de l’index jauni par le temps posé sur un lutrin fait de bois foncé, orné de décorations métalliques complexes. Avec le plus grand soin, je tournai les premières pages lentement jusqu’à tomber sur le mot Asura. Sous ce dernier, se trouvait une très courte liste d’écrits traitant sur le sujet. Il y en avait moins de dix. Ça rendra ma tâche aussi facile que difficile, songeai-je en soupirant intérieurement. Je décidai de commencer par le premier sur la liste. C’était un manuscrit intitulé Nos Éternels Sauveurs écrit par un certain Ralio. Seul le titre m’indiquait que le sujet serait abordé. Une année était inscrite à côté des titres. C’était quand le livre avait été écrit. 3M 582 était l’année de Nos Éternels Sauveurs. L’an cinq-cents trente-deux du troisième millénaire. Je fus surprise de constater l’âge de ce livre considérant le fait que le cinquième avait débuté il n’y avait pas longtemps. Actuellement, nous nous trouvions en plein été de l’an cent vingt-cinq du cinquième millénaire.
Je laissai tomber les dates et années pour me concentrer sur l’emplacement du premier écrit sur la liste. Selon l’index, il se trouva dans la quatrième rangée de la rangée A. En arrivant devant ladite rangée, je dû utiliser une échelle, car l’étagère faisait bien facilement le double de ma grandeur et l’ouvrage à la reliure dorée figurait bien évidement sur la tablette la plus haute. Avec peine et refusant de regarder le sol qui se trouvait à près de quatre mètres de mon regard, (non pas parce que j’avais le vertige, mais car je n’aimais pas spécialement regarder le sol de haut) je tendis mon bras vers le livre. Je manquai de tomber de près, mais il était dans mes mains. Sans trainer, je descendis lentement de l’échelle pour me trouver un petit coin où je pourrais tranquillement lire. Malgré le fait que je possédais des ailes, je ne m’y étais pas encore habituée même après un mois. De plus, j’étais toujours incapable de voler. J’avais eu plusieurs séances de vol auprès d’Emyr, mais rien ne fonctionnait pour le moment. Elle me rassurait toujours en me disant que ça pouvait prendre plusieurs mois avant de pouvoir s’élever du sol avec succès. C’était pour cette raison que j’avais préféré utiliser l’échelle à la place de mes ailes.
Après un petit moment à chercher une table vide, j’en trouvai une près du mur du fond de la bibliothèque. Je m’installai confortablement sur une chaise en bois, puis ouvrit le lire à la première page. Sur la page jaunie par le temps était inscrit, « La prophétie se exécutée tôt ou tard. Je ne serai peut-être pas vivant pour le constater, mais je le sais ». C’était signé Ralio dans le bas. Pourquoi tout le monde voulait absolument que cette prophétie soit complétée ? Je ne comprenais pas ! Qui voulait le génocide des démons ? Personne n’avait donc aucune pitié pour cette pauvre race ? Oui, nous étions en guerre, mais cela n’excusait pas le fait de vouloir exterminer une race avec des sorts trop puissants qu’ils doivent être contenus dans un livre scellés. Elle ne devrait même pas exister. Je venais à peine de commencer à lire que j’étais un presque irritée. Me calmant un instant, je tournai les pages jusqu’à être rendue au chapitre que je cherchais : Tout savoir sur un Asura. L’auteur passa par les bases comme le fait que l’esprit était scellé, qu’on doit posséder les diviotis pour exécuter la prophétie et plusieurs autres trucs que je ne savais pas. Je plongeai encore plus dans ma lecture lorsque je passai mes yeux sur ce passage très particulier :
« Il fallait bien savoir qu’être un Asura n’était pas la tâche la plus facile et évidente, mais c’était possible. Les dieux divins les avaient conçu de cette manière et rien ne pouvais être changé. Ils devaient respecter la prophétie pour en éviter les conséquences. Puisqu’il y a déjà eu des Asuras maléfiques dans le passé, nous savons tous que la mort est rapide et presque sans douleur. (À noter que presque était en gras dans cette phrase et cela me fit douter énormément) Évidement, nous savons que les diviotis les tuaient s’ils abusaient de leurs grands pouvoirs sans bonne intention, mais qu’en est-il des conséquences ? Sans pour autant être une information vérifiée, car se ne s’est jamais produit, il est dit que si un Asura ne suit pas la prophétie et tente de s’en dissocier, il sera tué par sa malédiction. Malgré le fait qu’on pense tous que les malédictions ne sont rien de grave, celle-là est bien pire que la mort elle-même. Selon un augure du deuxième millénaire, cette damnation aspirerait lentement la vie de son porteur. En quelques mois seulement, l’Asura serait réduit au stade végétatif, puis finirait par mourir. De plus, ce processus n’est pas sans douleur. La souffrance accompagnera chaque mouvement, chaque battement de cœur de son possédé. Il n’y a aucun moyen de l’inverser ».
D’un geste sec, je refermai le livre, de la poussière s’échappant d’entre ses pages par la même occasion. Comment pouvait-on m’avoir caché un détail aussi important ? L’auteur avait écrit que ce n’était pas vérifié, mais si un augure avait transmis l’information, ça devait forcément être vrai. Puisque je ne pouvais apparemment me défaire de la prophétie, autant commencer à chercher les diviotis. Je n’en avais pas spécialement envie, mais je ne voulais pas que ma force vitale soit aspirée hors de mon corps. Déterminée à trouver un moyen d’éviter cette malédiction, je me levai pour aller chercher les autres ouvrages sur la liste, puis lorsqu’ils furent tous sur la table, replongeai dans ma lecture. Il y avait peut-être un indice sur l’endroit où était caché le grimoire ? Je ne voulais pas compléter la prophétie, mais je ne voulais pas mourir alors le choix entre les deux était vite fait malheureusement. Pourtant, j’étais peut-être en mesure de contrer la malédiction d’une quelconque manière et même de l’empêcher ? Heureuse de pouvoir essayer de trouver une alternative positive, je fouillai encore plus dans les écrits ouverts devant moi. Il y en avait sept environs.
Au bout de quelques heures de lecture, je n’avais absolument rien trouvé de pertinent sauf une chose : un arbre généalogique de puissants sorcier se trouvant à la fin d’un des livres. L’entrée la plus récente datait d’avant ma naissance, mais la personne était probablement encore en vie. Puisqu’il n’y avait pas d’information sur cet arbre, j’allais devoir tenter de trouver cette personne. D’après le dernier dessin à moitié effacé, c’était un élémental de feu se nommant Vagnir Magus. Il devait probablement se trouver en quelque part en Sylis. Je remis tous les livres à leurs places d’origines, puis me dirigeai rapidement vers le comptoir ou se trouvait toujours la vieille dame. Je déposai ma clé dans la panier en osier avant de sortir de la bibliothèque. La dame voulut me saluer, mais j’étais déjà partie.
Mes pas me guidèrent jusqu’à la maison du général. En entrant, je commençai tout de suite à placer des vêtements, quelques fruits et des noix dans un baluchon. Je devais partir ce soir tant qu’il y avait toujours du soleil ou attendre aux premières lueurs demain matin. Ma besace en main, je quittai la maison pour aller dire au revoir à mes amis. Comme je m’en doutais fortement, ils avaient tous décidés de se réunir au restaurant auquel nous avions mangé pour le diner. Lorsque je les repérai dans l’établissement, je pris place à leurs côtés. Le souffle court et le cœur battant la chamade dans ma poitrine, je décidai de tout déballer.
— Je pars pour la Sylis ce soir. Je sais que j’aurais dû vous le dire avant, mais je suis une Asura. Celle qui doit tenter accomplir la prophétie. J’ai trouvé quelque chose qui pourrait m’aider dans un des livres de la bibliothèque.
Les expressions affichées sur leurs visages voulaient dire mille mots. Kaleb, étonnement, ne semblait pas plus surpris. Ce qui me fit douter si il ne le savait pas déjà. Elize et Nyra démontraient de la stupeur et de…l’horreur ? Ou peut-être était-ce de la peur ?
— Pour la Sylis… ? répéta Elize. Une Asura ? Es-tu sûre de ce que tu dis chérie ?
— Tu aurais pu nous le dire avant, bouda Nyra.
— Elle a raison, continua Kaleb
— Je suis désolée de vous avoir caché cela pour les deux derniers mois, mais j’avais peur de vos réactions et j’attendais le moment opportun. Maintenant que je dois partir et que je ne sais pas lorsque je reviendrai, c’est le moment de tout vous dire. Je dois faire vite si je veux partir dans la clarté de la soirée.
— Nous ne te retiendront pas plus longtemps alors ! déclara l’elfe. Va !
Je me levai de ma chaise, puis après une étreinte de la part de mes deux amies, quittai le restaurant dans l’espoir de pouvoir changer cette foutue prophétie que tout le monde voulait que je complète.