Frontière entre la vie et la mort

Je regarde cette petite lucarne du salon qui m’offre un ciel bleu d’été. La journée s’achève et dehors il fait encore chaud. Seul dans ma maison, le bruit du silence m’apaise. Allongé sur mon divan, quelques oreillers pour recevoir ma tête et un peu de fraîcheur entre quatre murs, je pense… 

Les mois passent et la vie m’éloigne chaque jour mathématiquement un peu plus du drame, de notre drame. En me portant à la fois témoin et acteur de mon histoire, je prends le temps pour témoigner et raconter la vie d’après.

On se souvient que le mal et la peine ont coulé dans nos veines durant de longs mois sans pouvoir apercevoir une once d’espoir. La maladie puis la mort de votre enfant, c’est la peur puis la douleur pour laisser place à un malheur.

Ce terme de malheur mérite alors une analyse pour définir ce à quoi nous aspirons tout au long de notre vie. Le malheur touche partout et tout le monde. Le malheur s’associe à la vie. Le malheur aime à isoler. Son pire ennemi reste l’amour. A prendre ou a donner il est le seul rempart contre la décomposition de notre propre personnalité. Rien n’est figé. Rien n’est éternel à l’échelle du temps et l’homme se doit indéfiniment de construire, de démolir pour encore construire. Lorsqu’un malheur vous touche et emporte avec lui l’amour d’un proche, il n’y pas alors de règle pour comprendre ou pour apaiser la pression naissante provoquée par l’absence. Seul notre corps et ses cellules qui le composent inter-agissent dans le processus de notre pensée et de nos choix influençant directement la couleur de notre nouvelle vie désirée.

Grâce à cette force de réflexion, il dépendra le résultat final. En un mot nous dessinons un arc en ciel si nous le pensons et le voulons. Nous peignons un orage si nous cédons notre pensée au vide et à l’absence. Avoir la volonté de peindre en couleur n’est pas chose facile car la complexité de notre esprit est suffisamment grande pour bousculer la hiérarchisation de nos idées et parfois de nos choix. Véritable nouvelle bataille avec soi même pour laisser émerger le meilleur contre le pire.

Alors parfois il est important de faire un décrochage ou un lâcher-prise. Il faut élaguer tout arbre pour lui donner sa direction et sa force à pousser. Nos vies appellent par moment à oublier certaines règles et concepts pour mieux redémarrer et entrevoir un avenir meilleur. On lâche, on tombe et après?

C’est toute la puissance du mot renaissance conjugué avec le mot sens. Je suis persuadé qu’il n’y a pas de limite dans la souffrance. Il n’y pas de seuil dans l’acceptation de l’improbable ou de l’impensable rendant l’homme ainsi profondément bon ou mauvais. La vie a son chemin que l’homme ne peut détourner. C’est notre destin. Ne plus résister contre soi ou contre l’autre mais combattre avec l’acceptation de soi et de l’autre. 

Peut-on et doit-on penser absolument qu’à la suite d’un tel raisonnement, l’échec frappe à notre porte ou que la déchéance remplit nos cœurs? Et si la confiance éclairait notre chemin? Et si l’amour inondait nos idées? Et si l’acceptation rythmait notre pouls. 

La maladie de ma fille jusqu’à sa disparition m’ont profondément bouleversé. Il n’y a pas de mot pour le définir car il n’y pas de sens à donner à cette trajectoire d’une vie. Mais il est important de se demander si cette nature à pour vocation de davantage détruire ou de construire. Tout n’est pas voué à disparaître. Tout n’est pas tracé pour faire mal. Il faut retrouver des oasis dans ce désert pour espérer ne plus avoir soif de peine. 

Et si l’oasis se tenait dans notre cœur? Et si l’eau de notre corps ne demandait qu’a irriguer notre pensée? Et si nous étions alors notre propre solution?