De la boue émerge la fleur de Lotus (Chapitre 3.2)

3 mins

Les yeux brillants de Gwendoline ont du mal à croiser le regard de sa thérapeute. La honte l’envahit…

– Qu’on associe ma sexualité avec quelque chose de sale, voilà ce que je n’arrive pas à avaler, Véronique.

– Vous n’arrivez tellement pas à l’avaler, que pour vous la solution est plutôt de le recracher… Ou plus exactement de le vomir.

Gwendoline sourit en entendant les allusions de sa thérapeute. Elle sait qu’elle a raison. Elle sait que toute son histoire familiale est tellement indigeste qu’elle n’arrive pas à l’accepter, tout comme la nourriture qu’elle n’arrive pas à garder.

– Oui, mon passé me fait gerber, confirme-t-elle.

– Qu’est-ce qui vous fait « gerber » ? Qu’est-ce qui vous dégoute à ce point ? Qu’est-ce qui vous donne envie de vomir ?

– Ce qu’on m’a fait. Ce qu’on m’a dit. Ce qu’on me fait comprendre chaque jour que Dieu fait. Pour les autres, ce que je fais est sale. Que ce soit la boulimie ou les massages érotiques, si je cache tout cela, c’est pour m’épargner le dégoût que je leur inspire.

– Est-ce que pour vous le sexe tarifé ou la boulimie est sale ? Est-ce que vous vous sentez sale et dégoutante ?

– Non.

– Est-ce qu’à une époque, vous avez ressenti cela, que vous étiez sale et dégoutante ?

– Oui. Je n’ai pas envie d’en parler, répond la jeune femme qui se referme soudainement.

– Il y a eu autre chose que l’épisode avec votre oncle ? Celui où vous avez dormi nue à l’âge de six ans à côté de lui pendant des semaines, alors que votre mère était hospitalisée après une tentative de suicide ?

– Oui.

– On vous a fait croire que vous étiez sale et dégoutante à ce moment-là ?

– Oui. Je me suis sentie sale et dégoutante. Et perverse aussi.

– Que s’est-il passé ?

– Je n’ai pas envie d’en parler. Je n’ai pas envie d’aller sur ce terrain-là… répond la jeune femme en croisant les bras fermement sur sa poitrine.

– Je respecte cela, Gwendoline. On va aller à votre rythme. Si c’est trop douloureux pour vous de l’aborder ici pour le moment, on va en rester là pour aujourd’hui. Vous avez fait beaucoup de progrès depuis ces derniers mois. Soyez fière de vous. Moi, je suis très fière de vous et de votre engagement à venir me voir toutes les semaines pour prendre soin de vous. Il y a peu de personnes qui prennent leur vie en main comme vous le faites. C’est extraordinaire ce que vous faites, prenez-en conscience. Vous êtes très courageuse. C’est très courageux d’affronter son passé et de replonger dans tous ces évènements douloureux.

Gwendoline décroise les bras et regarde sa thérapeute dans les yeux. Son visage s’est détendu et adoucit, comme sous l’effet d’une caresse apaisante.

– Une amie de ma mère disait qu’il ne fallait pas faire ça, que c’était juste remuer la merde.

La thérapeute se lève et s’approche du canapé où est assise la jeune femme.

– Je peux ? Demande-t-elle en ouvrant sa main.

Gwendoline acquiesce et laisse Véronique s’assoir à ses côtés et lui prendre la main crispée sur son genou. Celle de la thérapeute est douce et chaude.

Après un moment de silence, Véronique reprend avec une voix calme et posée, presque maternelle :

– Vous savez à quoi cela me fait penser ce que vous me dites-là, Gwen ? A la fleur de lotus.

– Ah ?

– Oui. C’est une fleur magnifique qui ne pousse que dans la boue, la vase et la merde.

– J’ai toujours entendu dire que le meilleur des engrais, c’était le crottin de cheval.

– C’est vrai. Il y a de belles et bonnes choses qui poussent grâce à la merde, à la vase ou la boue. De splendides fleurs ne peuvent que s’épanouir dans un environnement « merdique ».

– Le mien l’a été en effet.

– Voyez-vous à quel point vous êtes splendide Gwen, d’avoir réussi à pousser, à grandir et à vous épanouir dans un environnement aussi merdique que le vôtre ? Voyez-vous avec quelle grâce vous avez tiré parti de vos difficultés pour devenir cette femme merveilleuse que vous êtes aujourd’hui ?

Gwendoline retrouve enfin le sourire. La tendresse et la douceur des mots de Véronique la touche en plein cœur.

– Oui, je le vois, confie-t-elle, le regard lumineux, éclairé par cette nouvelle et merveilleuse prise de conscience. Oui, je le vois vraiment.

                                                   

                                                     FIN DU CHAPITRE TROIS

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