Tenebris (cycle) : Bénissez-moi

8 mins

[
– Bénissez-moi, mon Père, parce que j’ai péché. Je confesse à Dieu Tout-Puissant … j’ai péché mon Père, j’ai… Bénissez-moi mon Père, je reconnais devant mes frères …
– Calme-toi… Attends…
– Bénissez-moimonPèreparcequeparceque…
– Calme-toi …
– Oui. Oui pardon.
– Respire profondément …
– Voilà, voilà… Au nom du Père du Fils, et du Saint-Esprit, amen. Bénissez-moi mon Père. Parce que j’ai péché.]

Mes yeux sur le paillasson je levai la tête lorsque la porte s’ouvrit, stupéfait.
Elle se tenait souriante, vêtue d’un simple t-shirt blanc, ample et long, qui descendait jusqu’en haut de ses cuisses, et rien dessous, seulement ses jambes blanches et longues.
« Bonjour » me dit-elle dans un sourire …
– Bonjour toi, lui répondis-je, je n’ai pas … Je n’ai pas de fleur, ou quoi que ce soit…
– C’est pas grave, entre.

Alors je suis entré dans son appartement plongé dans la pénombre, volets fermés, une légère odeur de peinture ou de laque flottait …
– Assieds-toi sur le canapé, je reviens.
Je jetais un regard sur le petit salon, d’une voix forte afin d’atteindre la petite cuisine où j’entendais le léger entrechoquement des verres, je lui dis en m’asseyant :
– C’est paumé ce quartier, je crois que c’est la première fois en cinq ans que je viens par ici …
– Quoi ?
Elle revint avec un plateau qu’elle posa sur la petite table, une bouteille de rosé et deux verres …
– Je disais, c’est paumé ici, mais c’est bien …
– Oui ?
– Je préfère de l’eau.
– Quoi ?
– Seulement de l’eau.
– Tu ne veux pas goûter le vin ?
– Okay, une goutte, mais je vais chercher un verre d’eau d’abord …
– Attend j’y vais, reste assis. J’ai du jus de fruit sinon …
– De l’eau du robinet, ce sera très bien.

Alors qu’elle glissait pieds nus vers la cuisine je me suis retourné pour regarder ses jambes en tripotant nerveusement le rotin blanc du petit canapé, puis mes yeux se sont posé sur le mur d’en face, au-dessus d’un écran plat, un tableau horrible, encadré de noir, avec ce dessin connu représentant Tintin à travers une vitre, serveur dans un bar éclairé d’une lumière jaunie …
– Je viens de finir la peinture, ça sent encore ?
– Un peu. L’appartement est bien …
– J’ai tout refait, c’était glauque. J’ai poncé le parquet, je l’ai peint en blanc.   
– C’est très beau oui …
– J’ai gardé les lattes sombres uniquement dans la chambre.
– C’est chouette le parquet. « Chouette », putain ce vieux mot.
– Quoi ?
– Rien, laisse tomber … Les meubles, j’aime bien, la déco.
– C’est moi aussi, ceux d’avant craignaient.
– C’est un meublé ?
– Oui.
– Le tableau en revanche, là, avec Tintin …
– Oui je sais, affreux. J’ai déjà demandé au proprio qu’il le vire.
– Tu … Clémence ?
– Oui ?
– Pourquoi avoir annulé, ce soir ?
– Je n’ai pas annulé, seulement décalé notre rendez-vous plus tôt. J’avais très envie de te voir, c’est tout.
– Oui. Seulement c’est étrange, un après-midi après tout ce temps. Et il fait sombre chez toi.
A peine ses lèvres dans le vin et déjà ses lèvres se posaient sur moi …
– J’aime bien – ajouta t-elle – c’est l’ambiance que je préfère. Ça me détend … Viens, je voudrais te montrer la chambre.

Le matelas était haut, des draps et une couette épaisse et blanche.
Elle enleva son t-shirt, puis se tint debout immobile face à moi en simple culotte blanche, j’avais toujours l’impression que sa poitrine ronde discrète sous ses vêtements me sautait au visage quand elle se déshabillait, je m’écartais de la fenêtre.
« C’est beau » lui dis-je bêtement,
La lumière du jour filtrée en rayons par les meurtrières du volet se posaient sur sa peau pâle, des particules de poussières flottaient paresseusement dans la pénombre.
– c’est magnifique, j’aimerais être photographe.
Clémence sourit, un long étirement horizontal découvrant ses dents délicates, aussi laiteuses que sa peau, seulement un peu plus brillantes …
Je la jetai sur le lit, ma bouche se précipita en bas de son ventre, mes mains reconnaissaient ce corps quand elles enserraient puis caressaient ses cuisses. Clémence se cambra, ses mains saisirent mes cheveux, elle cria son premier « Ho ! », je reconnaissais même son goût tiède sur ma langue.
De longs moments de silences rythmés par ses puissants « Ho ! », une musique qui alla en s’accélérant alors que je la prenais, et puis soudain, le silence. Clémence était la seule femme à réagir comme ça. Sa jouissance dans le silence le plus absolu, son bassin écrasé contre le mien, son bras papillonna derrière pour essayer de me saisir afin de me presser au plus fort pendant que j’agrippai ses épaules de toutes mes forces, pour m’enfoncer en elle, le plus profondément possible, pousser au fond de son ventre jusqu’à sentir comme une résistance, et j’attendis ainsi. Je l’attendis, parfaitement immobile, jusqu’à ce que le temps reprenne sa marche à la naissance de son « Ho ! » se transformant brutalement en « AHHHH ! ».
Clémence gisait sur le lit, avachie et sans forme, amorphe.

Je continuai sans conviction, deux poussées lente dans la chaleur moite de son corps…
« T’as pas eu ? » Balbutia t-elle, « J’ai eu trop vite… »
« Non c’est pas grave » lui répondis-je en la quittant, j’observai un instant mon sexe contre ses fesses si blanches, puis je m’allongeai à moitié à côté d’elle, à moitié emmêlé à elle.
« Non… Non je veux que tu aies aussi… »
« On pourra recommencer plus tard. »
« Non, j’ai envie que tu aies maintenant, dans mon ventre. »
Allongé je la repris, je me concentrai pour finir plus vite …
« Oui, oui comme ça ici, jouis bien au fond … »
Plus tard, alors que je me relevais pour prendre du tabac dans la poche de mon jean …
« Non pas ici. »
« Quoi ? »
« J’aimerais que tu ne fumes pas ici. Nous allons sur le balcon pour fumer. »
« Nous ? »
« Oui… Toi et moi… J’ai… Mon appartement est tout beau, tu comprends ? »
« Même pas une ? »
« Non, je veux que chez moi, on fume sur le balcon. »
« D’accord. Plus tard alors. »
Je m’allongeai contre Clémence, j’essayai de la prendre contre moi, j’affirmai tout en demandant,
« C’était bien pour moi, c’était bien hein ? »
« Oui. Tu as joui beaucoup ? »
« Quoi ? Oui … Oui. »
« j’aime la sensation, quand il y a beaucoup de foutre dedans, quand je vais aux toilettes et qu’il tombe d’un coup, ça fait « ploc ». C’était très bon. » conclut-elle,
« ça faisait longtemps… »
« Neuf mois. »
« Tu as changé. »
« J’ai grossi ? »
« Non, je veux dire, avant tu ne voulais faire l’amour que dans le noir. »
« Ah ça. Oui. Ça va mieux, ça va même très bien. Toute cette histoire, tu sais … J’ai tout laissé derrière moi, comme un cauchemar. »
« Alors c’est bien. Et… Tu pensais à moi ? »
« Non. J’ai eu envie de faire l’amour avec toi, ça m’est venue comme ça, ce week-end. »

J’essaye de la prendre contre moi mais elle se tourne, un réflexe lui fait tendre son coude pour me repousser, puis elle ramène son bras le long de son corps et accepte mon contact, un moment. Il y a des choses qui ne changent jamais, je connais l’étape suivante.
Parcourue d’un frisson elle se détend, ses yeux froids fixent quelque chose au plafond, elle part ailleurs, loin de nous.
Je caresse son front, ses cheveux, au bout d’un instant son regard revient, se fait plus dur, plus présent. Son corps se tend de nouveau, elle me repousse elle me dit, « décolle-moi un peu… »
C’est le déjà-vu des dizaines de fois, cet instant où je sais que quoiqu’il se passe, nous ne nous aimerons jamais. Et je ne peux m’empêcher de penser juste après, « cette fille est foutue, elle n’aimera personne de toute façon ».

« Sois un peu là.»
« Quoi ? »
« Sois un peu là Clémence. »
« Mais je suis là. »
« Non. »
« Je ne suis pas là ? Quand je fais l’amour avec toi ? »
« C’est le seul moment. »
« Non. »
« Si. »
Je la chamaille, je pousse ses bras, je tords sa bouche entre mes doigts.
« Arrête ! »
Pour la première fois elle rit vraiment, j’en profite, je ne l’ai pas souvent vu comme ça.
« Arrête je te dis sale con ! »
Je m’assoie sur elle, ma queue trace une ellipse dans l’espace dont la fin de la course s’arrête au bord de ses lèvres …
« Je te la mords, je te la coupe je te l’arrache et je la recrache par terre comme dans ce film ! »
« Alors t’es là hein, t’es avec moi ? »
Son minuscule bout de langue rose apparaît et me touche, elle tourne soudain la tête,
« va te faire foutre ! »
Son minuscule bout de langue réapparaît, se pose plus longtemps, puis ses lèvres s’ouvrent elle m’avale, je pousse, je baise son étroite bouche, ma queue énorme, brutale et vulgaire traverse son si délicat visage, elle me regarde, je caresse son front …
« ce que tu es belle … »
Une de ses mains s’active entre ses jambes, pendant que dans sa bouche je me branle, elle gémit, je m’arrache à la contemplation de son visage, je la saisis par les cheveux afin de faire aller et venir sa bouche de plus en plus vite, mais elle me repousse …
« Non pas dans la bouche. »
« Pourquoi ? »
« J’ai pas envie, j’ai pas envie du goût du sperme maintenant. Non arrête, pas sur mon visage non plus, ça colle … »
« Quoi ?! Tu ne vas pas me laisser comme ça ? »
Ses mains m’attirent dans son ventre je jouis une seconde fois au fond de Clémence. Ses mains maintiennent mes reins, elle me dit, « reste encore un peu au fond ».

« Vraiment ? Je ne peux pas en fumer une ? »
« Dehors. »
« Il fait froid dehors, ce que tu peux être bourgeoise et chiante ! Putain à ton âge… ça promet ! »
Je vais aux toilettes, je regarde la pile de magazines à la con sans les voir, je retourne dans la chambre je m’assoie au pied du lit, Clémence m’observe, incarnée et présente, je lui demande,
« Je peux te raconter quelque chose ? Quelque chose que tu ne répéteras jamais, à personne, même si on s’engueule un jour, même si on se hait de nouveau ? »
« Attends, nous ne sommes pas ensemble là … »
« Je sais, c’est juste que … Faut pas le dire, c’est tout. »
« D’accord, quoi ? »
« Ça a recommencé, cette nuit. »
« Qu’est-ce qui a recommencé ? »
« Je me suis réveillé en sursaut, quelque chose n’allait pas. Je me suis levé boire un verre d’eau, mais en passant devant l’entrebâillement de la salle de bains, j’ai vu deux petits cercles lumineux, oranges … Comme le regard miroir de ces prédateurs nocturnes. J’ai allumé la lumière, je suis entré… Et je l’ai vu … »
« Quoi ? »
« Je ne sais pas. C’était un corps de femme nue. Mais la chose avait une tête de chouette, et elle flottait au-dessus de la baignoire, comme crucifiée …»
Le silence, Clémence m’écoutait attentivement.
« Et il s’est passé quoi ? »
« La chose souffrait, à moitié entortillée dans le rideau de la douche elle bougeait sa tête d’oiseau si vite qu’elle en devenait floue. Elle projetait partout une matière, comme de la bave épaisse et blanche, et du sang noir… Elle m’en éclaboussait, des plumes volaient partout plus une odeur forte… Une odeur … Mais le pire, c’est quand elle se mit à hurler, une longue note stridente, aiguë. J’ai mis mes mains sur mes oreilles tellement son cri me déchirait les tympans … »
« Et ensuite ? »
« Ensuite… Rien. J’étais assis sur le sol de la salle de bains, mes paumes sur mes oreilles, la lumière de l’ampoule, la salle de bains exactement comme d’habitude, pas de bave ni de sang ou de plume, ni rien, et le calme de la nuit, comme si cela n’avait jamais existé, ou comme si cette scène s’était déroulée ailleurs, dans le même endroit, mais en décalé. Tu comprends ce que je veux dire ? »
Clémence réfléchit.
« Ce que je viens de te raconter, tu ne dois le répéter à personne, promets-le encore. »
« Mais … Ça veut dire quoi ? »
« J’ai jamais croisé cette chose à tête de chouette avant, alors la concernant, je ne sais pas quel esprit ni quelle créature elle peut être. Mais ils reviennent. Ils sont en train de revenir, Clémence, et j’ai peur. »
« Tu es … Seulement surmené, stressé… Tu devrais … Aller voir ce prêtre, ça t’avait fait du bien de lui parler, à l’époque… »
« Ce prêtre ? Ce foutu prêtre ! Non … »
« Ou un psy ? »
« Quoi ? Tu me crois cinglé ? »
« Non, mais … »
« Laisse tomber, je suis con, je n’aurais jamais dû t’en parler. »
« Ne t’énerves pas. »
« Mais non, je ne m’énerve pas, enfin, c’est pas contre toi. Je ne veux pas que cette saloperie nous gâche cette journée. Dis tu veux faire quoi ? J’aurais encore envie mais… On pourrait remettre ça ce soir ? Sortons, allons boire un verre dans ton quartier. Un dîner tôt au restaurant, et revenir ici pour finir ce que nous avons commencé … Comme si nous étions en vacances, dans un pays étranger ! »
« Non, je veux que tu partes. »
« Quoi ? C’est ce truc que je t’ai raconté ? »
« Non. Mon mec ne tardera plus à rentrer. »
« Ton quoi ? »
« Tu le sais, c’est fini nous deux, non ? »
« Ton mec ? »
« Mon fiancé, il rentre à dix-huit heure, et j’aimerais me doucher avant… »
« Ton fian… »
« C’est chez lui ici, c’est sérieux nous deux, noous essayons de faire un enfant. »

J’arrivais plus à respirer un silence anormal m’étouffait, l’air s’était transformée en eau, aucun son, seulement celui de mon cœur qui battait. La jeune femme assise en tailleur sur le lit avait une tête de chouette, et je vis son bec, je vis le rose à l’intérieur de son bec, je ne pus regarder la chose dans les yeux, mon regard descendit entre ses jambes repliées, longues et blanches, une matière épaisse coulait de son sexe et se répandait sur le matelas en une tache sombre …

Les sons revinrent d’un coup, l’oiseau disparut, Clémence riait.
« Tu en es tombé par terre dis donc ! Je suis désolée, je croyais que tu savais … »
« Vous voulez faire un enfant … »
« Quoi ? Mais non ! »
« C’est ce que tu as dit … »
« Mais non, n’importe quoi ! Et même si nous le voulions … Cela demande des efforts, et du temps. »

Clémence me souriait, mais ce n’était plus un long étirement horizontal, simplement les commissures de ses lèvres remontées, et ses yeux un peu trop ouverts, glacés, malveillants.
J’ai pris mes affaires je me suis rhabillé précipitamment en traversant le salon, j’ai claqué la porte dévalé les escaliers, j’ai fui, c’est dans la rue que je serrais ma ceinture et enfilais ma veste …

[ – Bénissez-moi, mon Père, parce que j’ai péché. Je confesse à Dieu Tout-Puissant … j’ai péché mon Père, j’ai… Bénissez-moi mon Père, je reconnais devant mes frères …
– Calme-toi… Attends…
– Bénissez-moimonPèreparcequeparceque…
– Calme-toi …
– Oui, oui pardon.
– Respire profondément …
– Voilà, voilà… Au nom du Père du Fils, et du Saint-Esprit, amen. Bénissez-moi mon Père. Parce que j’ai péché.
– Je te l’ai dit autrefois, il faut que tu sois baptisé, sans le baptême la confession ne …
– Pas encore.
– Je peux te baptiser maintenant, et ensuite tu te confesseras ?
–  Non, je ne veux pas, je ne suis pas encore prêt, pas en ce moment, je ne veux pas qu’Il me voit comme ça. Mon Père… Elle … Ils sont revenus. ]

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